Nouveau film de Cédric Khan, réalisateur de "L'Ennui" (1998), "Roberto Succo" (2001) ou "Feux Rouges" (2004), mais qui n'avait pas été derrière la caméra depuis "Une Vie Meilleure" (2012) préférant ces dernières années faire l'acteur pour d'autres comme dans "L'Economie d'un Couple" (2016) de Joachim Lafosse, "Cold War" (2018), "Novembre" (2022) de Cédric Jimenez ou "Un Hiver en Eté" (2023) de Laetitia Masson. Le cinéaste a découvert Pierre Goldman (Tout savoir ICI !) il y a une quinzaine d'années en lisant son livre "Souvenirs Obscurs d'un Juif polonais né en France" (1975) : "Ce qui me saute aux yeux, ce n'est pas son innocence, c'est sa langue, extraordinaire. Son style, sa dialectique, sa pensée. Je me dis qu'il faut faire quelque chose de ce livre, au cinéma. En-dehors de cela, la vie de Goldman, c'est une série d'échecs, de drames, de renoncements. J'écarte donc la piste d'un biopic et je me dis que le film à faire, c'est le procès." Entre temps, sort un téléfilm titré "Goldman" (2011) de Christophe Blanc, puis surtout Cédric Khan croise Nathalie Hertzberg qui avait déjà commencé un travail de documentation. Cette dernière est entre temps scénariste de "Arrêtez-Moi Là" (2016) de Gilles Bannier et du film d'animation "Pachamama" (2018) de Juan Antin. La scénariste et Cédric Khan se retrouvent, les recherches se sont étoffées avec des rencontres avec Michael Prazan biographe de Pierre Goldman, ainsi qu'avec les avocats de Pierre Goldman, puis ils commencent à écrire en prenant comme base une reconstitution du procès de 300 pages écrites par Hertzberg comme base de travail.
Novembre 1975, débute le deuxième procès de Pierre Goldman militant d'extrême gauche condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité pour des braquages à mains armées dont un ayant coûté la mort à deux pharmaciennes. Il clame son innocence et devient l'icône de la gauche intellectuelle. Bientôt l'affaire devient médiatique et l'issue du procès devient incertaine alors que Goldman risque la peine capitale... Le rôle de Pierre Goldman (demi-frère de la future star de la chanson Jean-Jacques Goldman) est tenu par Arieh Worthalter vu dernièrement dans "Serre-Moi Fort" (2021) de Mathieu Amalric, "Bowling Saturne" (2022) de Patricia Mazuy et "Le Parfum Vert" (2022) de Nicolas Pariser. Son avocat, le futur célèbre maître Georges Krejman est interprété par Arthur Harari, surtout réalisateur du magnifique "Onoda, 10000 Nuits dans la Jungle" (2021) et co-scénariste de "Anatomie d'une Chute" (2023) de Justine Triet, sa conjointe à la ville, Citons ensuite Stephan Guérin-Tillié vu dans "Le Fils de l'Epicier" (2007) de Eric Guirado, "Tête de Turc" (2010) de et avec Pascal Elbé ou "En Solitaire" (2013) de Christophe Offenstein, Nicolas Briançon vu dans "Mystère à Saint-Tropez" (2021) de Nicolas Benamou, "Mascarade" (2022) de Nicolas Bedos et "Des Mains en Or" (2023) de Isabelle Mergault, Aurélien Chaussade vue dans "Les Rois Mages" (2022) de Didier Bourdonc ou "L'Amour Flou" (2018) de et avec le couple Romane Bohringer-Philippe Rebbot, Jerzy Radziwilowicz acteur notamment vu chez Andrzej Wajda comme dans "Les Possédés" (1988) puis chez Jacques Rivette comme dans "Secret Défense" (1998). Laetitia Masson dans son premier rôle pour cette réalisatrice de "A Vendre" (1998) ou "Un Hiver en Eté" (2023), François Favrat réalisateur entre autre de "Le Rôle de sa Vie" (2004) et de "Boomerang" (2014) qui retrouve son réalisateur de "Une Vie Meilleure" (2012) et vue récemment dans "Couleurs de l'Incendie" (2022) de Clovis Cornillac... Le film débute par une scène qui informe sur bien des points sur le film qu'on va voir, une séquence très didactique entre deux avocats qui fait très judiciaire à la fois hyper réaliste et trop littéraire, qui impose un cadre sur la forme et le fond, à savoir un cadre carré de l'image qui symbolise logiquement la procédure et les règles qui régissent une audience, et ce style très docu-fiction qui va imprimé le récit du début à la fin. Les scénaristes relatent une affaire de façon hyper réaliste donc, mais en prenant des libertés qu'on ne peut déceler, en vérité ils empruntent aussi des éléments du premier procès, et inventent quelques passages comme cette première scène où cette discussion entre les deux avocats n'a jamais réellement existé mais dont les lettres sont pourtant véridiques.
Après ce prologue marquant le film se focalise sur les audiences, un film dont en quasi huis clos de début à la fin, extrêmement bavard car reprenant quasi à la lettre les débats d'après les procès-verbaux de l'époque. Sur le fond le film reste donc aussi prenant que fidèle au procès. Sur la forme le film demeure un cas de docu-fiction sans une prise de risque cinématographique. En effet, aucune intrigue ou imagination hors du tribunal, on reste focus sur le déroulement du procès à tel point qu'on pense beaucoup à l'épure et la dimension ludique et académique de l'ancienne série TV "Tribunal" (1989-1994) qui s'inspirait fidèlement de véritables audiences. Du "Derrick" façon justice à la française, pas de musique, pas de fiction pour étoffer ou non le procès, juste une reconstitution très et trop fidèle et réaliste de ce procès quasi entièrement filmé dans un prétoire. Heureusement, l'affaire est un cas d'école assez passionnant, non pas pour ce révolutionnaire fantoche qui rêvait plus ou moins de faire mieux que ses parents, mais pour ce qu'il dit et raconte de la société française des années 1968-1975. Le film est donc particulièrement intéressant d'un point de vue historique et sociologique, pour le reste le par coeur magnifiquement récité, la reconstitution scolaire et le manque de parti pris ou de créativité dans le récit manque cruellement pour un résultat poussif qui frôle l'ennui à moins d'avoir un intérêt minimal pour ce que ça raconte de notre pays durant ces années. Dommage...
Note :