Nouveau film après "Les Intranquilles" (2021) pour Joachim Lafosse qui continue à explorer les méandres du drame familial à l'instar de ses films "Nue Propriété" (2006), "A Perdre la Raison" (2012) ou "L'Economie du Couple" (2016). Le cinéaste s'inspire de l'affaire Hissel, où comment Victor Hissel ancien avocat de familles de victimes du pédophile Marc Dutroux, a été à son tour été condamné pour détention d'images pédopornographiques avant d'être poignardé par son fils : "C'est parce qu'il était question dans ce fait divers, de ce que chacun d'entre nous fait avec la honte, la culpabilité et le silence." Une affaire assez incroyable qui renvoie logiquement à l'affaire Dutroux qui a secoué tout un pays : "Belge et adolescent à l'époque de l'affaire Dutroux, observant la Marche Blanche, je ne pouvais m'empêcher de penser que parmi les 400000 personnaes qui défilaient dans les rues de Bruxelles pour dire "plus jamais ça", il devait bien y avoir quelques loups masqués. Vingt ans plus tard, en découvrant l'affaire Hissel, j'ai pensé qu'il y avait là de quoi faire voir le passage de la crainte du pervers isolé, du monstre qui sort du bois, d'une croyance populiste dans la pureté à uneinterrogation louable sur ce qui se passe au coeur de nos familles et de nos chambres à coucher." Le réalisateur-scénariste a écrit son scénario avec plusieurs collaborateurs, certains en tant que débutants dans l'exercice comme Sarah Chiche, Valerie Graeven, Chloé Duponchelle et Paul Ismael, puis deux auteurs qui retrouve Joachim Lafosse, Matthieu Reynaert après "A Perdre la Raison" (2012), puis Thomas Van Zuylen après "Les Chevaliers Blancs" (2015), "L'Economie d'un Couple" (2016) et "Continuer" (2018)... Silencieuse depuis 25 ans, Astrid, femme d'un célèbre avocat voit son équilibre familial s'effondrer lorsque ses enfants se mettent en quête de justice...
Astrid est interprétée par Emmanuelle Devos vue dans "Mascarade" (2022) de Nicolas Bedos et "Noël Joyeux" (2023) de Clément Michel, tandis que son époux est incarné par Daniel Auteuil vu dans "La Belle Epoque" (2019) de Nicolas Bedos, "Adieu Monsieur Haffmann" (2021) de Fred Cavayé ou "Le Nouveau Jouet" (2022) de James Huth. Leur fils est joué par Mathieu Galoux dans son premier rôle à l'écran. Citons ensuite Jeanne Cherhal chanteuse ayant déjà joué dans le film "No Land's Song" (2014) de Ayat Najafi avant de prêter sa voix à un GPS dans "La Vie très Privée de Monsieur Sim" (2015) de Michel Leclerc, Louise Chevillotte vue dans "Benedetta" (2021) de Paul Verhoeven, "L'Evénement" (2021) de Audrey Diwan et "A mon Seul Désir" (2022) de Lucie Borleteau, Nicolas Buysse aperçu dans "Kill Me Please" (2010) de Olias Barco ou "Temps Mort" (2023) de Eve Duchemin, Karim Barras vu dans "Tueurs" (2017) de François Troukens et Jean-François Hensgens ou "OSS 117 : Alerte Rouge en Afrique Noire" (2021) de Nicolas Bedos, et retrouve après "Vampires" (2008) de Vincent Lannoo son partenaire Baptiste Sornin acteur fétiche des frères Dardenne de "Le Silence de Lorna" (2007) au récent "Tori et Lokita" (2022), Larisa Faber vue dans "Angelo" (2019) de Marcus Schleinzer et retrouve le réalisateur Joachim Lafosse après "Les Intranquilles" (2021) à l'instar de Damien Bonnard vu tout récemment dans "Le Processus de Paix" (2023) de Ilan Klipper et "Une Affaire d'Honneur" (2023) de et avec Vincent Pérez, Magali Pinglaut vue dans "Thomas est Amoureux" (2001) de Pierre-Paul Renders ou "La Couleur des Mots" (2007) de Philippe Blasband, puis enfin Raphaëlle Bruneau qui retrouve Joachim Lafosse après "Nue Proriété" (2006), "A Perdre la Raison" (2011) ou "Les Chevaliers Blancs" (2015)... Le film impose d'emblée une atmosphère pesante et anxiogène qui ne nous quittera plus jusqu'au bout. Un avocat qui défend une famille victime de pédohilie, un secret familial qui va se dévoiler après 30 années de silence qui arrive au mauvais moment (si cela existe !) mais malheureusement un secret qui nous est éventé bien trop vite et de façon trop limpide. Ensuite on peut se dire que la fille-soeur est sous-exploitée (alors qu'elle est celle qui ouvre la conscience de sa mère) et on peut regretter un frère-oncle trop invisible peut-être.
Pourtant, le récit s'installe comme un poison, comme une évidence insidieuse avec un homme de droit qu'on nous dévoile par petites touches, avec une épouse qui avait réussi à tout effacer ou du moins à faire croire que tout allait pour le mieux, un fils adoptif forcément un peu paumé dont on se saura jamais le degré de véracité dans ses déclarations. Finalement tout repose sur le lien conjugal qui nous interroge sans cesse, comment il a pu rester aussi secret autant d'années ?! Comment elle a pu endurer tout ça durant autant d'années ?! On se pose aussi des questions sur l'adoption qui a dû rappeler le secret des années après ?! Le secret au sein d'une famille bourgeoise n'aurait pas déplu à un certain Claude Chabrol, mais Joachim Lafosse va plus loin avec un thriller malaisant et le propose poltico-social. Le cinéaste reste toujours droite ligne de son scénario et montre que le silence est avant tout la conséquence d'une honte comme il l'explique parfaitement : "Le crime provoque l'effroi, l'effroi provoque le silence qui engendre la culpabilité et la honte. On a tort de juger le silence, il faut l'interroger, c'est un symptôme. Il ne faut jamais oublier que le silence n'est pas le crime et que derrière toute personne silencieuse, il y a une épreuve, une difficulté à dire, une fragilité. Cela a été magnifique de pouvoir, avec Emmanuelle Devos et les autres acteurs, mettre en scène ce sentiment de honte." La construction du récit est malin, sans surprise sur les événements mais distillant avec parcimonie les fêlures et les détresses émotionnelles des protagonistes qui pèse d'autant plus que le climax délétère ne nous quitte jamais. Il est surtout dommage que le film soit autocentré sur le couple Devos-Auteuil (tout deux en grande forme !) alors que la famille entière est concernée. Joachim Lafosse signe un drame noir et fataliste, son film le plus sombre depuis "A Perdre la Raison" (2012)...
Note :