Après son premier long métrage "Le Septième Continent" (1989) le réalisateur-scénariste autrichien Michael Haneke continue à explorer ses thématiques de la violence "normale" et/ou banalisée et signe ainsi le le second film de sa trilogie parfois intitulée "Trilogie de la glaciation". Le film est interdit au moins de 16 ans... Benny, adolescent au sein d'une famille bourgeoise s'est enfermé dans la solitude et ne communique pas franchement avec des parents absents. Pour s'acheter une paix "sociale et familiale" les parents offrent à leur fils tout un matériel de vidéo dont il devient passionné. Un jour il rencontre une jeune fille et l'invite chez lui. Il assassine froidement son amie sous l'objectif de sa caméra...
L'adolescent est incarné par Arno Frisch dans son premier rôle vu ensuite dans "Sentimental Education" (1998) de C.S. Leigh, "Blackout Journey" (2004) de Siegfried Kamml ou "Prelude" (2019) de Sabrina Sarabi, et retrouvera Haneke pour "Funny Games" (1997) retrouvant également son "père" alias Ulrich Mühe vu dans "La Toile d'Araignée" (1989) de Bernhard Wicki, "Le Château" (1997) téléfilm de Haneke, "Amen" (2002) de Costa Gravas ou surtout "La Vie des Autres" (2006) de Florian Henckel Von Donnersmarck, la maman est jouée par Angela Winkler vue dans "Scènes de Chasse en Bavière" (1969) de Peter Fleischmann, "Le Tambour" (1979) de Volker Schlöndorff, "Danton" (1983) de Andrezj Wajda ou plus récemment "Sils Maria" (2014) de Olivier Assayas ou "Suspirira" (2018) de Luca Guadagnino. La jeune fille est jouée par Ingrid Stassner pour son premier et unique rôle au cinéma. Citons aussi les débutants Christian Pundy et Max Berner, puis Hanspeter Müller vu ensuite dans "Pleine Lune" (1998) de Fredj Murer, "Jeune Homme" (2006) de Christoph Schaub, "Duel au Sommet" (2008) de Philipp Stölzl ou "Vole Petit Poisson" (2011) de Güzin Kar... Le film débute d'emblée avec une image choquante, une vidéo façon documentaire en live action qui fait détourner le regard. Alors que dans son premier film et son prochain d'ailleurs, le réalisateur commence avec un plan fixe qui semble anodin ou inoffensif cette fois il marque les esprits dès les premières secondes avec une violence automatisée et inhumaine. Ainsi Haneke impose sa thèse en quelques secondes, la violence plus ou moins gratuite et surtout la force des images qui déshumanise les effets directs de la violence. Ensuite le réalisateur reprend son canevas naturaliste, un quotidien routinier qui est cette fois celle d'un ado assez solitaire qui se passionne pour la vidéo. A priori rien de dangereux ou de malsain, juste une passion, un lobby qui va lui permettre aussi de faire connaissance d'une camarade. Quand on sait les thématiques de prédilection du cinéaste, d'autant plus quand on connaît le drame final on se dit qu'effectivement il y avait des indices avant coureur chez Benny/Frisch. Ce qui peut paraître surprenant est le choix du réalisateur-scénariste d'arriver au "meurtre accidentel" assez rapidement, un meurtre qui reste intéressant dans la façon qu'il est traité lors des faits mais aussi dans le comportement de l'ado ensuite.
Le drame est filmé mais dans l'action le spectateur se retrouve à regarder un écran dans l'écran, le hors champs crée une fausse distanciation puisque le son permet un effroi plus glacial encore. Mais finalement c'est le comportement de l'ado ensuite qui impose les réflexions ; un ado qui semble hors sol, immature, sans réellement être conscient de l'acte. Le chiche pas chiche démontre dans un sens l'accident, mais pourtant l'ado n'hésite pas à aller jusqu'à l'exécution et continuer son petit train train , se filmer, filmer, et même manger, continuer à vivre normalement. C'est cette déshumanisation et ce détachement qui laisse aussi perplexe que pantois, qui terrifie aussi avec un pouvoir pervers de l'image qui reste prémonitoire en ce début des années 90. Mais quand arrive la séance familiale, on est sans doute encore plus pantois, où comment l'effet vidéo donne une distanciation claire au point que les parents restent stoïques et sans réactions. Sur le coup pourquoi pas, mais le manque d'émotions ou leurs réactions après coup restent trop peu naturel, trop en sang froid pour être crédible. Mais la suite amène à une réflexion plus profonde, sur l'amour filiale, la responsabilité, les choix forcément terribles surtout quand il semble y avoir une possibilité de se sauver... Un film qui a le mérité d'être moins amorphe et lancinant que son premier film, le scénario est plus intéressant sur divers aspects, et les rebondissements sont plus étalés et font évoluer le récit de façon plus larges. A voir.
Note :