Alors qu'il était la nouvelle coqueluche de Hollywood après "Le Canardeur" (1974) et surtout "Voage au Bout de l'Enfer" (1978), Michael Cimino réussit l'exploit de signer un nouveau chef d'oeuvre avec "La Porte du Paradis" (1980) mais qui va malheureusement ruiner les studios United Artists. Si le statut du film sera assuré par la postérité à l'époque le film est un échec et pousse le réalisateur vers plusieurs années de purgatoire. Le réalisateur choisit un projet brûlant alors que la Mafia est alors encore toute puissante à New-York et que la guerre des gangs à Chinatown est à son apogée de la violence dans les années 80. Il choisit alors comme projet l'adaptation du roman éponyme (1981) de Robert Daley, auteur déjà porté à l'écran avec "Le Prince de New-York" (1981) de Sidney Lumet, réalisateur qui signera ensuite du même auteur "Dans l'Ombre de Manhattan" (1996). Le scénario est écrit par le scénariste des succès "Midnight Express" (1978) de Alan Parker, "Conan le Barbare" (1982) de John Milius ou "Scarface" (1983) de Brian De Palma, un certain Oliver Stone qui passera derrière la caméra ensuite avec les succès surprises "Salvador" (1986) et "Platoon" (1986). Pour se relancer Michael Cimino a reç le soutien de poids du nabab Dino De Laurentiis, producteur puissant auquel on doit entre autre "La Strada" (1954) de Federico Fellini, "Waterloo" (1970) de Sergueï Bondartchouk, "Mandingo" (1975) de Richard Fleischer ou "Dead Zone" (1983) de David Cronenberg. Un producteur qui a pris un risque pas anodin en faisant confiance à un réalisateur devenu paria à Hollywood, et avec un projet qui ne manquera pas de critiques notamment sur un supposé propos raciste envers la communauté asiatique... Alors qu'une vague de violence sans précédent s'abat sur Chinatowan, le capitaine Stanley White, figure la plus décorée de la police de New-York mais très contestée, est muté en charge de Chinatown afin de rétablir la paix dans le secteur. Mais alors qu'il met le pied dans une fourmilière où chinois et police ont une entente tacite depuis des décennies il se bat pour couper la tête des Triades que tout le monde semble prendre pour des légendes...
Le capitaine Stanley White est incarné par Mickey Rourke qui retrouve le réalisateur après son apparition dans justement "La Porte du Paradis" (1980) et qu'il retrouvera pour "La Maison des Otages" (1990), mais il n'est pas encore une star malgré quelques seconds rôles remarqués dans "La Fièvre au Corps" (1981) de Lawrence Kasdan ou "Rusty James" (1983) de Francis Ford Coppola, il faudra en effet attendre encore un certain "9 Semaines 1/2" (1986) de Adrian Lyne, et retrouvera dans "L'Irlandais" (1987) de Mike Hodges et "Barfly" (1987) de Barbet Schroeder son partenaire Leonard Termo vu auparavant dans "Cotton Club" (1984) de Francis Ford Coppola. Les Parrains de la Triade sont le jeune John Lone alors quasi inconnu après une apparition dans "King Kong" (1976) de John Guillermin et surtout des figurations à la télévision avant de devenir une star surtout avec "Le Dernier Empereur" (1987) de Bernardo Bertolucci dans lequel il retrouvera ses partenaires Victor Wong et Dennis Dunn qui eux-mêmes se retrouveront dans "Les Aventures de Jack Burton dans les Griffes du Mandarin" (1986) et "Princes des Ténèbres" (1987) tous deux de John Carpenter. La journaliste est jouée par Ariane Koizumi mannequin dans son premier rôle qu'on reverra dans "The King of New-York" (1990) de Abel Ferrara dans lequel elle retrouvera aussi Joey Chin vu dans "China Girl" (1987) également de Abel Ferrara. Citons ensuite Raymond J. Barry vu dans "Adieu, je reste" (1977) de Herbert Ross ou plus tard dans "Chute Libre" (1993) de Joel Schumacher et "Training Day" (2001) de Antoine Fuqua et retrouvera dans "Né un 4 Juillet" (1989) de Oliver Stone l'actrice Caroline Kava qui retrouve de son côté le duo Cimino-Rourke après "La Porte du Paradis" (1980), et enfin n'oublions pas Eddie Jones qui retrouve l'univers du romancier après "Le Prince de New-York" (1981) de Lumet, puis Gerald L. Orange qui retrouvera Mickey Rourke dans "Angel Heart" (1987) de Alan Parker... Notons que le tournage n'a pas vraiment eu lieu dans le Chinatown de New-York, trop compliqué au niveau organisation et autorisation de tournage, le quartier fut entièrement recréé dans les studios de la North Carolina Film Corporation en Caroline du Nord justement fondé par Dino De Laurentiis. Le début du film entre dans le vif du sujet en mêlant en quelques minutes tous les paramètres du film : des funérailles emblématiques, un meurtre, une journaliste pleine d'abnégation, une police aveugle, un jeune caïd aux dents longues aux côtés des vieux sages des Triades et surtout l'arrivée impromptue d'un nouveau chef de la police de Chinatown. 10mn d'effervescence et de tensions et de violences autant physiques que psychologiques qui se démarquent des autres films policiers contemporains par sa noirceur et son pessimisme. Si le capitaine Stanley White est décrit comme un flic décoré, incorruptible et aux méthodes non conventionnelles il est pourtant loin d'être un équivalent par exemple de "L'Inspecteur Harry" (1971-1988) ; s'il est le flic le plus décoré de la police de New-York c'est qu'il est un minimum un flic droit et professionnel, s'il est violent c'est quand il est surtout poussé à bout sinon il use surtout de l'intimidation et s'impose par son incorruptibilité tandis que son racisme (bien symbolisé par son nom !) spécialement anti-asiatique de par son passé au Viêtnam reste une menace insidieuse pour la communauté chinoise connue pour sa discrétion et sa réserve.
D'ailleurs la mission de Stanley White est de faire aucune concession, ce qui est en quelque sorte annonciatrice de la future politique Zéro tolérance qui sera mise en place à New-York dans les années 90. Mais à y regarder de plus près personne n'est tout blanc ou tout noir dans cette histoire. Les collègues policiers sont soit corrompus, soit juste volontairement aveugles vivotant tranquillement en attendant le retraite, le jeune caïd de la Triade rappelle aussi que les Triades investissent dans les bonnes oeuvres et gèrent leur délinquant, la journaliste rappelle aussi que son travail s'apparente parfois à être un simple charognard, prête à tout pour un scoop, tandis que Stanley White est prêt au sacrifice même celle des autres. Dans la première partie White veut changer les choses, mettre réellement un coup de pied dans la fourmilière et nettoyer proprement la ville jusque dans les rangs gangrénés de sa police, sa violence devient exacerbée puis incontrôlable à partir du moment où le caïd chinois se risque à s'attaquer à celles qu'il aime. La mise en scène de Cimino suit ainsi l'évolution de son personnage. Un flic sous tension qui se retrouve dans un Chinatown sous ébullition, un mélange forcément dangereux, une caméra nerveuse qui semble vouloir être partout dans la foule. Puis le flic devient comme un chien fou et cette fois la caméra s'attarde moins sur la foule que sur l'objectif du policier. Le scénario est implacable, direct et précis au point qu'il pourrait tout à fait être inspiré de faits réels. Le face à face Rourke-Lone est solide avec en prime un duel culte façon western urbain. Au vu du film on se dit qu'il aurait pu être une fresque d'une ampleur plus dense à la façon d'un "Scarface" (1983) ou d'un "il était une Fois en Amérique" (1984) de Sergio Leone mais les moyens étant cette fois limité son film sera limité à "seulement" 2h14. Néanmoins, malgré encore un succès mitigé le film reste un nouveau chef d'oeuvre à voir et à conseiller.
Note :
19/20