[Compétition Officielle]
De quoi ça parle ?
Manuel (Gianmarco Franchini), un adolescent romain, vit avec son père, Daytona (Toni Servillo), un ancien truand devenu sénile. Un soir, le jeune homme est chargé par un autre truand, Vasco (Adrian Giannini), d’infiltrer une soirée pour piéger un mystérieux individu et lui fournir de la matière à un chantage. Mais le garçon comprend qu’il s’agit d’un piège et s’enfuit des lieux, semant les hommes de main de Vasco. Conscient du danger représenté par ceux-ci, il décide de faire appel à d’anciens associés de son père, Polniuman (Valerio Mastandrea) et Camello (Pierfrancesco Favino) pour assurer sa protection et régler ses problèmes. Ceux-ci ont, comme Daytona, rangé les armes depuis longtemps, mais la menace représentée par Vasco et ses hommes va les contraindre à reprendre les armes pour un dernier combat.
Pourquoi on dégaine les commentaires positifs ?
Stefano Sollima nous avait emballés avec son premier film, ACAB : All Cops are bastards formidable film noir qui s’intéressait au quotidien d’une brigade de forces de l’ordre, perdus dans une Rome crépusculaire romaine et son second long-métrage, l’ambitieux Suburra avait confirmé tout le bien que l’on pensait de lui. Mais ses deux derniers long-métrages, productions hollywoodiennes sans grand intérêt, nous avaient laissé à penser qu’il s’était un peu égaré en chemin. Adagio signe son retour au pays et nous permet de constater avec grand plaisir que l’homme n’a rien perdu de son talent, notamment pour créer des ambiances de polar poisseuses et visuellement somptueuses.
La grande force d’Adagio, c’est clairement la façon de montrer Rome sous un angle différent, loin des clichés touristiques. Ici, pas de Colisée ou de bâtiments historiques, juste des lieux assez sordides, de lieux d’orgies underground en appartements miteux, mouroirs pour de vieux caïds retraités, lieux désaffectés utilisés par des criminels pour effectuer leurs basses besognes, filmés en plan large pour mieux y perdre les personnages. En arrière-plan, on constate que les environs de la ville sont dévorés par les flammes, des lueurs qui contrastent avec l’obscurité qui semble contaminer la plupart des plans. Ceci donne l’impression d’une apocalypse imminente, la fin d’un monde, qui cadre parfaitement avec son intrigue, qui offre un dernier baroud d’honneur à ces criminels à bout de course.
Il y a aussi un rythme singulier, très lent. Le film ne s’appelle pas Adagio pour rien. Le cinéaste prend tout son temps pour développer son récit et nous permettre d’en comprendre les enjeux. Cela change un peu des films de gangsters habituels, où l’action prime généralement sur la mise en place d’une atmosphère et la psychologie des personnages. Ici, l’intrigue ne développe pas tant que cela les personnages, mais en s’appuyant sur un casting aussi brillant, réunissant quelques-uns des meilleurs acteurs transalpins (Toni Servillo, Valerio Mastandrea, Adriano Giannini et un Pierfranco Favino chauve, imberbe, absolument méconnaissable) plus un jeune acteur promis à une belle carrière, Gianmarco Franchini, le cinéaste n’a pas besoin de beaucoup de dialogues ou de situations pour dresser leur portrait de façon juste et sensible.
Là où le bât blesse, c’est que cette intrigue s’avère un peu trop classique, trop conventionnelle et trop linéaire. Il n’y a aucune surprise, aucun mystère. On sait très bien comment le récit va évoluer et se dénouer, sans doute parce que le cinéma italien propose régulièrement ce genre d’histoire de gangsters, ce schéma de rédemption tardif. Malgré toutes les qualités artistiques et techniques du film, on finit par s’ennuyer un peu dans le dernier quart d’heure et on ne peut s’empêcher de penser qu’avec le même talent de mise en scène, le même sens esthétique, mais un scénario plus complexe, plus ample, on aurait pu avoir un très grand film. Mais sans doute sommes nous plus exigeants que la moyenne. Le film pourra séduire les amateurs de polar, à condition qu’ils acceptent de se laisser emporter par ce rythme contemplatif et cette atmosphère particulière. On espère en tout cas que ce film offrira à Stefano Sollima l’opportunité de continuer à créer, pour s’imposer enfin comme l’un des cinéastes italiens majeurs de ce début de XXIème siècle.
Contrepoints critiques
”It’s possible to argue that in cinema, there is no such thing as small stakes (…) But it helps when the filmic grammar and style match the energy and content of the plot. While the craft team here feel at the top of their game, delivering scene after scene of perfectly composed glossy, grimy, sweaty tableaux, the script could have used a bit more time to sharpen up.”
(Catherine Bray – Variety)
”Un film de mafia de plus dirons-nous, ayant pour principale originalité de tranformer Pierfrancesco Favino (plus intéressant dans le film d’ouverture) en hybride entre Bruce Willis et un méchant russe dans une coproduction de Luc Besson”
(La Rédaction – Le Mag Cinéma)
Crédits photos : Emanuela Scarpa – Images fournies par La Biennale di Venezia