Un homme réapparaît subitement après quatre années d’errance, période sur laquelle il ne donne aucune explication à son frère venu le retrouver. Ils partent pour Los Angeles récupérer le fils de l’ancien disparu, avec lequel celui-ci il part au Texas à la recherche de Jane, la mère de l’enfant. Une quête vers l’inconnu, une découverte mutuelle réunit ces deux êtres au passé tourmenté.
Après avoir contribué au renouveau du cinéma allemand dans les années 70, Wim Wenders avait réalisé des œuvres en lien avec les États-Unis, Paris, Texas explore cette voie, dans le cadre d’une coproduction allemande, britannique et française. Comme avant lui les cinéastes de la Nouvelle Vague, Wenders a toujours été fasciné par l’Amérique, via son cinéma et sa mythologie. Le film démarre par le plan d’un homme errant dans le désert texan. La partition musicale (désormais culte) de Roy Cooder accompagne ses pas, tandis que d’amples mouvements de caméra révèlent l’immensité des lieux, symbole de l’état de perdition du personnage. Musique et images à l’unisson d’une œuvre artistique intégrale ; les deux provoquent foule émotions. Travis (Harry Dean Stanton) s’effondre alors au moment où il fait une halte dans un débit de boisson. À l’hôpital, le médecin (Bernard Wicki) ne peut que constater son mutisme et son apparente amnésie.
La première heure du film devient alors un road movie, quand Walt, le frère (Dean Stockwell), ramène Travis à Los Angeles. On apprend alors que Travis avait disparu depuis quatre ans, après avoir rompu avec Jane (Nastassja Kinski, au sommet de sa beauté ; mais il faudra attendre près de 90’ pour le découvrir !!!). Leur petit garçon, Hunter, avait été confié à Walt et Anne, son épouse française (Aurore Clément). Le premier quart d’heure ne montre pas de rupture : un filmage lent, contemplatif, montrant la solitude de personnages éternellement en fuite. Ce n’est pas que la suite du récit échappe à la règle, mais Wim Wenders prend la voie d’un cinéma plus populaire de par son scénario, écrit par Sam Shepard : la narration joue en effet sur la corde sensible et émotionnelle, donnant une dimension supplémentaire à l’art de l’auteur, qui ne renonce pas pour autant à son exigence stylistique.
Car Paris, Texas est l’histoire d’une famille décomposée qui tente de se reconstruire, au même moment où des parents adoptifs se font à l’idée qu’ils vont devoir se séparer de leur enfant. Si le caractère naïf de la reconstitution d’une famille biologique pourra agacer, le cinéma de Wenders n’est en rien moralisateur. Et les deux aspects de Paris, Texas (exigence formelle et émotion de scénario) culminent dans la dernière partie du film, lorsque Nastassja Kinski joue pendant plusieurs minutes devant un miroir. Séquence culte, et sans doute l’une des plus grandes leçons de cinéma... Présenté au Festival en Cannes 1984, le film y reçut un accueil triomphal, aussi de bien de la part de la presse que du public, qui lui fit une ovation historique. Quelques jours plus tard, Le jury de Dirk Bogarde lui accordait la Palme d’or. Ce film à la fois consensuel et sublime devait être le sommet de la carrière d’un cinéaste alors âgé de trente-neuf ans. Si l’on excepte Les ailes du désir (1987), jamais Wenders ne retrouvera une telle osmose entre inspiration et communion avec le public.
Contemplatif d’une beauté formelle rare et truffé de beaux moments d’émotion.
Sorti en 1984
Ma note: 19/20