L'Innocence (2023) de Hirokazu Kore-Eda

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Nouveau film de Hirokazu Kore-Eda, réalisateur de plusieurs bijoux comme "Nobody Knows" (2004), "Air Doll" (2009), "Tel Père, Tel Fils" (2013) ou "Une Affaire de Famille" (2018), qui continue à explorer les tourments familiaux avec cette fois un environnement scolaire particulièrement présent. Mais notons que c'est la prmeière fois depuis son premier long métrage "Maborosi" (1995) que le réalisateur ne porte pas à l'écran son propre scénario. En effet, ses producteurs Genki Kawamura et Kenji Yamada lui ont proposé le scénario signé de Yuki Sakamoto, auteur renommé mais surtout connu par la télévision, qui a insisté pour que ce soit Kore-Eda qui réalise son projet, ça tombait bien l'admiration était réciproque... Dans une école de banlieue, une dispute entre élève éclate dont l'issue amène à un incident qui pourrait sembler anecdotique mais qui a avoir des répercussions plus graves. Le jeune Minato, qui est élevé par sa mère seule depuis la mort de son père, a un comportement de plus en plus déstabilisant. Inquiète, sa mère décide de confronter l'équipe éducative de l'école mais bientôt la vérité va s'avérer plus complexe qu'il n'y paraît tandis que les enfants impliqués dans la bagarre disparaissent... 

La mère est incarnée par Sakura Andô, vue dans "Shokuzai" (2012) de Kiyoshi Kurosawa, retrouvant osn réalisateur après "Une Affaire de Famille" (2018), et vue plus récemment dans "The Great Yokai War : Gardians" (2021) de Takashi Miike et "Godzilla Minus One" (2023) de Takashi Yamakazi. Son fils Minato et son camarade Eri sont respectivement interprété par Soya Kurokawa et Hinata Hiiragi dans leur premier rôle à l'écran. Le professeur est joué par Eita Nagayama vu auparavant dans "Azumi" (2003) de Tyuhei Kitamura, "Ichimei" (2011) de Takashi Miike ou "Hikari" (2017) de Tatsushi Ômori. Citons ensuite Yuko Tanaka vue dans "Edo Porn" (1981) de Kaneto Shindo, "Contes d'Osaka" (1999) de Jun Ichikawa, "La Forêt Oubliée" (2005) de Kohei Oguri ou "Voyage avec Haru" (2010) de Masahiro Kobayashi, Mitsuki Takahata vue dans "Blue Spring Ride" (2014) de Takahiro Miki, "Rage" (2016) de Lee Sang-Il ou "Hirune Hime" (2016) de Kenji Kamiyama, puis enfin Shido Nakamura vu dans "Lettres d'Iwo Jima" (2006) de Clint Eastwood, "Les Trois Royaumes" (2008) de John Woo, "Ichi la Femme Samouraï" (2008) de Fumihiko Sori ou "The Blood of Wolves" (2018) de Kazuya Shiraishi... Le film reprend une construction narrative similaire au chef d'oeuvre "Rashomon" (1952) de Akira Kurosawa, à savoir une histoire vu par plusieurs points de vue différents comme plus récemment "Elephant" (2003) de Gus Van Sant, "Angles d'Attaque" (2008) de Pete Travis ou "Les Opportunistes" (2014) de Paolo Virzi. Dans cette histoire d'enfant mal dans sa peau, nous sommes d'emblée assailli par les différentes raisons possibles forcément plus ou moins terribles et qui va tenir ce suspense jusqu'à ce que les différents protagonistes nous dévoilent leur point de vue. Ainsi, il y a plusieurs partie, la maman qui tente de comprendre et d'agir pour que son fils aille mieux, le professeur qui n'est pas aidé par ses collègues ni par les apparences, la directrice elle-même perturbée par un drame, et l'enfant lui-même enfin qui va relier ses pans de vie pour une vérité dont le spectateur sera le témoin.

Une maman inquiète qui va rester digne en se battant pour son fils, mais a-t-elle raison ?! Un professeur sûr de son bon droit mais dont l'attitude reste ambigüe, mais a-t-il tort ?! Une directrice comédienne et/ou dangereuse, a-t-elle des choses a cachée ?! Et cet enfant est-il un petit monstre ou juste trop influençable ou a-t-il en fait un secret plus enfoui ?! Les questions nous taraudent et les réponses se font subrepticement, de fil en aiguille avec toute la délicatesse du réalisateur et toute la pudeur des us et coutumes nippons. Il y a bien quelques facilités ou maladresses (un sourire narquois dont on n'aura pas le retour d'un autre angle, l'amitié se suffisait à elle-même et se serait avéré encore plus "innocente", ou sinon choisir des enfants de 2-3 ans de plus), mais le plus gênant reste sans doute cet habituel écueil du réalisateur de trop tirer en longueur certains passages. Le film aurait pu être un peu plus court de 10mn. Mais on chipote, Kore-Eda prouve une fois de plus sa pertinence et toute l'acuité de ses histoires où l'enfance est explorée de façon si bienveillante malgré les drames et la difficulté d'exprimer ses sentiments. En filigrane le réalisateur-scénariste aborde bien des sujets comme les rumeurs, la fausse perception des choses, les apparences ou le jugement de la majorité pas forcément juste... etc... Le cinéaste signe une chronique douce-amère dont on perçoit la volonté d'optimisme du cinéaste mais qui laisse pourtant un goût plus amer que doux avec une pointe de mélancolie. Un très bon moment à conseiller.

Note :                 

16/20