4ème long métrage de celui qui a fait sensation avec "Citizen Kane" (1941), qui a confirmé avec "La Splendeur des Amberson" (1942) mais si la qualité intrinsèque de ses premiers films ne fait aucun doute malheureusement le succès en salles est plus mitigé jusqu'à l'échec de "Voyage au Pays de la Peur" (1943). Les projets se font plus difficiles à monter et finalement le jeune cinéaste Orson Welles se contente de faire l'acteur. Finalement on lui propose de tourner un film de commande, ce qu'il accepte pour la première fois, il dira plus tard : "prouver à l'industrie que j'étais capable, moi aussi, de tourner un film hollywoodien standard, en respectant les contraintes de temps et de budget." À la base c'est une histoire de Victor Trivas, réalisateur mais aussi scénariste entre autre de "Les Otages" (1938) de Raymond Bernard ou "Mark Dixon, Détective" (1950) de Otto Preminger, pour un scénario co-écrit avec un certain John Huston, lui-même jeune génie remarqué grâce au Film Noir "Le Faucon Maltais" (1941) et qui devait réaliser le film, finalement il délaisse le projet et ne sera pas crédité pour le scénario co-écrit avec Anthony Veiller qui collaborera encore avec John Huston pour cinq de ses films entre "Moulin Rouge" (1952) et "La Nuit de l'Iguane" (1964), puis avec Decla Dunning auteur de "la Belle et la Brute" (1944) de Alfred Santell et "L'Homme aux Lunettes d'Ecaille" (1948) de Douglas Sirk. Rappelons que le film est tourné juste après la fin de la Seconde Guerre Mondiale et le film traite le sujet des criminels nazis en fuite ce qui est alors une première au cinéma, peu d etemps avant d'autres chefs d'oeuvres sur le sujet comme "Les Maudits" (1947) de René Clément ou "Les Enchaînés" (1948) de Alfred Hitchcock. Malgré tout, le tournage du film va être douloureuse pour Orson Welles, qui n'est pas co-producteur pour sa première fois, et qui va voir son film remonté à tel point que le cinéaste va désavoué le film... La Seconde Guerre Mondiale est finie, mais la traque aux criminels nazis ne fait que débuter. L'inspecteur Wilson est sur la trace d'un certain Franz Kindler un des instigateurs de la Solution Finale. Pour le retrouver Wilson décide de faciliter l'évasion d'un ancien commandant de camp d'extermination, le plan fonctionne et retrouve ainsi Kindler devenu Charles Rankin un citoyen très respecté, professeur admiré par ses élèves et ses pairs et qui doit épouser Mary la fille du juge Longstreet. Le trouver est une chose, le confondre s'avère plus compliqué...
L'ancien nazi est incarné par Orson Welles lui-même devenu acteur pour d'autres pour les films comme "Jane Eyre" (1944) de Robert Stevenson et "Demain viendra Toujours" (1946) de Irving Pichel. Sa fiancée est jouée par Loretta Young vue entre autre dans "La Bonde Platine" (1931) de Frank Capra, "La Rose Blanche" (1941) de Gregory Ratoff ou "Les Mirages de la Peur" (1949) de William Dieterle, tandis que le père juge est interprété par Philip Merivale vu dans "Joies Matrimoniales" (1941) de Alfred Hitchcock ou "Les Bourreaux meurent Aussi" (1943) de Fritz Lang. L'enquêteur est joué par Edward G. Robinson vu dans "Les révoltés" (1930) de Tod Browning, "Key Largo" (1948) de John Huston, "Les Cheyennes" (1964) de John Ford jusqu'à son ultime rôle dans "Soleil Vert" (1973) de Richard Fleischer. Citons encore Konstantin Shayne vu dan "Pour qui sonne le Glas" (1943) de Sam Wood, "L'Affaire Cicéron" (1952) de J.L. Mankiewicz ou "Sueurs Froides" (1958) de Alfred Hitchcock, Richard Long vu dans "Pour Toi j'ai Tué" (1949) de Robert Siodmak ou "La Nuit de tous les Mystères" (1959) de William Castle, Martha Wentworth vue dans "Le Lys de Brooklyn" (1945) de Elia Kazan ou "L'Homme au Bras d'Or" (1955) de Otto Preminger, Byron Keith apparu dans "Alibi Meurtrier" (1954) de Jerry Hopper et "Le Cri de la Victoire" (1955) de Raoul Walsh, Billy House vu dans "On Murmure dans la Ville" (1951) de J.L. Mankiewicz et retrouvera Orson Welles pour le chef d'oeuvre "La Soif du Mal" (1958), puis Erskine Sanford acteur fidèle du cinéaste après "Citizen Kane" (1941) et "La Splendeur des Amberson" (1942) puis avant "La Dame de Shanghaï" (1947) et "Macbeth" (1948)... À noter que la photographie est signée du Directeur Photo Russell Metty qui retrouve Welles après ses premiers films et qu'il retrouvera sur "La Soif du Mal" (1958) avec entre temps une collaboration particulièrement riche avec Douglas Sirk. Notons aussi les premières images des camps de la mort dans un film de fiction tirées du documentaires "Death Milles" (1945) de Billy Wilder. L'intrigue se met en place très (trop) vite, avec un récit qui ne prend jamais le temps de mettre en place son scénario. Quand on sait que le film dure 1h30 mais que la production à couper pas moins de 20mn qui étaient essentielles pour Orson Welles on comprend pourquoi le cinéaste a renié le film, le montage étant primordial pour lui comme il l'avait expliqué : "Le montage n'est pas un aspect du film, c'est l'aspect."
Ainsi il se passe quelque chose toutes les 2mn mais de façon si rapide que ça crée des invraisemblances et/ou des scènes ridicules. Par exemple le nazi caché se dévoile grossièrement lors du dîner ("(Karl) Marx n'était pas allemand mais juif"), dessine une croix gammée comme un gamin qui s'ennuie ou note un planning de 5 lignes comme pense-bêtes... etc... des actions aussi bêtes qu'indiscrètes pour un homme normalement très intelligent, mue par une mission supérieure net qui se doit d'être "invisible". On est donc plus passionné et frustré par ces 20mn qui ont été coupé et qui comblaient sûrement les trous autour de ces séquences. Heureusement, Welles sort un petit peu son épingle du jeu, derrière la caméra en jouant à merveille avec les ombres, les symboles, jouant avec les gros plans, mais aussi devant la caméra où il démontre qu'il est également un excellents acteurs avec des nuances entre l'homme sûr de lui et finalement complètement angoissé et capable du pire aux yeux exorbités. Mais évidemment il faut attendre la fin pour être vraiment scotché, le grand final d'anthologie au sommet du clocher dont on ne serait pas étonné qu'elle ait inspiré un certain Alfred Hitchcock pour son "Sueurs Froides" (1956). Orson Welles signe un Film Noir inégal donc, mais trop charcuté pour y voir son génie, dommage... Note indulgente.
Note :
12/20