Funny Games (1997) de Michael Haneke

Après avoir signé une première trilogie composé de ses premiers longs métrages cinéma avec "Le Septième Continent" (1989), "Benny's Video" (1992) et "71 Fragments d'une Chronologie du Hasard" (1994), le réalisateur-scénariste autrichien Michael Haneke reprend une ébauche qu'il avait débuté dans les années 70, s'inspirant de loin d'une scène du film "Tirez sur le Pianiste" (1960) de François Truffaut où le fuyard trouve refuge dans une maison familial isolée, et qu'il a ensuite repris après avoir entendu des coups de feu alors qu'il était dans une chambre d'hôtel dans les années 80. La violence "ordinaire" est de nouveau au centre du récit, le cinéaste ancre une nouvelle fois son film dans un réalisme froid anti-hollywoodien. A sa sortie en salles le film fait polémique mais cette fois le succès reste plus probant et le film devient même culte au point que le réalisateur parle alors de "malentendu" autour d'une confusion entre "le message de fond et l'aspect attractif des tortures" ce qui l'auraient poussé à détruire le film, mais heureusement aujourd'hui Haneke dit assumer entièrement son film. Néanmoins, son avis a sans doute évoluer aussi après avoir signé son propre remake, des années après avec "Funny Games U.S." (2008) car il avait imaginé un film pour les américains, mais sans star américaine le film est passé inaperçu aux Etats-Unis d'où l'envie de refaire le film. Pour l'anecdote, le réalisateur avait proposé le rôle de la mère à la star française Isabelle Huppert mais, chose étonnante vue l'audace de l'actrice, elle refusa le rôle comme elle l'a expliqué plus tard : "Dénoncer le mécanisme de la violence au cinéma, c'était une proposition assez théorique. La conséquence pour les acteurs, c'est qu'il n'y avait aucune place pour l'imaginaire, pour la fiction. Chez le personnage de La Pianiste, aussi brutal et sec soit-il, il y avait de la fiction, de l'imaginaire : c'était un personnage, éminemment romanesque. Funny Gamesétait une reproduction très brute de la réalité, ce qui était nécessaire à la démonstration, mais sur le moment cela m'a semblé injouable pour une actrice. J'ai peut-être eu tort, ça l'a été magistralement par Suzanne Lothar (puis pas Naomi Watts dans le remake). Mais c'est vrai que ça m'a fait peur, c'est rare que je sois effrayée par un personnage." Le film est interdit au moins de 16 ans... 

Un couple et leur fils unique arrivent dans une maison isolé au bord d'un lac pour leurs vacances. A peine installer, deux jeunes hommes se présentent à la maison sou un prétexte futile mais sans imaginer à mal la famille offre leur hospitalité de courtoisie. Mais les deux jeunes vont peu à peu s'incruster jusqu'à en venir à la séquestration avant que le calvaire ne puisse plus s'arrêter... Le couple est joué par un vrai couple à la ville, Susanne Lothar qui retrouvera Haneke dans "La Pianiste" (2001) et "Le Ruban Blanc" (2009), et qui retrouve aussi le cinéaste juste après le téléfilm "Le Château" (1997) à l'instar de de son conjoint Ulrich Mühe avec qui elle tournera à nouveau dans "Amen" (2002) de Costa Gravas, qui sera surtout connu pour son rôle "La Vie des Autres" (2006) de Florian Henckel Von Donnersmarck, il était également dans "Benny's Video" (1992) après lequel il retrouve un des deux tueurs, Arno Frisch qui retrouvera juste après dans "Sentimental Education" (1998) de C.S. Leigh son partenaire Frank Giering qui était aussi dans "Le Château" (1997), et vu plus tard dans "Les Bouffons" (1999) de Sebastian Schipper ou "Et la Nuit CHante" (2004) de Romuald Karmakar. Citons ensuite Doris Kuntsmann vue notamment dans "Le Sexe des Anges" (1968) de Ugo Liberatore, "Les Diablesses" (1973) de Antonio Margheriti ou "Les Dix Derniers Jours d'Hitler" (1973) de Ennio De Concini, Christoph Bantzer essentiellement aperçu dans des séries TV comme "Tatort" (1990-1996) ou "Derrick" (1993-1996), puis enfin Wolfgang Glück surtout connu comme réalisateur entre autre de "Les Poupées du Vice" (1958), "Les Fausses Hontes" (1958), "Car la Femme est Faible" (1961) ou "'38" (1986)... Pour l'anecdote, le film a sa petite réputation de film maudit, trois des autres acteurs principaux sont morts prématurément ensuite, les trois vu dans "Le Château" (1997), Ulrich Mühe a seulement 54 ans en 2007, suivi de son conjointe à 51 ans en 2012, puis Frank Giering à 38 ans en 2010... La construction du récit n'est pas sans rappeler le chef d'oeuvre "Les Chiens de Paille" (1971) de Sam Peckinpah, le début calme, voir serein, les intrus mais avec contact poli voir amical, puis l'impossibilité de s'en débarrasser, la montée en puissance, le piège et la violence brutale qui semble inarrêtable. Comme à son habitude les premières images du film sont d'un interminable ennui, à la différence près qu'on passe violemment de la sérénité de la musique classique de Haendel au bruit de fureur d'un punk hardcore qui instaure soudain un sentiment de malaise voir de dégoût. Un couple bourgeois et leur fils unique s'installe tranquillement quand deux adolescents qui paraissent d'emblée trop poli et courtois pour être honnête, s'invitent d'abord doucement via un prétexte bénin avant de brusquer les choses de façon violente et soudaine qui choque la petite famille, estomaquée et presque stoïque.

Les deux jeunes sont si courtois qu'ils déstabilisent d'abord la famille, et ensuite les spectateurs. Leur Une courtoisie qui impose le fait que la violence arrive peut-être aussi par une sorte de quiproquo ou de malentendu ce qui amène ensuite au malaise omniprésent, que la violence ensuite fait monter la tension crescendo. La violence n'est pas graphique ni gore, elle froide et clinique mais le plus violent reste la violence psychologique. Cette fois le réalisateur innove dans sa mise en scène, avec le choix entre autre de 4ème mur qu'il brise de façon à rappeler au spectateur qu'il est témoin et voyeur, et interroge comme il l'explique : "Je voulais pour ma part, reproduire la réalité afin de rendre public conscient de son rôle dans la chaîne de production et de consommation de la violence." C'est évidemment aussi le soucis de son cinéma, car il tonne qu'il veut dénoncer la violence graphique ou complaisante de Hollywood mais on a bien du mal à comprendre le cinéaste car en vérité il est si froid et austère qu'il s'inscrit dans un réalisme justement effrayant voir malsain des faits divers, alors que les divertissements hollywoodiens s'inscrivent dans un fun plus ou moins assumé qui nous détachent du quotidien. Clairement Haneke se tire une balle dans le pied à chaque film, usant d'un style singulier qui n'aide assurément pas son propos. Par là même, comme dans "Benny's Video" on a l'impression qu'il veut épurer ses personnages de toute émotion, ainsi au premier coup de feu on s'étonne du sang froid, du manque de réaction émotive des survivants qui ne semblent pas naturels. Mais son film reste prenant, voir fascinant par le décalage entre le duo de tortionnaires et le couple. Les uns semblent immatures ou simplement cinglés psychopathes mais qui se croiraient réellement dans un jeu, les autres sont dans un drame ultime dont ils savent qu'ils ne pourront, quoi qu'il arrive,  en sortir indemnes. Le twist du film est surprenant, qui permet à Haneke de jouer avec son thème de prédilection autour de la vidéo et du pouvoir des écrans. En conclusion, Haneke signe un film choc qui ne peut laisser indifférent, sur le fond il pousse le curseur à fond sur ses thématiques, et sur la forme innove enfin ce qui donne un rythme différent de ses premiers films. A voir, au moins une fois...

Note :                 

Funny Games (1997) Michael HanekeFunny Games (1997) Michael HanekeFunny Games (1997) Michael Haneke

17/20