Goupi Mains Rouges (1943) de Jacques Becker

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Après avoir été assistant de Jean Renoir durant toutes les années 30, Jacques Becker (père de Jean Becker) signe son premier long métrage en solo avec "Dernier Atout" (1942). Il n'est pas encore le grand réalisateur des chefs d'oeuvres "Casque d'Or" (1952), "Touchez pas au Grisbi" (1954) et "Le Trou" (1960), mais va signer son premier grand film et grand succès avec cette adaptation du roman populaire "Goupi-Mains Rouges" (1937 - cliquez sur le titre pour en savoir plus) de Pierre Véry qui écrit lui-même son scénario. L'auteur a déjà porté sur grand écran deux de ses plus grands succès littéraires avec les films "Les Disparus de Saint-Agil" (1938) et "L'Assassinat du Père-Noël" (1941) tous deux de Christian-Jaque... 1920, dans la campagne d'un petit village charentais la famille Goupi, réunit depuis toujours avec quatre générations sous le même toit attend l'arrivée d'un fils prodigue, surnommé Goupi Monsieur qui aurait réussi à Paris. Le but étant qu'il épouse sa cousine Muguet. Mais son arrivée coïncide avec un funeste accident que subit le patriarche dit L'Empereur vieil homme de 106 ans. Soudain, la famille se retrouve piégée par une succession d'incidents et de drames sur lesquels Goupi Monsieur fait figure de coupable idéal. Goupi Mains Rouges voit sans doute plus clair que les autres et mènent sa propre enquête, mais tout se complique encore quand les gendarmes arrivent à la ferme... 

Le film s'offre un casting riche de talents, quelques vedettes connues à l'époque mais sans star ou sans acteur "bankable" comme on le dit aujourd'hui. Mais tous les acteurs sont des artistes prolifiques qui se sont croisés et/ou se croiseront encore dans la plupart des grands grans succès des années 30-40. Le rôle titre est incarné par Fernand Ledoux qui tourne depuis "Le Carnaval des Vérités" (1919) de Marcel L'Herbier, vu dans "Mayerling" (1936) de Anatole Litvak ou "Volpone" (1941) de Maurice Tourneur, et qui tournera jusqu'à "Peau d'Âne" (1970) de Jacques Demy et "Mille Milliards de Dollars" (1982) de Henri Verneuil. La famille est composé par les acteurs Georges Rollin vu par exemple dans "J'Accuse" (1938) de Abel Gance et "Pleins Feux sur l'Assassin" (1961) de Georges Franju, Blanchette Brunoy vue dans "La Bête Humaine" (1938) de Jean Renoir ou "Le Café du Cadran" (1947) de Jean Gehret, Robert Le Vigan vu dans "La Bandera" (1935) de Julien Duvivier ou "Regain" (1937) de Marcel Pagnol, René Génin vu dans "Le Crime de Monsieur Lange" (1936) de Jean Renoir ou "Les Yeux sans Visage" (1960) de Georges Franju, Line Noro vue dans "Pépé le Moko" (1937) de Julien Duvivier ou "la Fille du Puisatier" (1940) de Marcel Pagnol, Arthur Devère vu dans "Café de Paris" (1938) de Yves Mirande et Georges Lacombe ou "Dédée d'Anvers" (1947) de Yves Allégret, Germaine Kerjean vue dans "Caroline Chérie" (1951) de Richard Pottier et "Voici le Temps des Assassins" (1956) de Julien Duvivier, Maurice Schultz acteur depuis "Quatre-Vingt-Treize" (1914) de Albert Capellani et André Antoine, vu ensuite dans "La Passion de Jeanne d'Arc" (1928) de Carl Theodor Dreyer ou "Katia" (1938) de Maurice Tourneur, Albert Rémy vu dans "Notre-Dame de Paris" (1956) de Jean Delannoy ou "Le Septième Juré" (1961) de Georges Lautner, Marcelle Hainia vue dans "Boudu sauvé des Eaux" (1932) de Jean Renoir ou "Martin Roumagnac" (1946) de Georges Lacombe, Guy Favières vu dans "Napoléon" (1925) de Abel Gance ou "Madame de..." (1953) de Max Ophüls. Parmi les autres protagonistes citons Louis Seigner qui deviendra un grand acteur au plus de 140 rôles notamment avec "Le Corbeau" (1943) et "Les Espions" (1957) tous deux de Henri-Georges Clouzot, Pierre Labry qui tournerta plus de 120 films dont "Les Croix de Bois" (1932) de Raymond Bernard ou "Mollenard" (1938) de Robert Siodmak, Marcel Pérès vu entre autre dans "Quai des Brumes" (1938), "Le Jour se Lève" (1939) et "Les Enfants du Paradis" (1945) tous trois de Marcel Carné... Le roman a été un grand succès, le film le sera également malgré pourtant quelques modifications notables à cause de l'occupant allemand. En effet, tourné fin 1942 il était inconcevable de tourner dans un camp militaire là où se situe une partie du roman, de même l'auteur a dû changer d'assassin. Malgré tout, l'auteur-scénariste est le mieux placé pour adapter son oeuvre, l'essence du récit est parfaitement retranscrit, une immersion dans le monde rural de la France d'alors, la famille parfaitement transposée avec leurs caractères bien trempés sans oublier leur surnom qui en disent long sur chacun d'eux.

Le début du film reste la meilleure partie du film, entre la comédie et le Film Noir, des personnages qui oscillent entre les images d'épinal d'une famille de fermiers, du cadet au patriarche en passant par la marâtre, l'oncle, le fils revenu des colonies, le benêt... etc... jusqu'à Mains Rouges lui-même qui donne son nom au film mais qui s'avère ne pas être forcément le rôle principal, il sert surtout de guide/leader au sein de cette famille plus dysfonctionnelle qu'il y paraît. Malgré les tares de certains membres, les secrets et les non-dits la morale de l'histoire est celle de tout clan solidaire, que tout ce qui compte c'est la famille, la famille contre le monde entier. Le côté policier de l'intrigue est construit à la façon du "MacGuffin" (Tout savoir ICI) cher à Hitchcock, car ce qui compte ce n'est pas le butin, c'est avant tout les relations intra-familiales et l'idée de transmission, de valeurs et de descendance. Le film est malgré lui victime de l'Histoire, où comment l'un de ses acteurs principaux, Robert Le Vigan, est alors au sommet de sa carrière alors qu'il était un collabo zélé auprès des allemands, à tel point qu'après la Libération il devra s'exiler. Jacques Becker signe un film qui fonctionne bien grâce à ce mix étonnant entre comédie champêtre et Film Noir, et qui précède et renvoie un peu au drame plus violent et sombre qui sortira plus tard, "La Horse" (1970) de Pierre Granier-Deferre.

Note :

14/20