Banel et Adama (2023) de Ramata-Toulaye Sy

Premier long métrage de Ramata-Toulaye Sy, franco-sénégalaise sortie de la Fémis mais qui a préféré attendre sept années avant d'oser passer derrière la caméra, se considérant comme pas assez mature. Elle a d'abord écrit pour les autres en tant que scénariste des films "Sibel" (2019) de Cagla Zencirci et Guillaume Giovanetti suivi de "Notre-Dame du Nil" (2020) de Atiq Rahimi avant de réaliser son court-métrage "Astel" (2020). Pour son projet qu'elle avait un temps prévu comme un court, elle voulait raconter une grande histoire d'amour tragique au Sénégal, pays de ses parents : "J'y voyais là un geste politique. Le mot est fort, j'en conviens, mais il me semble qu'il est approprié. A l'époque où je travaillais sur le scénario, j'ai eu la sensation que la plupart des films africains contemporains que je découvrais traitaient de la violence, de la guerre, de terrorisme, de pauvreté... tout cela sous une forme naturaliste. Le cinéma de genre avait du mal à trouver sa place : bien sûr, il y avait quelques propositions, mais très peu. C'est à partir de cette réflexion que mon envie d'un film universel, qui parleraient aux africains mais pas seulement, s'est imposées." La réalisatrice-scénariste précise : "J'ai grandi avec les films populaires et les blockbusters et pour moi, le cinéma est synonyme de "spectaculaire". Après, chacun sa définition du spectacle... Pour ma part, j'aime composer mes plans comme des tableaux." Elle ajoute que ses références sont surtout littéraires et picturales, citant les noms de la romancière Toni Morrison, le tragédien Racine, la poétesse Maya Angelou, ainsi que les peintres Van Gogh, Edvard Munch, Karry James Marshall ou encore Amoako Boafo. Notons que le film est une co-production France-Mali-Sénégal avec France majoritaire...  

Banel et Adama (2023) de Ramata-Toulaye Sy

Jeunes adultes, Banel et Adama vivent depuis toujours dans un village reculé au nord du Sénégal. Les deux jeunes gens s'aiment follement, bien que leur caractère soit diamétralement opposé, Adama est calme et introverti tandis que Banel est de nature passionnée et rebelle. Ils aspirent à avoir leur propre maison, mais l'équilibre de la communauté est brisé quand Adama refuse de remplir sa charge de chef de village pour succéder à ses aînés... Tous les acteurs du film sont des non-professionnels. Le casting sauvage et autre a duré cinq mois. Adama est incarné par Mamadou Diallo pour son premier rôle donc, tandis que Banel est jouée par Khady Mane remarquée dans la rue seulement un mois avant le début du tournage. A leur côté citons aussi Binta Racine Sy, Moussa Sow, Ndiabel Diallo, Oumar Samba Dia ou Amadou Ndiaye... Dès les premières minutes on constate deux choses vis à vis de ce qu'a voulu la réalisatrice, d'abord par ses inspirations picturales dont on perçoit tout le soin apporté à l'image, au cadrage, aux plans comme des tableaux ou des photographies d'art, puis ensuite plus dommageable par les dialogues ainsi que les voix Off, ke film s'avère bien plus bavard qu'annoncé, les silences et regards ne remplacent pas tant que ça les dialogues. Le film s'avère symptomatique de ces constats, mi-figue mi-raisin. Tourner en langue peule, au Sénégal, avec des gens du cru et en nous plongeant dans les us et coutumes d'un village de fermiers est intéressant mais la cinéaste se prend un peu les pieds dans le tapis.

Banel et Adama (2023) de Ramata-Toulaye Sy

Elle a déclaré : "Ce qui m'intéressait dans cette culture peule, c'était son son peuple, à la physionomie particulière et aux principes connus : ils expriment leurs émotions par les regards, les silences. C'est un peuple qui est connu pour être digne, mais surtout très fier. Ce qui m'intéressait le plus, c'était de confronter un personnage tel que Banel, qui est passionnée et expressive, à une telle communauté. Et puis, esthétiquement, je trouvais beau de faire un film assez silencieux où les dialogues passaient plus par le corps et les regards que par la parole." Malheureusement si effectivement c'est la relation de Banel/Khady Mane au sein de sa communauté qui tient le récit mais la réalisatrice ne parvient pas à imposer "le corps et les regards" envers les dialogues. A force de s'appliquer à l'esthétique et à la photographie de son film Ramata-Toulaye Sy oublie sans doute que ses personnages sont des travailleurs de la terre, et qu'ils vivent quasiment dans un désert, on s'étonne donc de voir des personnages magnifiquement vêtu, toujours propres sur eux sans que le sable ou la poussière ne tâchent ou ne s'accrochent à quoi que ce soit ni à qui que ce soit. Par contre la cinéaste réussit sur un autre point, et on en revient à Banel : "Tout au long du film, je voulais qu'on se demande : "Qui est vraiment cette femme étrange ? Une meurtrière ou bien une amoureuse ? Une femme sacrée ou une martyre ?" Au fur et à mesure que l'histoire évolue, avec la sécheresse qui persiste (visuellement démonstratif mais nullement ressenti chez les humains), Banel devient de plus en plus bizarre ou intrigante. Le film devient passionnant et se vire plus vers un drame psychologique. En conclusion, le film offre des plans magnifiques, avec une histoire d'amour touchante et subtilement écrite, mais c'est aussi "trop sage et trop propre" et même peut-être trop bavard. Un premier film qui reste prometteur et donc à voir et à conseiller.

Note :  

Banel Adama (2023) Ramata-ToulayeBanel Adama (2023) Ramata-Toulaye

11/20