Annie colère

Un grand merci à Diaphana pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Annie colère » de Blandine Lenoir.

Annie_colère

« Jusque là, ce sont les hommes qui ont le pouvoir de décider de nous mettre enceinte ou non. Alors, si ce sont les femmes qui peuvent choisir, c’est la révolution ! »

Février 1974. Parce qu’elle se retrouve enceinte accidentellement, Annie, ouvrière et mère de deux enfants, rencontre le MLAC - Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception qui pratique les avortements illégaux aux yeux de tous. Accueillie par ce mouvement unique, fondé sur l’aide concrète aux femmes et le partage des savoirs, elle va trouver dans la bataille pour l’adoption de la loi sur l’avortement un nouveau sens à sa vie.

« Si on veut médiatiser le combat pour l’avortement, alors il faut rendre visible ce qui se passe ici ! »

Annie_colère_Blandine_Lenoir

Il faut parfois du temps pour percevoir la portée réelle de certains évènements ou de certaines décisions politiques. Obtenue de haute lutte (après la légalisation de la contraception et les différentes tribunes « choc » des 343 « salopes » et des 331 médecins), la dépénalisation de l’avortement par la loi Veil du 17 janvier 1975 compte immanquablement parmi les grands marqueurs sociétaux de la France de la seconde moitié du vingtième siècle. A l’approche du cinquantième anniversaire de la loi et des cinq années de l’entrée de Simone Veil au Panthéon, le sujet semble ainsi connaitre un regain d’attention de la part du cinéma français qui lui a consacré plusieurs films ces derniers mois, de « L’évènement » (Diwan, 2021) au biopic « Simone, le voyage d’un siècle » (Dahan, 2022). Et donc « Annie colère », troisième long-métrage de la réalisatrice Blandine Lenoir, qui sort tout juste en vidéo chez Diaphana.

« Quand le gouvernement va comprendre qu’il ne peut pas empêcher les femmes d’avorter, il sera coincé et il ne pourra pas faire autrement que de changer la loi »

Annie_colère_Laure_Calamy

Avec « Annie colère », la réalisatrice nous replonge ainsi dans la France du début des années 70 en s’intéressant plus précisément aux grandes heures du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC), mouvement militant qui contribua notamment à pratiquer des avortements clandestins encadrés par des médecins (de fait, beaucoup plus sécurisants que les traditionnelles « faiseuses d’anges »). Pour se faire, elle nous raconte la grande Histoire par le prisme de la petite histoire individuelle, en l’occurrence celle d’Annie, ouvrière et mère de famille provinciale, très représentative des femmes de cette époque. Venue elle-même pour se faire avorter, elle découvrira au sein de l’association une vraie communauté soudée autant que le goût du militantisme. Avec beaucoup d’acuité mais aussi de pudeur, la réalisatrice nous montre la terrible réalité endurée alors par les femmes (le plus souvent livrées à elles-mêmes), entre grossesses non désirées, expériences traumatisantes des avortements clandestins, qui finissent au mieux par un douloureux et humiliant curetage ou, au pire, par un décès. Si le MLAC apporte notamment dans ses bagages des méthodes d’avortement modernes et moins douloureuses (méthode de Karman, par « aspiration »), elle offre surtout un espace de parole et de soutien, sans jugement, pour ces femmes en souffrance et/ou en difficultés. En creux, le film montre aussi les changements sociétaux qui s’opèrent alors et qui dépassent d’une certaine façon la simple légalisation de l’avortement. En effet, au-delà de la légitime revendication des femmes à pouvoir disposer librement de leur corps, le combat mené porte plus largement sur une volonté d’émancipation par rapport aux carcans anciens que la société « traditionnelle » leur impose : liberté sexuelle, accès aux études (souvent entravé par des maternités précoces) et à des fonctions professionnelles à responsabilités. Au-delà même de la pertinence de son propos, le film séduit par sa belle énergie communicative, par sa touchante humanité ainsi que par la qualité de ses interprètes, Laure Calamy en tête. Un très bon film, à voir pour se rappeler combien il faut souvent de (durs) combats pour obtenir des droits parmi les plus élémentaires. Et que même en démocratie, il convient de rester vigilent tant rien n’est jamais définitivement acquis.

Annie_colère_Zita_Henrot

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Le DVD : Le film est présenté en version originale française (5.1). Des sous-titres français pour malentendants sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné d’un Commentaire audio de Blandine Lenoir et Lucile Ruault (conseillère historique sur le film), de Scènes coupées (15 min.), ainsi que d’un Entretien avec Blandine Lenoir et deux anciennes militantes du MLAC, Irène Jouannet et Brigitte Daudu (14 min.).

Édité par Diaphana, « Annie colère » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 4 avril 2023.

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