L'Homme d'Argile (2024) de Anais Tellenne

Premier long métrage de la Anais Tellenne, son idée est venue par sa rencontre avec Raphaël Thiéry, acteur au physique aussi singulier qu'atypique qu'elle a fait tourné dan ses courts métrages "19 Juin" (2018), "Le Mal Bleu" (2018) co-signé avec Zoran Boukherma et "Modern Jazz" (2019). La réalisatrice-scénariste explique : "Si dans la réalité, Raphaël est plus extraverti que son personnage, je me suis néanmoins inspirée de certains aspects de son existence pour construire ce conte. Borgne et doté d'un physique hors norme, il a appris à vivre en ayant l'habitude de la condescendance, du rejet et de la méfiance. Il a longtemps partagé son temps entre ses activités de garde forestier, sa compagnie de théâtre et le groupe de musique traditionnelle dans lequel il jouait de la cornemuse, jusqu'à ce qu'un jour, Alain Guiraudie, le révèle dans Rester Vertical. Faisant de sa "tronche" atypique un atout, le cinéma a changé les regards sur lui. Cette expérience m'a fascinée car elle met en lumière une problématique que nous avons tous en nous : celle du pouvoir du regard de l'autre. Comment nous façonne-t-il ? Et surtout, comment un seul regard peut-il suffire à nous transformer, nous libérer ? Cette question est l'enjeu de L'Homme d'Argile." La cinéaste avoue une influence de "La Belle et la Bête" (1946) de Jean Cocteau, mais aussi des réalisateurs Jacques Demy et surtout Roberto Rosselini... 

Raphaël est le gardien d'un manoir inhabité depuis des années. A presque 60 ans il vit seul avec sa mère dans un petit pavillon à l'entrée du domaine. Entre la chasse  aux taupes, la cornemuse et les tours dans la kangoo de la postière les jours se suivent et se ressemblent. Mais par une nuit d'orage, Garance, l'héritière revient habiter dans la demeure. Pour Raphaël tout va changer... Le borgne Raphaël est donc incarné par Raphaël Thiery révélé dans "Rester Vertical" (2024) de Alain Guiraudie et vu entre autre dans "De nos Frères Blessés" (2020) de Hélier Cisterne, "L'Envol" (2022) de Pietro Marcello ou encore furtivement dans le récent "Pauvres Créatures" (2024) de Yorgos Lanthimos. Garance est jouée par Emmanuelle Devos vue dernièrement dans "Mascarade" (2022) de Nicolas Bedos, "Noël Joyeux" (2023) de Clément Michel et surtout "Un Silence" (2024) de Joachim Lafosse. Citons ensuite Marie-Christine Orry vu récemment dans "Kaamelott : Premier Volet" (2021) de et avec Alexandre Astier, "Incroyable mais Vrai" (2022) de Quentin Dupieux et "Le Sixième Enfant" (2022) de Léopold Legrand, Cesare Capitani vu dans le dyptique "10 Jours sans Maman" (2020-2023) de Ludovic Bernard, Natasha Cashman aperçue dans "L'Arnacoeur" (2010) de Pascal Chaumeil, "Un Jour mon Père Viendra" (2012) de Martin Valente ou "Maryline" (2017) de et avec Guillaume Gallienne, des premiers rôles sur grand écran pour Mireille Pitot, Alexis Louis Lucas et Vincent Thomas, puis enfin Zoran Boukherma co-réalisateur avec Anais Tellenne sur le court "Le Mal Bleu" (2018) qui vient faire l'acteur avec son frère Ludovic Boukherma, tous deux réalisateurs des films "Teddy" (2020) et "L'Année du Requin" (2022)... Un vieux gars au physique qu'on pourrait qualifier d'ingrat vit avec sa mère dans une dépendance d'un grand manoir dans un endroit reculé de la campagne, avec l'aristocrate, ultime héritière, qui arrive comme si il n'y avait pas encore eu la fin des privilèges ; on se croirait presque au siècle dernier. La cinéaste a opté pour un format 1.5 dit photographique, ce qui s'avère assez logique, d'abord pour correspondre à l'art en général, puis qui reste cohérent avec le style naturaliste du film. 

Au départ on suit Raphaël (l'acteur garde son prénom tant il est l'inspiration première de cette histoire), on nous le présente avec son travail ingrat de chasseur de taupes, sa liaison joyeuse avec la postière et sa passion pour la cornemuse (dont joue l'acteur réellement depuis son adolescence). D'ailleurs précisons que partie du film (bar et village) est tournée dans le village de Anost, où se déroule la Fête de la Vielle l'acteur est un fidèle sans compter le Château du Jeu. Cette première partie est sans doute un peu longue car le récit n'avance pas tant que la propriétaire n'est pas là. Homme au physique singulier, Raphaël attire soudain l'oeil de la propriétaire, artiste tout aussi singulière, à qui il aura fallu des années pour s'apercevoir que cet homme au visage taillé à la serpe mérite sa statue. L'artiste aristo trouve une inspiration nouvelle et retrouve par la même occasion le goût de vivre, le vieux bourru est troublé par ce nouveau regard qu'on lui porte, offert de surcroît par une femme encore belle et d'un autre monde que le sien. La relation reste professionnelle, mais Raphaël ressent des émotions nouvelles au point de blesser maladroitement sa postière. Une courte scène particulièrement triste. Il y a encore deux scènes marquantes, un retour de concert pour une nouvelle séance essoufflée aussi touchante que troublante, puis une sublime scène d'amour, sans doute la plus belle depuis bien longtemps au cinéma. Un premier film qui lie art et amour de belle façon avec un joli message sur la subjectivité de la beauté. Un joli moment auquel il manque un petit truc en plus pour vraiment séduire sur tous les plans.

Note :                 

L'Homme d'Argile (2024) Anais TellenneL'Homme d'Argile (2024) Anais TellenneL'Homme d'Argile (2024) Anais Tellenne

15/20