Nouveau long métrage après "Terre Battue" (2014), "Allons Enfants" (2018) et surtout le remarqué "La Fille au Bracelet" (2020) pour Stephane Demoustier qui s'inspire librement du double assassinat de l'aéroport de Bastia en 2017 (en savoir un peu plus ICI). Mais plus que l'association de malfaiteurs et des meurtres le cinéaste s'est surtout intéressée à la gardienne pénitentiaire : "La matonne avait eu à désigner "la cible" alors qu'elle arrivait à l'aéroport de Poretta, tâche dont elle s'est acquittée en donnant un baiser à la future victime. J'ai souhaité m'inspirer des faits réels tout en prenant le parti de créer des personnages de fiction à 100% en laissant de côté le point de vue des criminels et concentrant mon récit sur le destin d'une surveillante pénitentiaire." Le réalisateur-scénariste co-écrit son scénario avec la collaboration de Pascal Garbarini, avocat proche des nationalistes corses qui jouait justement un avocat dans "La Fille au Bracelet" (2020), et qui a depuis porté sa robe également dans "Enquête sur un Scandale d'Etat" (2021) de Thierry De Peretti et "Mascarade" (2022) de Nicolas Bedos... Melissa, jeune surveillante pénitentiaire de 32 ans s'installe en Corse avec son époux et ses deux enfants. L'occasion d'un nouveau départ. Elle intègre un nouveau poste dans un centre pénitentiaire proche de Bastia mais qui n'est pas tout à fait comme les autres puisque les détenus sont tous corses. On la prévient ici ce sont les prisonniers qui surveillent les gardiens. L'intégration se passe très bien, facilitée par Saveriu, jeune détenu qui semblent particulièrement influent qui la place sous sa protection. Mais une fois libérée, Saveriu reprend contact avec Melissa...
Melissa est incarnée par Hafsia Herzi vue récemment dans "Trois Nuits par Semaine" (2022) de Florent Gouëlou, "La Gravité" (2022) de Cédric Ido et "Le Ravissement" (2023) de Iris Kaltenbäck. Saveriu est incarné par un inconnu, Louis Memmi remarqué dans quelques courts métrages dont "Souvenir d'une Après-Midi d'Eté" (2021) de Benoît Bouthors ou "Un Animal" (2023) de Kevin Lemita. L'époux est joué par Moussa Mansaly vu dans "Placés" (2022) de Nessim Chikhaoui et "Le Marchand de Sable" (2022) de Steve Achiepo, et retrouve après "Pétaouchnok" (2022) de Edouard Deluc son partenaire Pablo Pauly vu entre autre dans "On sourit pour la Photo" (2022) de François Uzan et "Et plus si Affinités" (2024) de Olivier Ducray et Wilfried Meance, puis citons Michel Frau vu dernièrement dans "Mon Crime" (2023) de François Ozon et "Les Secrets de la Princesse de Cadignan" (2023) de et avec Arielle Dombasle, Florence Loiret-Caille vue dans "Les Jeunes Amants" (2022) de Carine Tardieu, "Le Syndrome des Amours Passées" (2023) de Ann Sirot et Raphaël Balboni et "La Tête Froide" (2023) de Stephane Marchetti, puis enfin Cédric Appietto vu notamment dans "Une Fille Facile" (2019) de Rebecca Zlotowski, "Annie Colère" (2022) de Blandine Lenoir ou "Le Retour" (2023) de Catherine Corsini... Si le film s'inspire de faits réels la production a soigneusement placé un encart en début de film pour bien insister sur le fait que c'est un film de fiction. Judicieux tant trop de films font le contraire en se vantant d'être "historiques", mais pourtant on saluera, si ce n'est la véracité des faits, le soin particulier à l'authenticité. Notamment rappelons que l'unité 2 de la prison est véridique comme l'explique le cinéaste : "Elle fonctionne en régime ouvert et elle a la spécificité de n'accueillir que des corses. On dit qu'à Borgo la rivalité des bandes est mise de côté le temps de l'incarcération. Tout comme l'on dit aussi - comme le précise un moment la directrice, jouée par Florence Loiret-Caille, citant un article de presse - là-bas "ce sont les détenus qui surveillent les gardiens et non l'inverse." Beaucoup d'anecdotes m'ont été racontées sur les usages de cette prison, tout n'a pas pu figurer dans Borgo."
Le film débute avec l'arrivée de Melissa à l'Unité 2 et sa présentation aux détenus. On a un peu de mal à croire qu'elle est une matonne expérimentée au départ, et ensuite on peut se poser des questions quand elle accepte trop vite et trop facilement des rapprochements. Elle semble ainsi prédisposée à une certaine séduction de la part des corses. Saveriu, le jeune corse joue à plein sur cette faille psychologique, petit à petit il s'impose à l'insu de son plein gré et Melissa est bientôt prise dans un engrenage qu'elle peut arrêter mais qu'elle n'essaie pas de freiner non plus. On est fasciné par la mécanique mise en place comme un piège dont finalement il est de toute façon compliquée d'en sortir alors que, pourtant, la perche lui est tendue souvent pour qu'elle puisse dire non. Melissa semble sous emprise mais elle semble aussi le désirer plus ou moins inconsciemment (la déontologie professionnelle n'existe a priori plus). On est un peu dans une variation du syndrome de Stockholm. Le montage est judicieux, mêlant l'enquête qui se déroule a posteriori, à l'histoire de Melissa qui va la mener au drame. Le scénario est implacable, parfaitement écrit et maîtrisé et on est plutôt d'accord avec la tagline de l'affiche signée du Figaro : "Le meilleur polar carcéral depuis Un Prophète", au détail près que la tension est moins palpable ici, et que la fin est un peu facile dans le sens où il y aurait tout de même des conséquences ne serait-ce que du point de vue professionnelle. En conclusion une histoire prenante, une immersion chez les corses probante et prenante qui mérite le détour.
Note :