Le Livre des Solutions (2023) de Michel Gondry

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Nous aurions presque envie de dire enfin ! Voici donc le retour de Michel Gondry, réalisateur de quelques bijoux comme "Eternal Sunshine of the Spotless Mind" (2004), "Soyez Sympas, Rembobinez" (2008) ou "L'Ecume des Jours" (2013) et qu'on n'avait pas tourné depuis "Microbe et Gasoil" (2015). Pour ce nouveau projet le cinéaste a puisé dans sa propre vie en réunissant deux éléments. Il explique d'abord "Juste avant de faire Eternal Sunshine of the Spotless Mind", j'ai rempli un cahier en écrivant tous les problèmes rencontrés sur Human Nature. Puis j'ai noté toutes les solutions à ces problèmes. Le personnage que joue Pierre Niney, c'est moi à 70%, environ." Puis il précise avoir découvert qu'il était bipolaire suite à la production douloureuse de "L'Ecume des Jours" : "Je prenais des médicaments pour l'humeur et des obsessions intenses qui m'empêchaient carrément de vivre. Durant le tournage, ça s'est dégradé. (...) On a commencé le montage et j'ai arrêté mon traitement. Là, mon esprit a explosé. Un mélange de mégalomanie et de peur, avec des moments super intenses où j'avais l'impression de faire partie de l'Histoire, de créer des choses totalement innovantes. (...) Un psychiatre m'a diagnostiqué bipolaire peu après." Michel Gondry est comme à son habitude réalisateur-scénariste... Marc s'enfuit avec toute son équipe dans un petit village des Cévennes chez sa tante Denise. Il va ainsi tout faire pour terminer son film. Sur place, Marc est envahi par un déluge de créativité qu'il a bien du mal à canaliser plongeant le tournage dans un drôle de chaos. Il décide alors d'écrire le Livre des Solutions, un guide de conseils pratiques qui doit l'aider à s'organiser et à trouver la solution à ses problèmes...  

Le jeune cinéaste est incarné par Pierre Niney vu récemment dans "Goliath" (2022) de Frédéric Tellier et "Mascarade" (2022) de Nicolas Bedos. L'acteur n'a jamais tourné pour le cinéaste mais il a pourtant été son parrain de cinéma : "En 2012, je débutais à peine dans le cinéma, j'étais intimidé et impressionné par cette industrie, quand j'ai été invité à une soirée pré-César, j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai envoyé une lettre à l'un de mes réalisateurs préférés en lui demandant de m'accompagner comme "parrain" à cet événement. Je n'y croyais pas du tout. Mais je l'ai fait quand même. À l'époque je regardais en boucle Be Kind Rewind et Eternal Sunshine of the Spotless Mind..." Par là même, le réalisateur s'inspire de sa véritable tante Suzette vue dans son documentaire "L'Epine dans le Coeur" (2010) pour le personnage jouée par Françoise Lebrun révélée dans "La Maman et la Putain" (1973) de Jean Eustache et qui reste toujours prolifique avec récemment "Vortex" (2021) de Gaspard Noé et "Petite Fleur" (2022) de Santiago Mitre. Citons ensuite Blanche Gardin vue dans "Oranges Sanguines" (2021) de Jean-Christophe Meurisse, "Tout le Monde aime Jeanne" (2022) de Céline Devaux, "Fumer fait Tousser" (2022) et "Yannick" (2023) tous deux de Quentin Dupieux, Frankie Wallach aperçue dans "Trop D'amour" (2021) d'elle-même et "Marinette" (2023) de Virginie Verrier, Camille Rutherford vue dans "La Nuit du 12" (2022) de Dominik Moll, "Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan" (2023) de Martin Bourboulon et "Anatomie d'une Chute" (2023) de Justine Triet, Vincent Elbaz dont les derniers films sont "Andy" (2019) de Julien Weill et "Mystère" (2021) de Denis Imbert, Mourad Boudaoud vu dans la série TV "Caïn" (2011-2020), et aperçu dans les films "Nous Trois ou Rien" (2015) de et avec Kheiron et "Bonne Pomme" (2017) de Florence Quentin, Alex Martin habitué à jouer les gros bras entre autre dans les 007 "Spectre" (2015) de Sam Mendes et "Mourir peut Attendre" (2020) de Cary Joji Fukunaga, et enfin n'oublions pas un certain Sting dans son propre rôle et de retour dans un film français après "Kaamelott : Premier Volet" (2021) de et avec Alexandre Astier... Le film a une dimension autobiographique non négligeable où Pierre Niney est l'alter ego de Michel Gondry qui s'offre ainsi une sorte de catharsis. On suit donc un jeune cinéaste frustré que son film soit refusé par sa production et qui fuit donc en "volant" son film pour tenter de le terminer tel qu'il le voudrait. Le jeune cinéaste a un traitement qu'on devine être psychologique, il l'arrête et s'enfonce alors dans une hyperactivité et une hyper créativité qui part dans tous les sens à tel point que ses collègues ou employés ont bien du mal à suivre.

Mais pourtant c'est le spectateur qui a des difficultés à suivre aussi, ou à comprendre ses techniciens qui subissent les desideratas du cinéaste en crise. En effet comment croire qu'ils puissent subir autant ce qui s'apparente à du harcèlement professionnel, comment croire qu'ils pourraient croire à un quelconque talent puisqu'on ne voit jamais le réalisateur travaillé sur le film en question, les quelques passages où il fait preuve d'imagination et d'instinct artistique certain  sont rares (l'orchestre et puis c'est à peu près tout) et pourraient être pour tout autre chose que le film en cours. Bref, le film part dans tous les sens à l'instar de son personnage. Surtout on constate que la comédie promise n'est pas si hilarante que ça, il y a 2-3 scènes drôles mais dans l'ensemble on est dans une comédie dramatique, une chronique de tournage douce-amère dans laquelle on souffre pour l'équipe technique, on a difficilement de l'empathie pour un cinéaste égocentrique qui aime se victimiser, et on est surtout ému par cette tante qui doit tout supporter. Pourtant le film est gondriesque à souhait, avec une collection de trouvailles et de créativité à tous les étages, il est juste dommage que la bipolarité soit source du gag et des soucis tournés en dérision sans qu'il y ait d'évolution ou de remise en question du personnage qu'on se doit d'excuser quoi qu'il se passe. Le rythme s'en retrouve un peu décousu. Reste Françoise Lebrun qui nous émeut, et surtout un Pierre Niney en grande forme dont l'abattage est impressionnant. Un bon film, passionnant à bien des égards qui pêche par un trop plein qui ne permet pas de traiter ses sujets à fond. Note indulgente.

Note :                 

12/20