Déjà un grand réalisateur avec "Le Solitaire" (1981), "La Forteresse Noire" (1983), "Le Sixième Sens" (1986) et surtout "Le Dernier des Mohicans" (1992), Michael Mann signe enfin son grand chef d'oeuvre avec ce projet dont il avait écrit un premier scénario dès 1983 mais il avait alors déclaré qu'il n'était pas près à la réaliser. Il en avait fait d'abord un téléfilm avec "L.A. Takedown" (1989) qui connaîtra un joli succès télé. Le projet s'étoffe donc mais le cinéaste voit plus grand. Le réalisateur-scénariste s'inspire d'un de ses amis, l'inspecteur Chuck Adamson qui a pourchassé et tué le véritable Neil McCauley en 1963. Par là même, le personnage du commanditaire Nate est inspiré de Edward Bunker, ex-truand devenu romancier dont certaines oeuvres ont été adapté au cinéma dont "Le Récidiviste" (1978) de Ulu Grosbard justement co-écrit par Michael Mann, et qu'on a vu acteur incarnant Mr. Blue dans "Reservoir Dogs" (1992) de Tony Scott. Au départ une partie de la production envisageait Nick Nolte et Jeff Bridges pour les deux rôles principaux mais Arnon Milchan producteur entre autre de "Il était une Fois en Amérique" (1984) de Sergio Leone, puis Art Linson producteur de "Les Incorruptibles" (1987) de Brian De Palma, deux films avec Robert De Niro, rêvaient depuis longtemps de réunir ce dernier avec son rival et ami Al Pacino ; un fantasme pour tout cinéphile depuis "Le Parrain II" (1974) de Francis Ford Coppola dans lequel il sont tous les deux sans avoir de scène ensemble (rappelons que l'un jouait le père de l'autre à deux époques distinctes). Les deux stars ont forcément été séduit par ce projet d'autant plus quand Mann a dû leur expliquer le face à face prévu. Doté d'un budget confortable (pour l'époque et le genre) de 60 millions de dollars les stars ont dû accepter de faire un effort sur leur cachet au vu du casting impressionnant prévu. Le film rencontra le succès mais sans être impressionnant au niveau chiffre, engrangeant plus de 187 millions de dollars au box-office Monde dont 1,4 millions d'entrées France. Néanmoins, la postérité donnera ses lettres de noblesse à ce film devenu au fil des ans aussi culte que mythique, et devenu une référence notamment pour son braquage ; dans les plus marquants niveau influence on peut citer "The Dark Knight" (2008) de Christopher Nolan. Alors que le cinéaste rêvait depuis longtemps d'une suite, Michael Mann a publié un roman qui est la fois une préquelle et une suite, "Heat 2" (2022)...
Neil McCauley est un braqueur aussi expérimenté que secret. Il est un as dans son domaine et s'applique à réunir toujours une équipe tout aussi pro. Mais cette fois, pour un braquage de haut vol millimétré il doit accepter un membre qui semble peu scrupuleux. Ca ne manque pas, le braquage se déroule mal, très mal ce qui a pour effet d'ajouter de la pression sur l'équipe même s'ils s'en sont bien sortis. Mais surtout ce braquage permet à l'équipe de Vincent Hanna, lieutenant de légende dans la police, de se rapprocher dangereusement dan la bande. Jouant au chat et à la souris, Hanna finit par imposer une rencontre spontanée à McCauley durant laquelle ils vont se dire leur vérité. Le duel s'engage alors vraiment... Le braqueur Neil McCauley est incarné par Robert De Niro devenu star et acteur fétiche de Martin Scorcese depuis "Mean Street" (1973) jusqu'à cette même année prestigieuse du chef d'oeuvre "Casino" (1995), et retrouve donc après "Le Parrain II" (1974) son partenaire Al Pacino star de la trilogie "Le Parrain" (1972-1991), vu dans un autre chef d'oeuvre peu de temps avant "Heat" dans "L'Impasse" (1993) de Brian de Palma. Pacino retrouvera plus tard dans "Révélations" (1999) Michael Mann ainsi que sa partenaire et épouse dans le film Diane Venora vue auparavant dans "Cotton Club" (1984) de F.F. Coppola ou "Bird" (1988) de Clint Eastwood. Citons ensuite Wes Studi remarqué en peaux-rouges dans "Danse avec les Loups" (1990) de et avec Kevin Costner, "Le Dernier des Mohicans" (1992) de Michael Mann et "Geronimo" (1993) de Walter Hill, il retrouve surtout après "The Doors" (1991) de Oliver Stone l'acteur Val Kilmer star de "Top Gun" (1986) de Tony Scott et "Willow" (1988) de Ron Howard devenu cette même année le superhéros de "Batman Forever" (1995) de Joel Schumacher, il retrouve après "True Romance" (1993) de Tony Scott son partenaire Tom Sizemore remarqué aussi dans "Tueurs Nés" (1994) de Oliver Stone et "Strange Days" (1995) de Kathryn Bigelow après lequel il retrouve William Fichtner vu dans "Malcolm X" (1992) de et avec Spike Lee et retrouvant également après "Quiz Show" (1994) de Robert Redford l'acteur Hank Azaria remarqué dans "Pretty Woman" (1990) de Garry Marshall, puis citons encore Amy Brenneman vue dans "Casper" (1995) de Brad Silberling mais qui deviendra surtout populaire pour la série TV "Amy" (1999-2004) avant de retrouver Al Pacino dans "88 Minutes" (2007) de Jon Avnet, Dennis Haysbert aperçu entre autre dans "Navy Seals : les Meilleurs" (1991) de Lewis Teague avant de connaître un succès personnel avec "Loin du Paradis" (2002) de Todd Haynes, Ashley Judd encore inconnue juste aperçue auparavant dans "Ruby in Paradise" (1993) de Victor Nunez et "Smoke" (1995) de Wayne Wang, Mykelti Williamson vu dans "Les Rues de Feu" (1984) de Walter Hill ou "Forrest Gump" (1994) de Robert Zemeckis, il retrouvera plus tard dans "Les Ailes de l'Enfer" (1997) de Simon West son partenaire Kevin Gage (Waingro dit l'Artiste) vu la même année dans "A Armes Egales" (1997) de Ridley Scott, Ted Levine vu dans "La Main Droite du Diable" (1988) de Costa Gravas et "Le Silence des Agneaux" (1991) de Jonathan Demne, Tom Noonan vu dans "La Porte du Paradis" (1980) de Michael Cimino, "Le Sixième Sens" (1986) de Michael Mann et "Mystery Train" (1989) de Jim Jarmush, Natalie Portman qui vient alors tout juste d'être révélée dans "Léon" (1994) de Luc Besson, Jon Voight grand acteur avec des titres comme "Macadam Cowboy" (1969) de John Schlesinger, "Délivrance" (1972) de John Boorman ou "Runaway Train" (1985) de Andre"Kontchalovski, Danny Trejo ancien truand devenu acteur qui explose alors entre "Desperado" (1995) et "Une Nuit en Enfer" (1996) de son cousin Robert Rodriguez, et enfin Xander Berkeley aperçu entre autre dans "Terminator 2" (1991) de James Cameron, "Des Hommes d'Honneur" (1992) de Rob Reiner ou "Leaving Las Vegas" (1995) de Mike Figgis...
Michael Mann retrouve une grande partie de ses collaborateurs habituels, d'abord et avant son Directeur Photo Dante Spinotti qui était déjà sur "Le Sixième Sens" (1986), "Le Dernier des Mohicans" (1992) puis après sur "Révélations" (1999). La B.O. est signée de Elliot Goldenthal compositeur sur "Alien 3" (1992) de David Fincher et "Entretien avec un Vampire" (1994) de Neil Jordan, et retrouvera le réalisateur sur "Public Enemies" (2009)... Michael Mann a tourné son film dans pas moins de 65 lieux différents à Los Angeles et les alentours avec aucune scène en studio, l'entièreté du film est donc en décor naturel dont le restaurant Kate Mantilini (face à face) à Beverly Hills et l'hôtel Hilton (Waingro) proche de l'aéroport international de L.A. Le film débute rapidement en mode action où on fait rapidement connaissance avec le gang de McCauley avec un braquage impressionnant sur le fond comme sur la forme jusqu'à cet éclat imprévu qui met en danger l'intégrité du groupe. La mise en scène de Mann impressionne d'emblée, aussi méticuleuse que l'est le plan du braquage alors que les protagonistes imposent leur caractère leur charisme. Alors que les uns s'organisent pour se venger et/ou faire fructifier leur butin les autres mènent l'enquête. Un autre gang fait face, celui de la brigade de Hanna légende appelée spécialement pour stopper McCauley tant il est certain qu'il prépare un autre coup. De là, on savoure le parallèle entre les deux bandes, d'un côté les braqueurs qui, en mode pause, jouent les maris idéaux et fidèles dans des restos chics, de l'autre des flics qui semblent plus focalisés par leur boulot que par leur famille, avec évidemment les deux leaders en tête dont le face à face entre littéralement dans le vif du sujet et dans la légende au bout de 1h30. 6mn d'un entretien spontané entre les deux géants, McCauley/De Niro face à Hann/Pacino mais que le réalisateur ne filme jamais ensemble sur un même plan, préférant le champ/contre-champ, passant d'un visage à l'autre ; un choix qui lui sera reproché mais qu'il explique parfaitement : "Ce plan aurait été grammaticalement faux. Ils incarnent deux hommes que tout oppose. Je ne pouvais les montrer face à face." Les deux acteurs sont sans doute dans leur scène la plus sobre, la plus en maîtrise de soi, aucun des deux n'haussent le ton, la voix reste monocorde et et ton bas, un sourire pincé et des regards perçant suffisent. Une scène d'anthologie.
Le scénario est implacable, outre les plans de braquage on est face à des hommes près à tout, d'une intelligence remarquable d'un côté comme de l'autre, jouant au chat et à la souris narguant les uns comme les autres dans un jeu qui ne peut que finir dans un bain de sang. Les rebondissements sont peu nombreux mais sont logiques, cohérents et surtout prenants imposant la corde raide à tous. Arrive ainsi le second et ultime braquage, qui finit en fusillade dantesque à l'arme de guerre en plein Los Angeles et où les pertes seront pour les deux camps particulièrement lourdes. Une scène de plus de 15mn au gunfight qui impressionneront même l'armée américaine qui s'en servira pour la formation de ses recrues ! Certe le réalisme de fait est discutable, on voit mal la police rentrer dedans avec autant de force en centre vile, mais la séquence est fascinante de maîtrise, fluide de bout en bout avec des conséquences tragiques qui en font le tournant du film. Une autre scène d'anthologie. Les drames personnels se font plus présentes, ajoutant au stress déjà pesant, la tension monte, la fin funeste des uns ou des autres trotte forcément dans les têtes, l'atmosphère du film se fait plus anxiogène. D'autres passages sont marquantes comme le geste discret d'une épouse pour dire adieu, les larmes d'une femme qui comprend qui est son amant, la tentative de suicide d'une ado ou l'exécution d'un traître. Le film est une succession de scènes éblouissantes, de par la mise en scène virtuose, ou par le détail qui fait tout ou simplement par la portée d'une action sur la suite des événements. Michael Mann signe avec ce film un chef d'oeuvre, la quintessence du genre à voir, revoir et à conseiller absolument.
Note :
20/20