Napoléon (2023) de Ridley Scott

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Nouveau film de Ridley Scott après son "House of Gucci" (2021), et surtout un retour au genre historique, à la grand fresque flamboyante comme il l'a déjà fait avec par exemple "1492 : Christophe Colomb" (1992), "Gladiator" (2000) ou "Kingdom of Heaven" (2005) sans compter le plus intimiste et sous-estimé "Le Dernier Duel" (2021) mais surtout il fait presque un retour aux sources puisque le cinéaste retourne à une période qu'il a déjà abordé avec son premier film, premier chef d'oeuvre avec "Les Duellistes" (1977) où il regardait par la lorgnette le destin de deux soldats de l'Empire. Cette fois il s'attaque à la grande figure de l'Histoire de France avec Napoléon Ier (Tout savoir ICI !). Le scénario est signé par David Scarpa scénariste de "Le Dernier Château" (2002) de Rod Lurie, "Le Jour où la Terre s'arrêta" (2008) de Scott Derrickson et surtout il retrouve Ridley Scott après "Tout l'Argent du Monde" (2017) et qu'il retrouvera encore pour la suite "Gladiator 2" (2025). Le cinéaste a fait appel également comme conseiller historique à Lorris Chevalier, historien qui était déjà sur "Le Dernier Duel" (2021). Le film qui est siglé AppleTV+ est doté d'un budget conséquent de 200 millions d'euros ce qui fait qu'il serait le film historique le plus cher du cinéma derrière "Titanic" (1997) de James Cameron, exception faite de l'inflation il se placerait aux côtés de "Cléôpatre" (1963) de J.L. Mankiewicz et de "Guerre et Paix" (1967) de Sergueï Bondartchouk, réalisateur russe qui reviendra d'ailleurs à l'époque napoléonienne avec son magnifique "Waterloo" (1970). Ridley Scott sort un film au cinéma d'une durée officielle de 2h39, mais il a d'ores et déjà annoncé une version longue de plus de 4h exclusivement pour AppleTV+ qui serait surtout composée d'ajout de scènes autour de Joséphine de Beauharnais. Néanmoins, dès l'annonce du casting les premiers constats d'erreurs ou de maladresses historiques vont venir éreinter le lancement le la promotion, la bande-annonce dévoilant également quelques passages problématiques d'un point de vue purement historique... Alors que la Révolution en France fait trembler l'Europe, le couple royal subit le châtiment de la guillotine alors qu'au même moment un jeune officier est à la fois témoin et acteur des événements. En 1795 il rencontre Joséphine de Beauharnais la veille d'être nommé général. C'est le coup de foudre, une passion qui va le pousser encore plus haut, lui offrant un panache qui va nourrir ses ambitions, ou presque puisqu'il ira jusqu'à la quitter pourtant en 1810 pour asseoir son prestige et préparer sa descendance... 

Napoléon Bonaparte, et donc pas encore Empereur est incarné par Joaquin Phoenix qui retrouve son réalisateur pour qui il a déjà été Empereur dans "Gladiator" (2000), et retrouve aussi après "Marie Madeleine" (2018) de Garth Davis l'acteur français déjà vu dans des films hollywoodiens comme "L'Aigle de la Neuvième Légion" (2011) et "Désigné Coupable" (2021) tous deux de Kevin Macdonald, Tahar Rahim alias Barras soit celui qui a présenté au futur Empereur Joséphine de Beauharnais, les deux acteurs ont aussi en commun d'avoir tourné sous la direction de Jacques Audiard, le français révélé dans "Un Prophète" (2009) et la star américaine dans le western "Les frères Sisters" (2018). Joséphine de Beauharnais est quant à elle incarnée par Vanessa Kirby  vue entre autre dans "Piece of a Woman" (2020) de Kornel Mundruczo, "The World to Come" (2021) de Mona Fastvold, "The Son" (2023) de Florian Zeller et "Mission Impossible : Dead Reckoning 1" (2023) de Christopher McQuarrie. Citons ensuite Rupert Everett vu récemment dans "My Policeman" (2022) de Michael Grandage et "She Will" (2022) de Charlotte Colbert, et qui retrouve après "Miss Peregrine et les Enfants Particuliers" (2016) de Tim Burton l'acteur Scott Handy vu auparavant dans "Match Point" (2005) de Woody Allen, Ben Miles vu entre autre dans "V pour Vendetta" (2006) et "Ninja Assassin" (2009) tous deux de James McTeigue, Ian McNeice vu dans "Oliver Twist" (2005) de Roman Polanski ou "Walkyrie" (2008) de Bryan Singer, et qui retrouve après "From Hell" (2001) de Albert et Allen Hughes son partenaire Paul Rhys aperçu dans "Chaplin" (1992) de Richard Attenborough, Matthew Needham remarqué dans la série TV "Game of Thrones : House of the Drahon" (2022), John Hollingworth vu dans "1917" (2019) de Sam Mendes ou "Rebecca" (2020) de Ben Wheatley, Mark Bonnar vu dans "Alex le Destin d'un Roi" (2019) de Joe Cornish ou "La Ruse" (2021) de John Madden, Youssef Kerkour qui retrouve Ridley Scott après "House of Gucci" (2021) retrouvant donc également l'actrice Catherine Walker alias Marie-Antoinette vue remarquée dans la série TV "Versailles" (2017-2018)... La B.O. du film est signée de Martin Phipps compositeur des films "Harry Brown" (2009) de Daniel Barber, "Brighton Rock" (2010) de Rowan Joffé ou "Coeurs Ennemis" (2019) de James Kent. On peut savourer le travail visuel du Directeur Photo Darius Wolski qui reste un fidèle de Ridley Scott sur tous ses films depuis "Prometheus" (2012)... Le film part d'emblée avec un déficit de crédibilité historique dommageable, s'il est un grand réalisateur Ridley Scott est parfois peu cohérent. En effet, il impressionne sur le fond comme sur la forme dans "Les Duellistes" (1977) ou "Le Dernier Duel" (2021), mais parfois l'Histoire avec un grand H semble soudain l'ennuyer comme dans "1492 : Christophe Colomb" (1992), et comme ici avec Napoléon surtout quand il déclare : "Napoléon est un homme qui m'a toujours fasciné. Il est sorti de nulle part pour gouverner tout le monde ! Mais pendant tout ce temps, il menait une guerre amoureuse avec sa femme adultère Joséphine. Il a conquis le monde pour essayer de gagner son amour, et quand il ne le pouvait pas, il l'a conquis pour la détruire et s'est détruit dans le processus..." Quelques phrases faites d'abord de gros raccourcis puis d'inventions ou d'extrapolations sans fondement à l'instar de cet encart de présentation au début du film qui est un résumé grossier idéal pour kles incultes américains. Dès le casting il y a un gros bémol, avec un acteur certe hyper talentueux mais un Joaquin Phoenix de près de 50 ans pour un personnage qui meurt justement à 51 ans, mais surtout qui est le cadet de 6 années vis à vis de Joséphine pourtant jouée par une actrice de 35 ans.

Cette différence d'âge pourrait être un détail mais ça en est pas un, il faut se remettre à l'époque où un jeune officier ambitieux mais sans doute maladroit avec les femmes séduit une femme du monde expérimentée ce qui n'est pas dans l'ordre des choses, en témoigne d'ailleurs les efforts en faux pour réduire leur différence d'âge lors de leur mariage ! La tagline "Il est parti de rien" est aussi une idée facile, rappelons qu'il est issu d'une famille puissante en Corse assez influente pour l'envoyer en école militaire pour être officier. C'est peut-être un détail. Mais plus gênant, on peut rappeler que Napoléon n'était pas à Paris lors de l'exécution de la reine Marie-Antoinette, et pire que tout, NON jamais Napoléon n'a tiré au canon sur les pyramides, d'autant plus que la bataille a eu lieu à plusieurs kilomètres de là ! Alors on entend d'ici tous les permissifs et ceux pour qui l'Histoire n'est que poussières dont l'excuse (comme celle de Ridley Scott et d'autres cinéaste par ailleurs) est de dépeindre une certaine vérité, finalement libre de toute contrainte tant que c'est à peu près ça. Problème, le destin de Napoléon est assez extraordinaire pour ne pas voir besoin d'embellir ou d'enrichir le récit, qu'on ne se vante pas de signer un film historique surtout qu'une majorité du public prend pour argent comptant ce qu'il voit.

Mais on peut s'offrir une dose de tolérance en écoutant Emilie Robbe, conservatrice en chef du Patrimoine au musée de l'Armée de Paris et spécialiste la période napoléonienne qui trouve que ça "reste tout de même plutôt réaliste et convaincant" sur l'ensemble. En effet, le réalisme correspond à la reconstitution d'époque cohérente et très convaincante notamment sur la qualité des costumes et uniformes. Les grandes lignes chronologiques sont respectés même si des trous béants et ellipses s'avèrent malheureusement nécessaires pour un tel destin en "seulement" 2h37. Mais on a envie de hurler tant historiquement le film est pourrait être la boite de Pandore d'un révisionnisme éhonté, pas 5mn ne passe sans une approximation, une caricature ou simplement un mensonge. La liste serait très très longue (non Napoléon n'était pas petit, ni un lapin du sexe, ni un geignard façon enfant pourri gâté, non Napoléon ne charge pas comme un simple soldat...) surtout qu'on constate que si on peut débattre sur la "liberté" du cinéaste vis à vis des faits historiques (mouais...) il est plus problématique quand on omet entièrement les bons côtés ou les bonnes choses qu'on doit à l'Empereur (ne serait-ce que le Code Civil) et que la fin omet le fait que Napoléon n'était pas seul à faire la guerre et qu'il était rarement celui qui la déclarait. Bref, Ridley Scott a choisi une ligne directrice anti-Napoléon unilatérale et même d'un manichéisme honteux sans la moindre nuance. C'est d'une gravité essentielle car combien de spectateurs vont prendre ce film comme un cours d'Histoire ?! Alors oui, Ridley Scott reste un des grands réalisateurs encore en exercice, il signe donc une fresque d'une ampleur certaine, avec quelques séquences spectaculaires mais résumé Napoléon à un stratège belliqueux bas du front est aussi simpliste que faux. Malgré les 2h37 le film n'est donc pas un biopic, ou très fantasmé et politiquement dirigé et donc révisionniste sur le fond que la forme sauve à peine. Répétons-le, ce n'est pas un biopic, mais un pamphlet ! Enorme déception donc... Note indulgente eu égard à la force des images et du visuel.

Note :                 

10/20