Rivière sans Retour (1954) de Otto Preminger

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Devenu un réalisateur majeur à Hollywood avec des succès comme "Laura" (1944), "Ambre" (1947) ou "Mark Dixon, Détective" (1950) Otto Preminger a tenté  de se produire en indépendant avec "La Lune était Bleue" (1953) mais le succès n'est pas au rendez-vous, il revient alors dans le giron de la 2Oth Century Fox. Ce n'est que partie remise, le cinéaste réussira avec des sujets sensibles dont le premier succès sera "L'Homme au Bras d'Or" (1955). En attendant il accepte un film de commande, la Fox lui propose d'aborder pour la première fois le genre du western mais avec des ambitions qui ouvrent de jolies perspectives, à savoir un budget important, deux des plus grandes stars en tête d'affiche, un tournage en décors naturels et un des premiers films tournés en CinemaScope. L'histoire est une idée de Louis Lantz, obscur scénariste ayant écrit "Le Fort de la Vengeance" (1951) et "Rogue River" (1951) tous deux de John Rawlins deux westerns n'ayant pas rencontré le succès, mais le scénario est écrit par Frank Fenton scénariste de "Rio Bravo" (1953) de John Sturges, "Vaquero" (1953) de John Farrow, "Le Jardin du Diable" (1954) de Henry Hathaway ou encore "Tant que Soufflera la Tempête" (1955) de Henry King...

En 1875, Matt Calder un homme au passé trouble arrive dans une ville en pleine ruée vers l'or pour chercher son fils âgé de 9 ans qu'il a dû abandonné quelques temps. Il le retrouve alors qu'une chanteuse de saloon, Kay l'avait pris sous son aile. Matt et son fils s'installe dans une ferme isolée. Quelques jours plus tard, ils viennent en aide à Kay et son mari qui tentait de traverser le pays sur un radeau. Les rapides étant trop dangereux Matt accueille le couple avant de comprendre que l'époux est prêt à tout et même au pire pour arriver à ses fins au grand dam de Kay. L'homme quitte la ferme avec le seul cheval et le seul fusil laissant Matt, son fils et Kay à la merci des indiens. Malgré les dangers ils vont devoir emprunter la rivière avec le radeau... Matt Calder est joué par le monstre sacré Robert Mitchum qui s'est imposé avec entre autre "La Griffe du Passé" (1947) de Jacques Tourneur justement écrit par Frank Fenton, "Les Indomptables" (1952) de Nicholas Ray ou "Un si Doux Visage" (1952) de Preminger qu'il retrouve donc, tandis que son fils est joué par le jeune Tommy Rettig aperçu dans "Panique dans la rue" (1950) de Elia Kazan et "L'Egyptien" (1954) de Michael Curtiz. La chanteuse de Saloon est incarnée par Marylin Monroe, amie de Mitchum depuis leur début, devenue une star aussi avec les films "Chérie, je me sens Rajeunir" (1952) et "Les Hommes préfèrent les Blondes" (1953) tous deux de Howard Hawks, puis "Comment épouser un Millionnaire" (1953) de Jean Negulesco après lequel elle retrouve son partenaire Rory Calhoun vu dans "La Rivière de la Poudre" (1953) de Louis King ou "Le Fouet d'Argent" (1953) de Harmon Jones.

Citons ensuite Murvyn Vye aperçu dans "Les Anneaux d'Or" (1947) de Mitchell Leisen ou "Le Port de la Drogue" (1953) de Samuel Fuller, Douglas Spencer qui retrouve Marylin Monroe après "Chérie, je me sens Rajeunir" (1952) et qui retrouve après le chef d'oeuvre "Une Place au Soleil" (1951) de George Stevens l'acteur Hank Mann star comique du Muet ayant collaboré de nombreuses fois avec Charles Chaplin vu aussi dans "Scarface" (1932) de Howard Hawks ou "Le Faucon Maltais" (1941) de John Huston. Dans des rôles plus secondaires citons encore Hal Baylor apparu dans "Nous avons gagné ce Soir" (1949) de Robert Wise ou "Prince Vaillant" (1954) de Henry Hathaway, Don Beddoe vu dans "La Captive aux Yeux Clairs" (1952) de Howard Hawks ou "Une Etoile est née" (1954) de George Cukor et qui retrouvera juste après Mitchum dans le monument culte "La Nuit du Chasseur" (1955) de Charles Laughton, John Doucette habitué du western avec entre autre "La Fléche Brisée" (1950) de Delmer Daves ou "Le Train sifflera Trois Fois" (1952) de Fred Zinnemann, Arthur Shields acteur fidèle de John Ford dans plusieurs films entre "Révolte à Dublin" (1936) et "L'Homme Tranquille" (1952), Will Wright vu dans "L'Equipée Sauvage" (1953) de Laszlo Benedek, "Johnny Guitar" (1954) de Nicholas Ray et qui retrouve Marylin également après le magnifique Film Noir "Niagara" (1953) de Henry Hathaway... Le film s'ouvre dans une ville en pleine effervescence sous les effets de la soif de l'or, puis arrive Kay/Monroe sublimissime qui entonne "One Silver Dollar" dans une tenue cabaret. Une dose de charme dans un milieu viril et vicié. La photographie sous les effets du CinemaScope et du Technicolor fait merveille, Marylin est alors au sommet de sa beauté mais on va vite constater qu'elle confirme aussi juste après "Niagara" (1953) qu'elle est aussi une actrice de talent.

Le film est reste un western qui se détache un peu des classiques du genre, pas de Outlaws, pas de grande chevauchée, pas de bataille rangée, pas de Monument Valley ou de séquences contemplatives sur les grandes plaines... Mais une vraie chanteuse de saloon, peu de personnages, une nature sauvage qui fait écho à la sensualité de Marylin et surtout un radeau de fortune et une rivière déchaînée. L'actrice est mise à contribution au point où elle effectue elle-même ses cascades manquant de se noyer deux fois dont une sauvée par Mitchum lui-même. L'actrice joue la femme artiste mais on décèle par moment cette petite lueur de mélancolie qui donne de la densité à son personnage. L'actrice prouve encore qu'elle peut jouer autre chose que les filles niaises, immatures ou superficielles. Elle en profite pour chanter quelques chansons, après "One Silver Dollar", il y a "I'm Gonna File my Claim", "Down in the Meadow" et surtout "River of No Return", des titres écrits et composés par Ken Darby et Lionel Newman qui feront encore plus sensation en signant un peu plus tard la chanson "Love Me Tender" pour Elvis Presley pour le film "Le Cavalier du Crépuscule" (1956) de Robert D. Webb. Le lien entre la nature et la sensualité de la star apporte également une atmosphère assez unique dans le genre. Le personnage de Calder/Mitchum n'est pas en reste, où comment un héros à l'américaine explique qu'on peut tirer dans le dos ! L'homme semble aussi brisé, mêlant un sentiment de honte à des principes moraux forcément fragiles. Ce western trop souvent sous-estimé mérite qu'on s'y attarde, un grand classique à conseiller, à voir et revoir.

Note :    

19/20