Nous apprenons bien tard la mort d'un réalisateur majeur, Norman Jewison nous a quitté ce 21 juillet 1926 à l'âge de 97 ans.
Né en 1926 à Toronto (Canada) Norman Frederick Jewison naît au sein d'une famille protestante, alors même que son patronyme (signifiant "fils de juif") le poussera à une sensibilité profonde avec le judaïsme. Enfant de la balle il débute dès ses 5 ans sur les planches et notamment en étudiant au Malvern Collegiate Institute. Très jeune il s'engage dans la Marine Royale canadienne avant de reprendre en 1949 ses études au Victoria College à l'université de Toronto. Il devient chauffeur de taxi mais il est séduit par l'actorat et obtient quelques apparitions au théâtre ou à la radio, mais aussi dans sa première expérience au cinéma avec une figuration dans le film "Canadian Pacific" (1949) de Edwin L. Marin.
Petit à petit il gravit les échelons et devient entre autre assistant réalisateur, réalisateur puis scénariste et/ou producteur à la télévision pour des émissions diverses, comédies musicales ou même de variétés. Citons les émissions "Your Hit Parade" (1950), "The Big Revue" (1952) ou "The Barris Beat" (1956). En 1958 il part pour New-York il travaille sur des émissions spéciales avec des stars comme Harry Belafonte ou Dannye Kaye. Mais sa carrière prend un tournant inattendu quand il est choisi pour un événement télévisuel important, "The Judy Garland Show" (1961-1963) qui signe le grand retour de la star. En effet, de passage sur le plateau son travail est remarqué par un certain Tony Curtis qui lui propose de réaliser un long métrage de cinéma produit par sa société de production qu'il a fondé" avec son épouse Janet Leigh, Curtleigh Productions. Il tourne ainsi son premier film avec "Des Ennuis à la Pelle" (1962) avec naturellement Tony Curtis qui est connu pour être le premier film tourné à Disneyland.
Le film reçoit un bon accueil qui permet à Norman Jewison de monter sa propre société de production Slmkoe Productions en restant en collaboration avec Curtleigh Productions mais qui ne se poursuivra pas réellement alors qu'il signe avec Universal. Il réalise ensuite la comédie romantique "Le Piment de la Vie" (1963) avec James Garner et Doris Day, des acteurs qu'il retrouve dans la foulée, Garner dans "Ne M'envoyez pas de Fleurs" (1964) et Day dans "Gare à la Peinture" (1965).
Après ces comédies le réalisateur désire prendre encore plus son indépendance et aborder des sujets plus sérieux. Il réalise le drame sur le poker "Le Kid de Cincinnati" (1965 - ci-dessous) avec la star Steve McQueen en tête d'affiche. Le film est un succès et reste une référence sur le sujet tandis que Jewison dira qu'il reste un de ses films favoris...
Ce succès lui permet d'assumer désormais la production principale de ses films. Il commence avec la satire "Les Russes Arrivent" (1966 - ci-dessous), bien que nommé pour 4 Oscars le film fera polémique, le cinéaste sera entre qualifié par certains commentateurs de Droite de "petit canadien".
Le réalisateur poursuit pourtant avec un nouveau message politique, un thriller dans un contexte ségrégationniste avec "Dans la Chaleur de la Nuit" (1967 - ci-dessous) avec Rod Steiger et Sidney Poitier. Dès sa sortie l'homme politique Robert Kennedy annonce qu'il s'agit d'"un film très important. Le timing est primordial". Le film connaît un grand succès et obtient pas moins de 5 Oscars dont le Meilleur Film.
Il retrouve l'acteur Steve McQueen pour un polar stylé avec "L'Affaire Thomas Crown" (1968) avec aussi Faye Dunaway. Le film est un nouveau succès se faisant remarquer pour la première utilisation du split-screen (écran divisé en plusieurs), mais aussi en offrant l'un des baisers les plus mythiques du cinéma entre les deux stars.
Il revient alors à la comédie avec "Gaily Gaily" (1969) avec Beau Bridges et Melina Mercouri sans retrouver le même succès. Juste après, déprimé et déçu par le climat politique aux Etats-Unis il décide de partir avec sa famille en Angleterre. Il en profite alors pour changer encore de registre avec la comédie musicale "Un Violon sur le Toit" (1971 - ci-dessous sur le tournage) adapté du spectacle éponyme (1964) de Broadway qui raconte avec humour la vie d'une famille juive. Le film reçoit 3 Oscars pour la musique, le son et la photographie tandis que dans la foulée sort le documentaire "Norman Jewison, Cinéaste" (1971) de Douglas Jackson tourné sur le plateau de " "Un Violon..."
Le genre semble avoir séduit Norman Jewison puisqu'il poursuit dans la comédie musicale en s'investissant particulièrement puisqu'il co-écrit pour la première fois le scénario. Il adapte l'Opéra-Rock signé Tim Rice et Andrew Lloyd Webber soit "Jesus Christ Superstar" (1973) dont le tournage se déroule en Israël. Il en profite aussi pour produire à la même époque le western "Un Colt pour une Corde" (1973) de Ted Kotcheff.
Après la polémique sur son dernier film, religion oblige, le réalisateur va une nouvelle fois bousculer les opinions cette fois sur la question de la violence avec "Rollerball" (1975 - ci-dessous sur le tournage) avec James Caan sur une téléréalité violente dans un monde dystopique.
Il réalise ensuite "FIST" (1978 - ci-dessous) inspiré très librement de la vie du syndicaliste américain affilié plus ou moins mafieux Jimmy Hoffa. La production va connaître une petite polémique mais qui n'a rien à voir avec son sujet cette fois. La controverse étant qu'il y a deux scénaristes crédités, Joe Ezterhas et l'acteur du film Sylvester Stallone, le premier affirmant que l'apport de Stallone était mineur.
Après des années en Angleterre il revient justement en 1978 au Canada où il base sa société de Production à Toronto tout créant un ranch qui produit du bétail de haute qualité. Il réalise ensuite un film judiciaire sur un juge accusé de viol incarné par Al Pacino dans "Justice pour Tous" (1979 - ci-dessous), produit "Les Chiens de Guerre" (1981) de John Irvin puis revient à la comédie romantique avec "Best Friends" (1982) avec Burt Reynolds et Goldie Hawn.
Il aborde de nouveau le racisme avec "A Soldier's Story" (1984) d'après une pièce lauréate du Prix Pulitzer dans lequel on reconnaît un jeune Denzel Washington, puis suit le drame "Agnès de Dieu" (1985 - ci-dessous) avec Jane Fonda et Anne Bancroft sur un avortement dans un couvent, film nommé pour 3 Oscars.
Malgré de bons accueils critiques le succès commercial de ses films ne sont pas au sommet, des différends ont alors mis fin à la collaboration entre Jewison et la Columbia, sa société désormais nommé Yorktown Productions signe alors avec la MGM. Le premier film sous le rugissement de la MGM est une nouvelle comédie sentimentale, "Eclair de Lune" (1987 - ci-dessous) avec la pop star Cher et Nicolas Cage qui est un gros succès au box-office et remporte 3 Oscars dont un pour la Meilleure actrice.
Le cinéaste continue à alterner entre comédie et film aux thématiques plus pointues, il réalise alors "Un héros comme Tant d'Autres" (1989 - ci-dessous) avec Bruce Willis sur les traumas post-Viêtnam, puis revient à la comédie sociale avec "Larry le Liquidateur" (1991) avec Danny De Vito, Gregory Peck ou Piper Laurie, puis une nouvelle comédie romantique avec "Only You" (1994) avec les tous jeunes Robert Downey Jr. et Marisa Tomei.
Il continue avec une nouvelle comédie, un conte sur un jeune garçon et un ami imaginaire plutôt singulier dans "Bogus" (1996) avec Whoopi Goldberg, Gérard Depardieu et le tout jeune Haley Joel Osment, puis revient à un drame historique sur le racisme avec "Hurricane Carter" (1999 - ci-dessous sur le tournage) avec Denzel Washington sur l'histoire vraie d'un boxeur noir injustement accusé de meurtre. Malheureusement, malgré le succès du film let notamment un Golden Globe pour l'acteur, le film est très critiqué pour avoir édulcoré la personnalité et le passé du boxeur.
Après la comédie pour la télévision "Dinner with Friends" (2001) avec Andie McDowell, Greg Kinnear ou Dennis Quaid, le réalisateur réalise son dernier long métrage de cinéma avec "Crime contre l'Humanité" (2003) avec Michael Caine, Tilda Swinton ou encore Charlotte Rampling tiré du roman "La Déclaration" (1996) de Brian Moore qui est lui-même inspiré de la vie du criminel de guerre Paul Touvier.
Le cinéaste reçoit le prix commémoratif Irving G. Thalberg en 1999, et publie cette même année sa biographie "This Terrible Business has been Good to Me".
Norman Jewison aura signé une vingtaine de films dont plusieurs chefs d'oeuvre sur un demi-siècle, n'hésitant pas à bousculer les opinions et à aborder des sujets alors sensibles. Mais il était aussi contribué au développement du cinéma canadien en créant ce qui va devenir le Centre Canandien du Film (C.F.C.) en 1986 par lequel, à ce jour, plus de 1700 élèves sont passés dont Brad Peyton réalisateur de "Rampage : Hors de Contrôle" (2018), Vincenzo Natali réalisateur entre autre de "Splice" (2009) ou Daniel Beckerman producteuur de "The Witch" (2019) de Robert Eggers ou "Wedding Nightmare" (2019) de Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett.
Norman Jewison épouse une ancienne mannequin Margaret Ann Dixon en 1953 avec qui il a trois enfants qui travaillent tous dans le milieu du cinéma ou de la télévision. Après la mort de son épouse en 2004, il se remariera en 2010.
Norman Jewison est mort ce dimanche 21 janvier 2024 à son domicile à l'âge de 97 ans.