Dans l’esprit, le script du premier long-métrage de Shane Atkinson ressemble beaucoup au Fargo des frères Coen. On y retrouve le même ton, oscillant constamment entre humour grinçant, drame et film noir classique, et le même genre de personnages hauts en couleurs, pauvres types embringués dans une histoire qui les dépasse, femmes fatales sur le retour et tueurs monolithiques.
Mais si LaRoy s’inscrit dans la lignée de Fargo, il lui manque toutefois ce petit quelque chose en plus, ce grain de folie, qui faisait le prix du film et presque davantage de la série qui en a été tirée. Ceux-ci reposaient sur des scénarios finement ciselés, entraînant les personnages dans un engrenage infernal dont ils ne pouvaient pas sortir indemnes, chacune de leurs actions ayant des conséquences funestes ou entraînant d’autres catastrophes. Ici, la progression du scénario est plus linéaire. Atkinson essaie bien de ménager quelques surprises et retournements de situation, mais on devine assez facilement que le récit converge vers un affrontement entre Ray et Skip, les apprentis bad boys, et Harry, le tueur professionnel.
Du coup, l’intrigue ronronne un peu trop, et comme le rythme du film est volontairement assez lent, on peut être tenté de décrocher.
On aurait aimé que l’oeuvre soit entièrement construite sur le même modèle que sa séquence d’ouverture, assez savoureuse. On y voit un homme s’arrêter pour prendre en stop un type en panne au bord d’une route isolée, en pleine nuit. Un dialogue s’initie entre le conducteur et le passager. Le premier avoue au second qu’il a hésité à s’arrêter, car on ne sait jamais trop sur qui on peut tomber sur ces routes isolées. Le second lui confirme qu’il a bien fait de se méfier, car il pourrait très bien être un tueur qui lui a tendu un piège. Moment de malaise qui se prolonge jusqu’à ce que le passager dise qu’il plaisantait. Puis le conducteur reprend la main en taquinant son invité, laissant entendre qu’il pourrait lui aussi lui avoir tendu un piège…
Joli moment, entre comédie noire et thriller glaçant, mettant en scène des personnages ambivalents et complexes. Malheureusement, la suite du film ne retrouve jamais totalement cet équilibre et ce côté imprévisible.
Pour autant, il convient de reconnaître que ce cocktail de comédie, drame et film noir tient plutôt bien la route, et que, pour une première réalisation, le cinéaste montre déjà une certaine maturité, notamment dans la direction d’acteurs. Le résultat laisse présager d’un bel avenir pour son auteur. Sa carrière commence déjà bien, puisque LaRoy a triomphé lors du dernier Festival du Film Américain de Deauville, où il a remporté le Grand Prix, le Prix de la Critique et le Prix du Public.
LaRoy
LaRoy, Texas
Réalisateur : Shane Atkinson
Interprètes : John Magaro, Steve Zahn, Dylan Baker, Megan Stevenson
Genre : Fargo-like
Origine : Etats-Unis
Durée : 1h52
Date de sortie France : 17 avril 2024
Contrepoints critiques :
”[LaRoy] réussit surtout le pari de nous faire rire de la tragédie des mœurs américaines, tout en distillant une leçon de vie sur la façon dont ce risible individualisme efface dangereusement les frontières entre bien et mal. “
(Frédérique Lambert – Culturopoing)
”Le premier long-métrage de Shane Atkinson est grinçant, drôle, cruel, parfois hilarant. Sans doute est-il un peu trop prisonnier de sa volonté de rendre hommage au cinéma des frères Coen, ce qui implique un surplomb sur les protagonistes, tous, ou presque, réduits à des caricatures de ploucs.”
(Jean-François Rauger – Le Monde)
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