Donya, vingt ans, a émigré aux États-Unis et travaille à Fremont, une banlieue de San Francisco, dans une fabrique artisanale de ‘fortune cookies’. Elle a fui l’Afghanistan où son poste d’interprète pour l’armée américaine était perçu comme une trahison. Elle débarque dans un pays étranger où elle se retrouve presque seule au monde. Donya passe ainsi ses journées entre l’usine de cookies, le bar chinois où elle regarde la TV, et les séances chez un psychologue un poil farfelu mais ô combien sympathique. Lorsque son patron lui propose de rédiger les énigmatiques messages des cookies, Donya saisit l’occasion pour lancer une bouteille à la mer en laissant son numéro dans un des cookies. Elle ouvre ainsi la porte au destin pour transformer la monotonie de son quotidien, s’autoriser un peu d’ouverture sur le monde qui l’entoure, et qui sait ce que la bonne fortune mettra sur son chemin. En mode minimaliste, Fremont ne se morfond pas sur l’expérience traumatisante des réfugiés déplacés de force, mais s’attache avec humour et sobriété au parcours d’une jeune femme indépendante et volontaire. Au travers de Donya, le sujet est plus large que le sort des réfugiés eux-mêmes, elle incarne le besoin de trouver sa place dans la société. Avec un pas de côté avec le traitement potentiellement lourd du stress post traumatique, le portrait de cette jeune femme mutique et douce est touchant et subtil. Pas de misérabilisme chez Babak Jalali, réalisateur afghan émigré au Royaume-Uni, mais au contraire une vision douce, décalée et mélancolique du quotidien avec ses hauts, ses bas et sa batterie de personnages qu’on appellerait « hauts en couleurs » si le film n’était pas filmé dans un aussi beau noir et blanc ! Noir & blanc, cadrages audacieux et humour décalé qui ne sont d’ailleurs pas sans rappeler Jim Jarmusch ou Aki Kaurismaki. Tout comme le jury du dernier festival de Deauville, on a été séduits, vous le serez aussi !
Sorti en 2023
Ma note: 15/20