La fille au vautour

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Artus Films pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « La fille au vautour » de Hans Steinhoff.

« Regarde ton vautour : c’est lui qui te porte malheur ! »

1840, dans les Alpes du Tyrol, la jeune et jolie Wally est la fille unique d’un fermier. Elle travaille comme un homme pour aider son père et passe son temps libre dans les montagnes, tentant d’apercevoir Joseph, un chasseur, qu’elle aime en secret. Un jour, elle parvient à capturer un vautour, ce qui provoque le mépris de Joseph et l’admiration de son père. Ce dernier veut alors la marier à Vinzenz, un fermier voisin. Wally refuse et, chassée par son père, se réfugie dans les montagnes où elle va vivre avec son vautour.

« Tu appelles ça vivre ? Je préfère mourir de faim que de rester vivre ici ! »

Principalement spécialisé dans l’exploration du cinéma bis européen, l’éditeur Artus Films nous surprend en ce printemps 2023 en nous proposant de découvrir deux films allemands tournés et produits au début des années 40, en pleine période nazie : « La ville dorée » de Veit Harlan (1942) et « La fille au vautour » de Hans Steinhoff (1940). Ce dernier, qui débuta sa carrière de réalisateur dès le début des années 20 (il dirigea même en France le débutant Jean Gabin pour sa première apparition dans « Chacun sa chance » en 1930), devint au cours de la décennie suivante un nazi convaincu et l’un des principaux cinéastes à la solde du régime. Il s’illustre d’ailleurs tristement en réalisant des films de propagande à la gloire du régime nazi (« Le jeune hitlérien Quex » en 1933) et de son impérialisme belliciste (« Le président Krüger » en 1941). A l’instar du régime hitlérien, il disparaitra dans les derniers jours de la guerre, en tentant de fuir Berlin assiégée.

« Qui succombe au péché : moi à cause des autres ou les autres à cause de moi ? »

En 1940, il tourne ainsi « La fille au vautour », adaptation du roman éponyme (1875) de l’auteure allemande Wilhelmine Von Hellern, qui avait déjà donné lieu à un opéra signé Alfredo Catalani. Une fresque rurale (et même plutôt tyrolienne) pittoresque dans laquelle une jeune femme au tempérament affirmé se dresse contre son père afin de pouvoir épouser celui qu’elle aime plutôt que celui que l’on veut lui imposer par intérêt. A l’évidence, le film s’inscrit totalement dans le registre des Heimatfilm – littéralement films sur le terroir – qui seront très en vogue dans les pays germaniques des années 40 jusqu’aux années 60. Des films qui rappellent l’importance des racines « terriennes » du peuple allemand en opposant la simplicité et la pureté séculaire de la campagne à la corruption et à la débauche qui sont l’apanage des villes. Un thème que l’on retrouve d’ailleurs également dans « La ville dorée » de Veit Harlan. Si le thème et l’ambiance du film peuvent paraitre quelque peu vieillots, le scénario a néanmoins le mérite de mettre en valeur une héroïne courageuse et déterminée à prendre en main son destin en s’affranchissant des règles dictées par son père et en s’efforçant de se montrer toute aussi valeureuse que les hommes (en allant chercher le vautour notamment). Ce qui parait étonnement novateur et à contre-courant d’un pays et d’un régime très conservateurs et profondément attachés aux valeurs traditionnelles dont le patriarcat est l’une des pierres angulaires. Ce qui est plus gênant, en revanche, c’est l’image quasi innocente et champêtre qui est faite de l’Allemagne profonde qui attend le bal populaire alors que la guerre bat son plein, que son armée écrase les pays voisins et que les persécutions des minorités ont déjà commencé. Un peu comme si, quelque part, on détournait l'attention du peuple en lui chuchotant que tout va bien et qu'il ne se passe rien de grave. Forcément déroutant, même si visuellement, l’ensemble est plutôt réussi.

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Le blu-ray : Le film est présenté en version intégrale, dans un Master restauré 2K. Il est proposé en version originale allemande (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné de « La belle et la bête » : présentation de Bertrand Lamargelle (12 min.) ainsi que d’un diaporama (2 min.).

Édité par Artus Films, « La fille au vautour » est disponible en combo blu-ray + DVD depuis le 2 mai 2023.

Le site Internet d’Artus Films est ici. Sa page Facebook est ici.