Le Corps et le Fouet (1963) de Mario Bava

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Après un détour vers d'autres genres comme "Le Dernier des Vikings" (1961) ou "La Ruée des Vikings" (1961) le réalisateur italien Mario Bava (considéré dans son pays comme un simple faiseur de série B mais qui est vu comme un cinéaste majeur et culte en France ou aux Etats-Unis) revient au film d'horreur gothique qu'il avait porté haut avec son premier film en solo, "Le Masque du Démon" (1960), énorme succès souvent cité comme le plus important film d'horreur gothique italien. Il met en scène un scénario écrit par Ernesto Gastaldi auteur entre autre de "La Maîtresse du Vampire" (1960) de Renato Polselli, "La Vengeance du Colosse" (1962) de Marcello Baldi ou plus tard "Mon Nom est Personne" (1973) de Tonino Valerii, il retrouvera plus tard avec "La Rançon de la Peur" (1974) de Umberto Lenzi son confrère Luciano Martino  qui écrira aussi "Le Temps des Vautours" (1967) de Romolo Guerrieri ou "La Bataille d'El Alamein" (1969) de Giorgio Ferroni, puis enfin Ugo Guerra scénariste de "Les Week-Ends de Néron" (1956) de Steno ou "Les Mongols" (1961) de André De Toth et Riccardo Freda. Le film sera censurée à sa sortie freinant d'emblée ses chances de réussites, le film rentrera tout juste dans ses frais... 

Milieu du 19e siècle en Europe de l'Est, dans le manoir austère des Menliff, la belle Nevenka et Cristiano Menliff sont mariés depuis peu. Mais une nuit, le frère aîné Kurt Menliff fait un retour surprise alors qu'il a été banni de la famille et de la demeure. Ce dernier avait dû partir après le suicide de Tania, sa maîtresse et fille de la gouvernante qui ne désire que la vengeance tenant Kurt comme responsable de la mort de Tania. En effet malgré leur liaison Kurt devait à l'origine épouser Nevenka. Son retour secoue tout le monde dont le matriarche le vieux comte Menliff malade. Très vite, Nevenka est de nouveau séduite par Kurt et reprenne leur relation sadomasochiste jusqu'à cette nuit où Kurt est retrouvé mort, semble-t-il poignardé avec le même poignard qu'avait utilisé Tania. Bientôt Nevenka croit être hantée par le fantôme de Kurt... Nevenka est interprétée par Daliah Lavi vue dans "Le Jeu de la Vérité" (1961) de Robert Hossein, "Quinze Jours Ailleurs" (1962) de Vincente Minnelli, "Lord Jim" (1965) de Richard Brooks ou dans le film collectif "Casino Royale" (1967). Son époux Cristano est joué par Luciano Stella (crédité Tony Kendall) qui sera vu en France auprès de notre Belmondo dans "Flic ou Voyou" (1979) et "Le Guignolo" (1980) tous deux de Georges Lautner. Le fils aîné Kurt est incarné par celui qui n'est pas encore une légende, Christopher Lee star de la Hammer ayant tourné entre autre une douzaine de films sous la direction de Terence Fisher de "Frankenstein s'est Echappé" (1957) et "Les Vierges de Satan" (1968), et qui reviendra en force avec notamment la trilogie "Le Seigneur des Anneaux" (2001-2003) de Peter Jackson, après "Hercule contre les Vampires" (1961) de Franco Prosperi l'acteur retrouve Mario Bava qui y était réalisateur assistant et sa partenaire Ida Galli vue dans "La Dolce Vita" (1960) de Federico Fellini, "Le Guépard" (1963) de Luchino Visconti ou "L'Emmurée Vivante" (1977) de Lucio Fulci. Le patriarche est joué par Gustavo De Nardo qui retrouvera Mario Bava dans "Les Trois Visages de la Peur" (1963) et "La Fille qui en savait Trop" (1964). Citons encore le domestique joué par Luciano Pigozzi vu notamment dans "Le Général Della Rovere" (1959) de Roberto Rosselini, "La Ciociara" (1960) de Vittorio De Sica et "Le Voyou" (1970) de Claude Lelouch, puis le prêtre interprété par le français Jacques Herlin, acteur au plus de 200 rôles dont "Les Monstres" (1963) de Dino Risi, "SS Représailles" (1972) de George Pan Cosmatos, "Chouans !" (1988) de Philippe De Broca ou "Des Hommes et des Dieux" (2010) de Xavier Beauvois... Les premières minutes imposent d'emblée une atmosphère aussi austère que mystérieuse, voir une mélancolie funeste où les habitants du manoir semblent tous plus ou moins morts, au moins spirituellement, sans bonheur ni espoir, jusqu'à l'arrivée impromptue de Kurt, l'aîné qui réveille la demeure pour rappeler les drames, les malheurs et les souvenirs qui ont empoisonné le manoir et ses hôtes. 

Le début du film plongé dans la nuit, avec un manoir perché en haut d'une falaise, noyé dans l'obscurité qui renvoie à tout un imaginaire autour de Dracula et sa mythologie, appuyé d'ailleurs par l'arrivée de Kurt incarné par l'acteur qui a incarné, incarne et incarnera encore de nombreuse fois le plus célèbre des vampires. Les décors gothiques sont magnifiques, remplissant le cahier des charges du genre avec un travail remarquable sur la lumière et les ombres. Le premier rebondissement dévoile la relation perverse sadomasochiste et saupoudrée d'un érotisme suranné que les gémissements de Nevenka/Lavi accentue à la fois victime désirable et désireuse. Le second rebondissement forcément macabre relance le récit vers l'histoire de fantôme où le tout sera de savoir si Kurt est vraiment revenu d'entre les morts pour hanter le manoir ou si c'est une manipulation machiavélique d'un fils maudit mais ambitieux. La dernière partie du film est malicieusement écrite d'abord, mêlant réalité et vision de Nevenka troublant autant cette dernière que le spectateur avant de comprendre si sa folie est légitime. En prime un Christopher Lee aussi distingué qu'inquiétant et la beauté fatale de Daliah Lavi. Mario Bava signe une belle réussite du genre à voir.

Note :  

15/20