Inchallah un fils

Inchallah fils2023: le cinéma jordanien montait les marches à Cannes
 

Le titre de ce premier film Jordanien ayant monté les marches à Cannes sonne comme une prière ; si seulement je pouvais avoir un fils. Nawal est une jeune trentenaire infirmière à Amman, mère d’une fillette, qui va voir sa vie et ses certitudes bousculées par la mort brutale de son mari. Elle s’aperçoit alors, n’ayant pas de fils, que la moitié de ses biens doivent aller à sa belle-famille. Vendre son appartement pour restituer l’héritage de son mari à sa belle-famille va la mettre à la rue elle et sa fille. Pas tout à fait, c’est plus pervers, car la morale prévoie que la famille lui apporte assistance ; elle devrait donc se retrouver plutôt chaperonnée, elle qui pourtant est financièrement autonome ; ou alors se remarier. Mais en mère courage qu’elle est, elle va se battre contre cette société patriarcale qu’elle découvre afin de garder sa liberté. Mouna Hawa est tout simplement éblouissante dans ce rôle central de mère courage ; elle porte en partie à bout de bras le film comme Asghar Farhadi le fait parfois en donnant les rennes à des actrices magnétiques dans ses films. Et ce n’est pas le seul parallèle que l’on peut faire avec le maitre persan ; Amjad Al Rasheed pour son premier long métrage, à la mise en scène certes convenue, élabore un crescendo du suspense et de la tension donnant un dynamisme romanesque à son film ; s’éloignant ainsi des codes du docu fiction. A part un final en forme de happy end très maladroit, il évite tous les écueils programmatiques de son sujet ; j’ai eu peur à plusieurs reprises de certaines orientations scénaristiques possibles, il a à chaque eu l’intelligence de prendre un chemin de traverse. Cependant dans son film aucun homme n’est à sauver, à part peut-être le collègue kiné ; le frère est lâche, le beau-frère vénal,… Cependant j’ai découvert que le régime jordanien est un régime de droit, peu favorable aux femmes, mais le rappel à la loi est bien visible à plusieurs occasions. Le réalisateur n’épargne personne et ne fait pas de l’Islam le bouc-émissaire, et c’est très malin. En miroir de l’histoire personnelle de Nawal, nous allons découvrir le même poids des traditions dans une famille chrétienne jordanienne. Les salons feutrées de la bourgeoisie nationale se révèlent aussi castrateurs pour les femmes ; islam ou chrétienté même combat, même sanction.

Plus qu’un film exotique et informatif, c’est une vraie immersion jordanienne très prenante ; un joli récit de survie, d’émancipation, d’espoir et de lutte contre le poids des traditions. Un des bons films de ce début d’année.

Sorti en 2024
Ma note: 15/20