Scénariste fidèle de Jacques Audiard avec "Un Prohète" (2009), "De Rouille et d'Os" (2012), "Dheepan" (2015) et "Les Frères Sisters" (2018), Thomas Bidegain est passé derrière la caméra avec "Les Cowboys" (2015) qui comprenait de nombreux décors et de nombreux personnages. C'est après ce premier long métrage le cinéaste a donc cherché une histoire qui lui offrirait un projet inverse, lieu unique et personnage en nombre limité : "J'étais fasciné par le design des bases scientifiques de l'Antarctique. Et puis en écoutant un podcast de l'émission Le Masque et la Plume où il était question de livre d'Isabelle Autissier, Soudain, Seuls, quelque chose m'a frappé." C'est ainsi que le réalisateur-scénariste adpate le roman "Soudain, Seuls" (2015) de Isabelle Autissier, co-signant le scénario avec Valentine Monteil qui n'a jusque là écrit qu'un épisode de la série TV "6 X Condiné.e.s" (2021) mais elle est aussi en préparation d'une nouvelle série "Machine" (2024 ?)... 

Ben et Laura, en couple depuis cinq ans, sont partis pour un tour du monde en bateau. A proximité de l'Amérique du Sud, ils décident de faire un détour pour un île sauvage près de l'Antarctique. En pleine exploration une tempête s'abat sur l'île qui a pour conséquence désastreuse la disparition de leur bateau. Désormais isolés sur une île inconnue ils vont devoir lutter pour leur survie... Au départ le projet était prévu avec les stars Vanessa Kirby et Jake Gyllenhaal, ce dernier ayant été rencontré sur le tournage du film "Les Frères Sisters" (2018), mais la collaboration entre le cinéaste et l'acteur a été très difficile et finalement la collaboration a stoppé au bout de quatre jours. D'un film en langue anglais, Thomas Bidegain est finalement revenu à un film 100% français. Finalement le couple est donc incarné par deux acteurs français, Gilles Lellouche vu entre autre dans "BAC Nord" (2021) de Cédric Jimenez, "Adieu Monsieur Haffmann" (2021) de Fred Cavayé, "Fumer fait Tousser" (2022) de Quentin Dupieux ou "Je verrai Toujours vos Visages" (2023) de Jeanne Herry, puis Mélanie Thierry vu auparavant dans "Tralala" (2021) des frères Larrieu, "La Vraie Famille" (2021) de Fabien Gorgeart et "L'Etabli" (2023) de Mathias Gokalp... Notons que la musique est signée de Raphael, compagnon à la ville de Mélanie Thierry, qui retrouve Thomas Bidegain après "Les Cowboys", les deux autres expériences cinéma pour le musicien sont pour les B.O. des films "Un Voyage" (2014) et "Asphalte" (2015) tous deux de Samuel Benchetrit... Vu le speech on pense forcément à des précédents survival et notamment aux récents "La Montagne entre Nous" (2017) de Hany Abu-Assad et "Arctic" (2019) de Joe Penna sauf que cette fois on est en Antarctique, en fait, tournage en Islande et au Finistère. Ces lieux de tournage ne sont pas anodins, ils sont magnifiquement utilisés pour faire croire à une île entre Antarctique et lle Cap Horn. Une île qui s'impose comme le troisième personnage principal du film. Face au couple en perdition, entre passion et fêlures, il y a donc cette île quasi déserte, nue et sauvage, un caillou offerte aux flots et aux vents. 

Le film s'inscrit dans un sous-genre assez précis, et est donc contraint par les codes et le cahier des charges inhérents au genre. Evidemment et logiquement on s'attend à quelques passages comme la dispute, la peur, l'organisation pour la survie, l'arrivée d'un espoir, le côté chasse et pêche... etc... Jusqu'à la crise de couple, l'isolation poussant à l'insu de leur plein gré à une introspection aussi triste qu'inutile. Sur cette scène la dispute reprend peut-être des points un peu galvaudés, des points plus basiques ou sans importance aurait plus montrés l'ineptie de la situation. Les deux acteurs sont parfaits, incarnant des personnages lambdas loin des canons habituels du héros ou d'une personne innée pour la survie. Mais on devine que le couple est lié d'un amour fragile, le suspense repose donc pas tant sur leur survie que sur l'avenir de leur amour. Le scénario suit de façon logique une tentative de survie en milieu hostile, l'éternel lutte de l'homme (et la femme) face à la nature sans chercher le spectaculaire mais en plaçant 2-3 séquences marquantes derrière un semblant de "normalité" ; en cela on notera surtout la première chasse qui ne peut laisser de marbre. Par contre dans la dernière partie quelques incohérences apparaissent (toilette, pilosité, poids, mais aussi recherche de nourriture soit trop facile soit occultée...). En conclusion un survival intime qui reste juste, assez captivant malgré le désert ambiant.

Note :