L’ENFER DES ARMES (Critique)

Par Cliffhanger @cliffhangertwit

SYNOPSIS : Hong-Kong, 1980. Une jeune fille pousse trois étudiants, responsables d'un meurtre, dans une dérive meurtrière et nihiliste.
Troisième film de la carrière du réalisateur hongkongais Tsui Hark, et déjà matriciel du reste de sa carrière par sa violence sans retenue et son nihilisme confondant, L'Enfer des Armes est de ces films aux histoires semées d'embuches, l'original s'étant vu censuré à sa sortie par les autorités à cause de ses apparences explicites avant de s'installer lentement comme un classique à l'international et comme l'un des mouvements les plus importants de la naissance de la " Nouvelle Vague hongkongaise ". Tsui Hark y raconte le parcours d'un trio de lycéens, chemises blanches et grosses lunettes sur le nez. Paul, Lung et Ko ont des têtes de premiers de la classe, du moins en apparence, et s'embarquent dans une spirale de chaos lorsqu'ils tombent sur la jeune et sadique Wan-Shu. Cette dernière les oblige, sous la menace de les dénoncer à la police pour un crime qu'ils ont commis devant elle, à l'accompagner dans une série de méfaits de plus en plus violents, alors que son frère, flic impulsif, mène l'enquête sur des trafiquants d'armes américains suspectés d'être liés à des attentats...


Au croisement des genres, L'Enfer des Armes est un objet cruel non identifié, une plongée ténébreuse à travers un Hong-Kong qui préfigure un proto-GTA, où les prises d'otage, les attentats, les meurtres de sang-froid et les règlements de comptes entre gangs sont monnaie courante. En plaçant au centre de cet univers sans foi ni lois un trio de lycéens et une jeune adolescente, le metteur en scène et co-scénariste du film (écrit avec Szeto Chuek-hon) tend à scanner la jeunesse de son pays, l'absence de l'innocence dès la scène d'ouverture, et le climat de violence qui règne après les émeutes antigouvernementales de 1967 - ce sont d'ailleurs des photos d'archives qui concluent le film. Sans se la jouer donneur de leçon ou militantisme distingué, L'Enfer des Armes fait sombrer ses protagonistes et son intrigue dans une cavalcade furieusement punk, percée de toute part par un nihilisme radical et une représentation constante de l'ultraviolence.

On y suit ce trio de jeunes ravagés, cette Wan-Shu qui, quand elle ne torture pas des animaux à mort, joue avec des explosifs, ce Tan, flic pas vraiment modèle d'autorité, et ces fameux antagonistes occidentaux, des américains/britanniques écrits comme des clichés de méchants de James Bond, aux lunettes de soleil et aux jeux gonflés aux mauvais films de gangsters. Cette spirale de violence sans fin, se fermant sur une fusillade radicale qui ne laisse personne indemne (et qui, ironiquement, se déroule dans un cimetière), plie le long-métrage vers ses ambitions provocatrices et ses embouchures sans morales. Hong-Kong filmée comme un enfer sur Terre peuplé d'âmes damnées, L'Enfer des Armes joue sur de multiples tableaux, avec des plans secs, bruts de décoffrage, et un montage palpitant qui ne s'embête pas à chercher une quelconque beauté formelle. Tout est de travers, instable, parfois flou et parfois mal cadré, dans l'optique d'accompagner la chute progressive de ses héros, condamnés à finir au cimetière eux aussi. Tout est sans espoir, tout en nuances de gris, au service d'un western urbain qui se déguise en réquisitoire social et en flinguage de gangsters.


Habité par les visages de Albert Au, Lung Tin Sang et Che Biu Law, et accompagnés par Lieh Lo et Lin Chen-Chi, L'Enfer des Armes est un objet troublant et foncièrement troublé, un bâton de dynamite à la mèche allumée qui secoue par son imprévisibilité et par sa volonté de secouer le style classique de narration au sein du cinéma asiatique. Tsui Hark emballe l'image du chaos dans une œuvre comme aucune autre, aussi insaisissable qu'elle est un peu gratuite, qui expose son imagerie punk et sa non-morale nihiliste avec une fougue hors des sentiers battus. Révolutionnaire autant qu'il est fabriqué de bouts de ficelle, L'Enfer des Armes est de ces blocs bruts et abrasifs qui contaminent leur public, œuvrant contre la morale pour fabriquer un anti-monde où la violence règne en maîtresse. Donc pas si loin d'un monde qui n'a pas beaucoup changé depuis 1980...

Titre Original: DI YI LEI XING WEI XIAN

Réalisé par: Tsui Hark

Genre: Action, Policier, Thriller

Sortie le: 30 juillet 1985

Reprise le : 07 février 2024

Distribué par: Splendor Films

TRÈS BIEN