Cinéma | PRISCILLA – 14,5/20

Par Taibbo

De Sofia Coppola
Avec Cailee Spaeny, Jacob Elordi

Chronique : L’un des nombreux talents de Sofia Coppola est de savoir filmer les jeunes filles qui s’ennuient sans nous ennuyer. En témoigne son chef-d’œuvre Virgin Suicide, mais aussi les très recommandables Marie-Antoinette, Somewhere ou Lost in Translation.
Priscilla, elle, attend. Elle attend l’autorisation de ses parents pour rejoindre Elvis, elle attend qu’il rentre de tournée, elle attend d’avoir l’âge de pouvoir s’offrir à lui, elle attend qu’il ait apprivoisé son nouveau rôle pour le rejoindre à LA… Elle attend, et forcément elle s’ennuie.
Coppola filme une histoire d’amour et d’emprise à travers le regard d’abord naïf et impressionnable d’une (très) jeune fille. Son âge, 14 ans à leur rencontre, associé à la notoriété du chanteur rend cette relation immédiatement problématique, bien qu’acceptée pas son entourage. Et si comme l’a toujours dit Priscilla Presley, Elvis l’a « respectée » jusqu’à sa majorité, ce qui apparait d’abord comme un geste noble finit par se transformer en moyen supplémentaire pour renforcer sa mainmise sur elle et contrôler ses désirs.
La réalisatrice capture avec finesse et subtilité les ravages insidieux que cette union, déséquilibrée à tant de niveaux, provoque sur son héroïne. La pression mentale des absences d’Elvis, ses colères, ses mensonges, ses infidélités, sans parler des cocktails de médicaments qu’il l’incite à ingurgiter, Coppola fait émerger la face sombre du conte de fées.
Mais c’est pour mieux révéler comment Priscilla va progressivement reprendre le pouvoir sur sa vie, même si cela doit signifier s’éloigner de son grand amour. En cela Priscilla est à sa manière profondément et intelligemment féministe. Sans grand discours, avec discrétion et sans bruyante revendications, juste en montrant une femme décidant de ne plus se laisser dicter sa vie.
Le contraste avec un Elvis amorçant sa mue pour devenir The King, s’encombrant de parasites et d’addictions et faisant le vide autour de lui est saisissant.
La mise en scène évanescente et vaporeuse, la photographie pastel caractéristique de la cinéaste mettent en valeur le jeu de plus en plus affirmé de la jeune Cailee Spaeny, prix d’interprétation à Venise mérité au regard de son incarnation et de sa capacité à traduire l’évolution psychologique de la jeune femme. Elle campe une Priscilla NalaDelReysque, mélancolique et puissante qu’accompagne une musique pop sucrée et acidulée, dont l’omniprésence appuie d’autant plus les silences qu’elle impose.
Habitué aux rôles toxiques, Jacob Elordi compose un excellent Elvis, moins ressemblant qu’Austin Butler dans le biopic de Baz Luhrmann, mais incarnant parfaitement ce qu’il représente, l’irrésistible beauté, le charisme, l’excès, le pouvoir, la manipulation narcissique et finalement l’extrême solitude.
Sofia Coppola livre ainsi un nouveau très beau portrait de jeune femme, finement écrit et élégamment mis en scène, celui d’une ado impressionnable qui va peu à peu s’affirmer et confronter les abus de son prince charmant pour s’extirper de sa prison dorée et marcher vers la liberté.

Synopsis : Quand Priscilla rencontre Elvis, elle est collégienne. Lui, à 24 ans, est déjà une star mondiale. De leur idylle secrète à leur mariage iconique, Sofia Coppola dresse le portrait de Priscilla, une adolescente effacée qui lentement se réveillera de son conte de fées pour prendre sa vie en main.