D'abord actrice notamment dans "À Mort l'Arbitre" (1984) et "Le Furet" (2003) tous deux de Jean-Pierre Mocky, puis devenue autrice avec des romans comme "Fleur Australe" (2012) ou "Fille à papa" (2019), Géraldine Danon avait d'abord envisagé début des années 2010 un biopic sur Romy Schneider, sans doute plus ou moins poussé par sa vie privée puisqu'elle est la fille du producteur Raymond Danon et la filleule de Alain Delon. Mais la mort accidentelle en 2015 de la navigatrice Florence Arthaud (Tout savoir ICI !) avec qui elle était amie depuis 1986 change tout. Elle-même navigatrice et épouse du skipper Philippe Poupon elle explique : "Elle est la marraine de mon fils, j'ai rencontré Philippe Poupon lors de son mariage à Porquerolles, elle a donc fait partie de ma vie. J'en parlerais comme une femme libre, farouche, joyeuse, puissante et aventurière. (...) Avant de partir sur ce tournage funeste, Florence avait deux projets qui l'ont beaucoup occupée durant les trois dernières années de sa vie. D'abord "L'Odyssée des Femmes" qui devait réunir des navigatrices du monde entier en Méditerranée et qui lui aurait permis de transmettre son amour de la voile mais également son combat de toujours : la place des femmes dans le monde de la voile. Ensuite, Florence voulait faire un film sur sa vie. Elle m'en avait beaucoup parlé en me proposant de travailler avec elle mais à l'époque, je passais tout mon temps en mer pour tourner mes documentaires... À sa mort, je n'y ai plus repensé, jusqu'au moment où j'ai lu "La Mer et Au-delà" de Yann Queffélec. Ca a été comme une révélation : le parfum de Florence était là... Son jusqu'au boutisme, sa fureur de vivre transpiraient à chaque page et je me suis dit qu'évidemment il fallait faire un film sur ce destin tellement romanesque. J'ai donc acheté les droits du livre de Yann avec la volonté de m'en détacher, tout en travaillant avec lui à cette adaptation très libre comme je le dis au début du film..." Géraldine Danon adapte donc le roman biographique "La Mer et Au-Delà" (2020) de Yann Queffélec et co-signe le scénario avec l'auteur, puis en collaboration avec Agnès De Sacy scénariste expérimentée notamment des récents films "Les Jeunes Amants" (2022) de Carine Tardieu ou "Les Amandiers" (2022) de Valeria Bruni Tedeschi. Malgré les liens de la réalisatrice-scénariste avec Florence Arthaud le film a d'emblée été au centre d'une polémique puisque la famille de la navigatrice (sa fille Marie appuyée par Hubert le frère de Florence) s'est opposé à la production en allant en justice où ils ont été néanmoins débouté. Hubert Arthaud déclare alors : "C'est un roman qui n'est pas terrible, assez lyrique. Ils en ont acheté les droits et à partir de là, ils avaient le droit, sans l'accord de la famille, de faire un film. Le scénario est immonde, c'est un film à la Voici ! Ce qui me choque, c'est qu'ils sont complètement passés à côté de la magie de Florence. Effectivement, c'est un personnage qui est un peu no limit, aussi bien dans la fête que dans une tempête. mais ce n'est pas du tout un personnage qui est une alcoolique à la base."...
Adolescente, Florence est victime d'un accident grave de la route. Durant sa convalescence elle tombe amoureuse de la mer et rêve bientôt de devenir une grande navigatrice dans un milieu encore très misogyne. La volonté et les rencontres vont la pousser à poursuivre son rêve jusqu'à devenir la "Petite fiancée de l'Atlantique"... Le rôle titre est incarnée par une actrice méconnue, Stephane Caillard aperçue dans "Les Lyonnais" (2011) de Olivier Marchal ou "Juillet Août" (2016) de Diastème, avant de commencer à se faire connaître grâce à la série TV "La Vie devant Elles" (2015-2017). Les parents sont interprétés par Marilyne Canto vue récemment dans "Enquête sur un Scandale d'Etat" (2022) de Thierry De Peretti et "Neneh Superstar" (2022) de Ramzi Ben Sliman, et Charles Berling vu dans un seul film ces trois dernières années avec "Mascarade" (2022) de Nicolas Bedos, tandis qu'un frère est joué par Pierre Deladonchamps vu dans "Hawaï" (2023) de Melissa Drigeard et qui retrouve après "La Syndicaliste" (2023) de Jean-Paul Salomé son partenaire Olivier Loustau vu auparavant dans "Orpheline" (2015) de Arnaud des Pallières ou "Mes Frères et Moi" (2021) de Yohan Manca. Citons quelques autres navigateurs joués par Alexis Michalik vu dernièrement dans son film "Une Histoire d'Amour" (2023), Théo Cholbi vu entre autre dans "La Nuit du 12" (2022) de Dominik Moll, "Les Rascals" (2022) de Jimmy Laporal-Trésor ou "Passages" (2023) de Ira Sachs et qui retrouve après "Les Harkis" (2022) de Philippe Faucon son partenaire Paul Bartel vu dans "Michael Kohlhaas" (2013) de Arnaud des Pallières ou "Tempête" (2022) de Christian Duguay. Citons encore Alison Wheeler vue dans "8 Rue de l'Humanité" (2021) de et avec Dany Boon ou "Tendre et Saignant" (2022) de Danièle Thompson, Samuel Jouy vu dans "Rebelles" (2019) de Allan Mauduit ou "Le Lion" (2020) de Ludovic Colbeau-Justin, puis Grégoire Colin vu dans "Avec Amour et Acharnement" (2021) de Claire Denis ou "Revoir Paris" (2022) de Alice Winocour... Un biopic qui n'en serais pas un, ou comment une cinéaste se débarasse du problème du genre en assumant rien, en inscrivant un encart insistant sur le fait que le film est "une fiction s'inspirant de la vie de Florence Arthaud". Bref, le titre, les noms des personnages, les faits dans leur grande majorité, tout est pourtant bel et bien là pour affirmer que le film est bel et bien un biopic et qu'il reste un film qui retrace plutôt fidèlement dans sa majorité le destin de la "petite fiancée de l'Atlantique". Le fait de mettre cet encart permet surtout à la cinéaste de se faire excuser ses raccourcis, ses omissions et/ou ses partis pris dommageables.
Ainsi on peut noter l'absence du père Michel Jaouen pourtant essentiel dans sa reconstruction après l'accident, l'omission de son assistance en 86 lorsque Flo se déroute pour porter secours à Loïc Caradec, ou le fait qu'elle bat un record en solitaire juste avant sa victoire à la Route du Rhum. Des événements pourtant importants qui font dates. Mais la réalisatrice-scénariste préfère se focaliser sur la femme battante et farouche, à la navigatrice comme icône féministe et éprise de liberté. Problème, la cinéaste semble y voir corrélation avec alcoolisation, fiesta et sexe libre. C'est sans aucun doute un angle de vue facile et un brin racoleur. Mais heureusement, il y a la mer d'abord, magnifiquement filmé et judicieusement tourné en milieu naturel et la plupart du temps sans parole laissant les images nous submerger. Puis il y a un atout de taille, Stephane Caillard, sublime Flo, habitée et inspirée elle est un Flo naturelle, une révélation, la révélation. Les dialogues sont plutôt bien écrit, avec une partie Kersauzon assez savoureuse qui ne manque pas de piquant et de fantaisie. Mais le parti pris de la cinéaste crée un récit un peu bancal et semé de trop d'ellipses. Outre ce féminisme rebelle qui prend trop de place, le film pêche surtout par une absence trop marquée de la mer et des compétitions pour imposer plutôt des histoires d'amour, du moins essentiellement deux. On aurait donc aimé moins de romance pour plus d'air marin, surtout que c'est aussi la partie la mieux mise en scène. Néanmoins, malgré un biopic mal assumé Géraldine Danon signe entre passion et émotion un bel hommage sur une femme d'exception. Un bon moment à défaut d'avoir eu l'audace de ses ambitions.
Note :