Nouveau long métrage de le réalisateur franco-vietnamien Tran Anh Hung après quelques petits bijoux comme "L'Odeur de la Papaye Verte" (1993), "A la Verticale de l'Eté" (2000) ou "La Ballade de l'Impossible" (2011) sans oublier son dernier film en date "Eternité" (2016). Le cinéaste explique son projet : "Cela fait des années que je cherche un sujet sur la gastronomie qui est un travail et un art. Je suis finalement tombé sur La vie et la passion de Dodin-Bouffant, gourmet, de Marcel Rouff. Il y avait là des pages magnifiques sur la gastronomie." Le réalisateur-scénariste adapte donc librement le roman "La Vie et la Passion de Dodin-Bouffant" (1924) de Marcel Rouff, mais le cinéaste s'inspire aussi de l'écrivain et gastronome Jean Anthelme Brillat-Savarin. Vu le sujet, outre la mode des émissions TV sur la cuisine, on pense forcément au récent "Délicieux" (2021) de Eric Besnard. Tran Anh Hung précise qu'il ne reprend pas la ligne directrice du livre, en effet, il débute avec la mort de Eugénie : "J'ai préféré raconter l'histoire qui précède l'ouvrage de Marcel Rouff. Cela me laissait libre d'imaginer la relation qu'Eugénie et Dodin Bouffant avaient pu entretenir. Et c'était également l'occasion d'explorer un thème peu traité au cinéma : la conjugalité. Elle est encore moins traitée quand elle se passe bien." Le cinéaste a fait appel au chef multi étoilé Pierre Gagnaire comme consultant technique, mais aussi pour réaliser les plats du film. Le film a reçu le Prix de la Mise en scène au Festival de Cannes 2023, et le film a été également sélectionné pour représenter la France pour la course à l'Oscar du meilleur film étranger... En France, vers 1885, Eugénie est devenue une cuisinière d'excellence en étant au service du célèbre gastronome Dodin depuis 20 ans. Au fil du temps, la pratique de la gastronomie et leur admiration réciproque a donné naissance aux plats les plus savoureux qui émerveillent les plus grands de ce monde, mais aussi à une relation intime et affectueuse. Mais éprise de liberté Eugénie a toujours voulu rester célibataire. Un jour, Dodin décide alors de faire une chose qu'il n'a encore jamais faite : cuisiner spécialement pour Eugénie...
Dodin Bouffant est incarné par Benoît Magimel vu dernièrement dans "Le Marchand de Sable" (2023) de Steve Achiepo et "Omar la Fraise" (2023) de Elias Belkeddar, et retrouve après leur rencontre sur "Les Enfants du Siècle" (1999) de Diane Kurys sa partenaire et ex-conjointe Juliette Binoche qui joue donc Eugénie, vue récemment dans "La Route de l'Enfer" (2022) de Anna Gutto et "Le Lycéen" (2022) de Christophe Honoré ; notons que le couple a eu une fille Hana qui a joué aux cotés de sa mère dans "Avec Amour et Acharnement" (2022) de Claire Denis. Citons ensuite Emmanuel Salinger vu entre autre dans "La Guerre est Déclarée" (2011) de Valérie Donzelli ou "Planetarium" (2016) de Rebecca Zlotowski, Patrick d'Assumçao vu cette année déjà dans "Jeanne du Barry" (2023) de et avec Maïwenn, "A la Belle Etoile" (2023) de Sébastien Tulard et "Magnificat" (2023) de Virginie Sauveur, Galatéa Bellugi vue dans "Chien de la Casse" (2023) de Jean-Baptiste Durand et "La Fille d'Albino Rodrigue" (2023) de Christine Dory, Jan Hammenecker vu entre autre dans "Alabama Monroe" (2012) de Felix Van Groeningen ou "Ils sont Vivants" (2021) de Jérémie Elkaïm, Frédéric Fisbach metteur en scène de théâtre qui refait l'acteur après "Un Homme Pressé" (2018) de Hervé Mimran, Sarah Adler vue notamment dans "Tiens-toi Droite" (2014) de Katia Lewkowicz et "Je voudrais que Quelqu'un m'attende Quelque Part" (2019) des frères Larrieu, Jean-Marc Roulot vu dans "Diplomatie" (2014) de Volker Schlöndorff et "Un Peuple et son Roi" (2018) de Pierre Schoeller, et enfin Yannik Landrein actrice vue dans "Populaire" (2012) de Régis Roinsard, "J'Accuse" (2019) de Roman Polanski ou "La Fracture" (2021) de Catherine Corsini... D'emblée on remarque surtout le soin apportée aux costumes et décors, avec une photographie léchée digne d'un tableau de maître. On pourrait presque penser que c'est justement un peu trop "propre", notamment les tenues toujours très nettes malgré plusieurs heures en cuisine. Mais on peut aussi opter pour l'option hommage, embellir et orner l'univers de la cuisine d'une majesté qui rend honneur à l'art culinaire comme justement le ferait un artiste peintre.
Le film débute dans la cuisine, aux fourneaux comme sur la table avec une première partie qui dure pas loin de 45mn dans un dîner haut de gamme. Une partie intéressante, aussi gourmande sur le fond qu'idéale sur la forme mais un peu longue surtout qu'il n'y pas d'évolution dans le récit ou d'intrigue qui se met en place. Il faut donc attendre la fin de ce repas pour que l'histoire débute vraiment, et ce, même si esthétiquement cette première partie est une succession de tableaux de toute beauté. Outre l'art manuelle culinaire le film n'oublie pas également l'art gastronomique dans le verbe avec des dialogues techniques ou culturels peut-être un peu trop didactique mais qui ouvrent aussi les papilles comme les oreilles comme de la poésie gastronomique et gourmande. L'autre bon point repose sur l'osmose entre le couple Binoche-Magimel dont les regards complices et tendres ne sont pas pour rien dans les émotions ressenties, avec en prime deux scènes intimes sublimes de sensualité et de finesse - deux séquences qui font penser un peu à la poésie de Selenie lire ICI ! - Le passé commun des deux acteurs ont sans aucun doute enrichit leur jeu pleine de complicité. La partie centrale du dîner offert à sa cuisinière est un summum du cinéma culinaire et romantique, on a envie de goûter à tous les mets. La dernière partie est un peu long, le rythme se fait redondant et surtout il manque un personnage qui nous donne plus envie d'aller plus loin à l'instar de Dodin Bouffant. Ainsi, sur 2h14 de films, entre le dîner d'ouverture et les tergiversions du cuisinier à la fin on se dit que le film aurait pu toucher du doigt la quintessence du genre avec 15-20mn de moins. Un film vraiment magnifique qui pêche par une durée et un rythme trop étiré parfois, mais la poésie culinaire reste un hommage envoûtant. Un joli moment.
Note :
15/20