Le Règne Animal (2023) de Thomas Cailley

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Second long métrage de Thomas Cailley après son remarqué et réussi "Les Combattants" (2014), sans compter sa collaboration comme co-scénariste sur la comédie "Ami-Ami" (2018) de Victor Saint Macary et sa création de série TV "Ad Vitam" (2018). Il revient avec un projet qui lui a été inspiré alors qu'il était était membre d'un jury à la Fémis où il a lu un scénario d'une étudiante, Pauline Munier, dans lequel il était question d'hybridation entre l'homme et l'animal : "J'ai eu le sentiment que cette métaphore était au croisement de tou sles sujets que j'avais envie d'aborder alors : la transmission, les mondes qu'on souhaite léguer, ceux dont on hérite, qu'on détruit, ou qu'il reste peut-être encore à inventer. Le Règne Animal suit la relation entre un jeune homme de 16 ans et son père, à un moment où, un peu partout dans le monde, la "part animal" de l'humain se réveille, comme un gène endormi, troublant la frontière invisible entre l'Humanité et la Nature." Thomas Cailley co-signe donc le scénario avec la débutante Pauline Munier. Pour la dimension fantastique d'un point de vue visuelle le cinéaste a aussi collaboré avec Frederik Peeters, scénariste-dessinateur de BD comme "Pilules Bleues" (2001) ou la série "Koma" (2003-2008), qui a développé le bestiaire via des concept arts avant la partie technique... 

Dans un monde en proie à une vague mystérieuse de mutations qui transforment certains humains en animaux, François fait tout pour sauver sa femme touchée par ce phénomène. La société évolue donc de façon étrange et se peuple de créatures d'un nouveau genre. François embarque Emile, son fils de 16 ans, dans une quête qui va bouleverser à jamais leur existence... Le père est incarné par Romain Duris vu dans "En Attendant Bojangles" (2022) de Régis Roinsard, "Coupez !" (2022) de Michel Hazanavicius et "Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan" (2023) de Martin Bourboulon. Son fils est joué par Paul Kircher révélé dans "T'As Pécho ?" (2019) de Adeline Picault, vu ensuite dans "Le Lycéen" (2022) de Christophe Honoré et "Petite Leçon d'Amour" (2022) de Eve Deboise. Citons ensuite la prolifique Adèle Exarchopoulos vue cette année dans "Passages" (2023) de Ira Sachs, "Je verrai Toujours vos Visages" (2023) de Jeanne Herry et "Un Métier Sérieux" (2023) de Thomas Lilti, Tom Mercier vu dans "Ma Nuit" (2022) de Antoinette Boulat et "La Bête dans la Jungle" (2023) de Patric Chiha, Billie Blain vue dans "Garde Alternée" (2017) de Alexandra Leclère ou "Sparring" (2018) de Samuel Jouy, Xavier Aubert aperçu dans le tout récent "Le Procès Goldman" (2023) de Cédric Khan, Saadia Bentaïeb vue dans "Normale" (2023) de Olivier Babinet, "Toni en Famille" (2023) de Nathan Ambrosioni et "Anatomie d'une Chute" (2023) de Justine Triet, Gabriel Caballero aperçu dans "Play" (2020) de Anthony Marciano et retrouve après la série TV "A SKIP le Collège se la raconte" (2020-2022) son partenaire Paul Muguruza, puis enfin Iliana Khelifa remarquée dans "16 Ans" (2023) de Philippe Lioret... La grande majorité des films de mutants et/ou mutation concerne la plupart du temps des super-pouvoirs et des super-héros, cette fois on serait plus dans une version naturiste et naturelle du roman "L'Île du Docteur Moreau" (1896) de H.G. Wells porté six fois (1913, 1921, 1932, 1977 et 1996) sur grand écran. En effet, le film est tourné dans un style réaliste et la mutation du film semble naturelle et sans explication scientifique valable. On est donc plus dans un film d'anticipation surréaliste, plus proche de "Chronicle" (2012) de Josh Tank ou "The Innocents" (2022) de Eskil Vogt que des films Marvel ou DC Comics.

Le film démarre comme un drame social ou psychologique mais surprend d'entrée. La première chose qui frappe c'est la qualité impressionnante des effets visuels et maquillages. Un domaine certe essentiel vu le genre et la thématique mais on reste bluffé par la qualité surtout parce que pour une production française c'est rare d'avoir cette qualité et cette créativité. Thomas Cailley avait imposé trois conditions à son équipe technique : Partir de l'acteur, tourner au maximum avec les possibilités de l'acteur. Rester dans le point de vue des personnages, pas de point de vue gratuit. Tourner dans des décors réels, pas de studio ni de fond vert. Ainsi il a été utilisé différentes techniques de la simple prothèse aux effets numériques en passant par des doublures ou de l'animatronique, et le tout souvent mixé ou "hybridé". Le résultat est digne des meilleurs blockbusters hollywoodiens. Alors que la "maladie" est encore méconnue la société bien que méfiante tente de faire bonne figure et de ne pas tomber brutalement dans une sorte de tyrannie de la peur et de l'intolérance même si c'est forcément et logiquement difficile, mais l'inverse est vrai aussi (les créatures qui fuient et sont menaçantes ou violentes) ; la peur de l'inconnu a encore de beau jour. Le film prend son temps, pose les interrogations dans un récit qui se fait aussi contemplatif. La ligne directrice repose sur un mari et père/Duris qui survit et se bat que par amour, tandis que la finalité est peut-être juste un message de partage et d'un appel à la liberté. Le bestiaire est magnifiquement mis en image d'un point de vue effets spéciaux mais il est vrai qu'on se demande de quels animaux il s'agit pour la plupart. Niveau casting un tout petit bémol pour la gendarmette, peu intéressante car peu étoffée on se demande pourquoi avoir choisi une actrice de ce calibre pour si peu. Si l'émotion peut nous assaillir à 3-4 moments précis, on apprécie aussi les 2-3 petits instants de légèreté plutôt drôles. Un film audacieux et original qui vaut le détour.

Note :                 

15/20