Le destin d'un homme

Par Platinoch @Platinoch

Un grand merci à Rimini Éditions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « Le destin d’un homme » de Sergeï Bondartchouk.

« Quand je t’ai vu, je me suis dit qu’on pourrait fumer une cigarette ensemble : qu’on fume ou qu’on crève seul, de toutes façons, c’est le même tabac »

Un homme, épuisé, marche dans la campagne, accompagné d’un jeune garçon. Faisant la rencontre chemin faisant d’un voyageur, il lui raconte combien il a été accablé par le poids du malheur que la guerre lui a infligé. Et comment la sérénité de son existence a été emportée par l’horreur de la vie au front. Prisonnier, il a vécu les souffrances inhumaines des camps allemands: il a été astreint au travail forcé et soumis aux pires sévices. Il a cependant échappé à la mort, s’est évadé, est parvenu à rejoindre l’Armée rouge. Mais a appris à son retour que sa famille a été décimée sous les bombes. Pourtant, l’homme manifeste encore sa foi en la vie: il adopte un orphelin de guerre.

« Y’a des nuits tu ne dors pas, le regard dans le vide. Et tu te demandes pourquoi la vie est crasse comme ça. Pourquoi j’ai tant souffert ? »

Aucun pays n’aura sans doute payé de plus lourd tribut lors de la Seconde guerre mondiale que l’Union soviétique : plus de vingt millions de morts (avoués), victimes pour la plupart de la barbarie nazie et d’une double haine viscérale envers les populations slaves et le communisme. La victoire de l’armée rouge, le 9 mai 1945, deviendra donc logiquement une sorte de mythe fondateur pour cette jeune nation fédérale née dans le chaos et le sang. Et, plus cyniquement, un outil de propagande patriotique permettant à ses dirigeants de détourner l’attention du peuple des problèmes politiques et économiques qui secouent continuellement le pays. Moins visibles sur nos écrans que les grandes fresques de guerre hollywoodiennes, le sujet nourrira cependant abondement la production cinématographique soviétique, donnant lieu à d’authentiques chefs d’œuvres, tels que « Quand passent les cigognes » (Kalatozov, 1957) « La ballade du soldat » (Tchoukhraï, 1959), « Les vivants et les morts » (Stolper, 1964) ou encore, plus tard, le traumatisant « Requiem pour un massacre » (Klimov, 1985). C’est dans ce contexte que sort en 1959 le film « Le destin d’un homme », première réalisation du comédien Sergeï Bondartchouk, qui deviendra plus tard mondialement célèbre (et oscarisé) pour sa monumentale adaptation de « Guerre et paix ». Il adapte ici le roman éponyme de Mikhaïl Cholokhov, auteur dont il adaptera douze ans plus tard un autre roman, à savoir « Ils ont combattu pour la patrie ».

« Chien qui veut mordre n’aboie pas »

Est-ce que l'homme est condamné par (sa) nature à devoir endurer les pires châtiments? Et peut-il survivre aux pires souffrances ? Telles sont les questions soulevées au cœur du film « Le destin d'un homme ». Construit en un long flashback, on y suit le parcours d'un brave moujik russe, arraché a son existence paisible d'honnête travailleur et de bon père de famille pour aller défendre la mère patrie soviétique contre l'agresseur nazi. Un long voyage au bout de la nuit au cours duquel il endurera les pires épreuves: la peur, la violence des combats, la rudesse de la captivité, les assassinats sommaires et sauvages, et, surtout la perte de toute sa famille, massacrée lors d’un raid adverse. Mais le cinéaste veut croire au triomphe du courage (formidable scène du concours de vodka face a un officier allemand cruel) et à la survivance d'une part d'humanité en chacun (l'adoption d'un jeune orphelin) qui permettent aux hommes de surmonter les pires atrocités et de redonner bon an mal an un sens à leur vie. On l'aura compris, le film est avant tout une œuvre de propagande, louant la résilience et la bravoure du peuple soviétique pourtant martyrisé durant la grande guerre patriotique. Production étatique oblige, le film se garde en revanche bien d'évoquer les exactions soviétiques, y compris envers leurs propres soldats (les prisonniers ayant pour beaucoup été considérés comme des déserteurs et des traitre à la patrie ; le héros ne passant outre les châtiments que grâce à ses multiples tentatives d'évasion et à ses actes de bravoure). Cela étant dit et intégré a la grille de lecture, « Le destin d'un homme » n'en reste pas moins un beau film pacifiste et lyrique, formidablement interprété, qui dénonce la guerre dans tout ce qu'elle a de plus laid, de plus sombre et de plus abominable.

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Le DVD : Le film est présenté dans un Master restauré en Haute-Définition et proposé en version originale russe (2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.

Côté bonus, le film est accompagné de « Le Destin d’un réalisateur » : interview de Joël Chapron, spécialiste du cinéma russe et soviétique (2022, 22 min.).

Édité par Rimini Éditions, « Le destin d’un homme » est disponible en combo blu-ray + DVD édition limitée depuis le 18 janvier 2023.

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