L'Été Dernier (2023) de Catherine Breillat

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Ce projet est avant tout une idée de Saïd Ben Saïd, producteur des récents "Benedetta" (2021) de Paul Verhoeven, "Tralala" (2021) des frères Larrieu ou "Passages" (2022) de Ira Sachs. Ce dernier a acquis les droits de remake du film danois "Queen of Hearts" (2019) de May El-Toukhy et a proposé à la réalisatrice Catherine Breillat de réaliser le film. Cette dernière est en effet une spécialiste des films à l'érotisme assumé (même si elle hais ce terme comme elle déteste qu'on dise qu'elle fait des films sulfureux) avec entre autre "Une Vraie Jeune Fille" (1976), "Romance" (1999) ou "Une Vieille Maîtresse" (2007) mais qui n'a pas tourné depuis "Abus de Faiblesse" (2013) qui revenait sur l'escroquerie dont elle a été victime alors qu'elle est handicapée. Catherine Breillat a accepté la proposition du producteur : "À ce moment-là, j'étais au fond du trou. Je n'avais plus envie de faire du cinéma. Je pense que j'étais aussi en dépression larvée, je suis quand même en très mauvais état physique. Être hémiplégique, ce n'est pas simple. J'ai regardé le film et j'ai été stupéfiée par ce mensonge qui y est raconté. Proférer un si gros mensonge et arriver à le faire croire à l'autre, il faut quand même être dans une forme de vérité pour y arriver ! Je trouvais que c'était un dispositif scénaristique absolument génial, digne de Shakespeare." La réalisatrice-scénariste co-signe le scénario avec Pascal Bonitzer, cinéaste qui collabore très souvent avec le producteur Saïd Ben Saïd, réalisateur mais aussi scénariste récurrent de André Téchiné et Jacques Rivette ou plus récemment pour "Gemma Bovery" (2014) et "Blanche comme Neige" (2019) tous deux de Anne Fontaine. Le film est soumis à avertissement pour des scènes pouvant heurter la sensibilité du jeune public...

Anne, avocate renommée spécialisée contre les violences sexuelles faites aux mineurs, vit en harmonie avec son époux Pierre et leurs deux filles adoptives. Un jour, Théo 17 ans fils d'un précédent mariage de son époux emménage chez eux. Bientôt, Anne entame une liaison avec Théo. Mais peu de temps après le jeune homme avoue à son père la vérité. Alors que Pierre confronte son épouse à cette révélation, Anne nie tout en bloc... Le casting doit beaucoup une fois encore Saïd Ben Saïd. Alors que c'est Valeria Bruni-Tedeschi qui était envisagée dans le rôle principal, c'est le producteur qui propose Léa Drucker, comme il a proposé Olivier Rabourdin et Clotilde Courau vus dans "Benedetta" (2021) qu'il a produit, tandis que Paul Kircher révélé dans "T'as Pécho ?" (2020) de Adeline Picault fils de Irène Jacob et Jérôme Kircher, ce dernier jouait dans "Les Envoûtés" (2019) de Pascal Bonitzer et produit par Saïd Ben Saïd, était envisagé avant un soucis de calendrier, le jeune acteur a alors proposé son jeune frère Samuel. Ainsi, l'avocate "incestueuse" est incarnée par Léa Drucker vue récemment dans "Les Femmes du Square" (2022) de Julien Rambaldi et "Close" (2022) de Lukas Dhont, et retrouve après "Couleurs de l'Incendie" (2022) de et avec Clovis Cornillac son partenaire Olivier Rabourdin  vu dans "Le Sixième Enfant" (2022) de Léopold Legrand et "Passages" (2023) de Ira Sachs, leurs filles sont jouées par les toutes jeunes Serena Hu et Angela Chen dans leur premier rôle au cinéma, à l'instar de leur "demi-frère", l'ado étant donc interprétée par Samuel Kircher qui joue ainsi dans le même film que son véritable père, Jérôme Kircher vu dernièrement dans "Un Hiver en Été" (2023) de Laetitia Masson... Un mineur et une femme mûre, le titre, le relation plus ou moins incestueuse, on pense forcément à des films comme "Mourir d'Aimer" (1971) de André Cayatte, "Un Été 42" (1970) de Robert Mulligan, "Le Diable au Corps" (1986) de Marco Bellochio, "Clément" (2003) de et avec Emmanuelle Bercot voir "Perfect Mothers" (2013) de Anne Fontaine... Dans une famille bourgeoise recomposée une femme d'âge mûr finit par être séduite par un ado rebelle qui a tout du jeune éphèbe plutôt que du jeune homme en avance sur son âge. C'est un élément qui nous laisse un peu perplexe, car ajouté à une relation tendue on a bien du mal à comprendre comment cette femme succombe aussi facilement. Le petit branleur tête à claques séduit la cougar aussi facilement qu'un Casanova. On aurait sans doute plus accepté avec un jeune homme un petit peu plus "viril", et/ou avec une relation plus ambigüe dès le départ comme un trouble sous-jacent.

Puis arrive ce qui doit arriver (ou pas) et là une mauvaise sensation nous envahit, celui où on ne reconnaît pas la frilosité de la réalisatrice qui filme l'amour de façon particulièrement prude (voir coincée) bien loin de l' érotisme assumé de ses précédents films et surtout du film original "Queen of Hearts" (2019), celui où on ne reconnaît pas Léa Drucker qu'on adore mais qu'on sent ici particulièrement mal à l'aise. Résultat, les scènes d'amour se ressemble, cadré de la même manière, une femme dont le corps réagit de la même façon et une jouissance identique et calquée qui ne reflète aucun naturel et ou on pense plus à une simulation qu'à une explosion de sensualité et de plaisir certe coupable mais incontrôlable et forcément jouissive. Bref on y croit pas beaucoup. Par contre, le personnage de Anne/Drucker est intéressant et finement écrit (son passé, son métier), et surtout on aime le personnage de Pierre/Rabourdin, père et époux digne et touchant. Résultat, les meilleures scènes sont avec le couple légitime. Le couple Ducker-Rabourdin fonctionne merveilleusement et sauve le film. La chair est triste hélas (merci Mallarmé), la liaison manque de sensualité et de l'érotisme nécessaire pour croire et comprendre à minima. D'ailleurs rappelons que dans le film danois la femme assume plus, le jeune homme est beaucoup plus entre deux âges, plus viril, ce qui permet de croire un peu plus à l'écart. Dans ce film Catherine Breillat semble (une fois n'est pas coutume) sans envie, sans audace. Dommage, mais merci à Léa Drucker et Olivier Rabourdin.

Note :                 

12/20