Le Bal des Maudits (1958) de Edward Dmytryk

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Grand réalisateur hollywoodien, notamment avec "Feux Croisés" (1947), "Ouragan sur le Caine" (1954) ou "La Lance Brisée" (1954) Edward Dmytryk revient avec un projet sur la Seconde Guerre Mondiale, époque qu'il connaît bien ayant tourné plusieurs films durant la période avec notamment "Forçats contre Espions" (1942) ou "Les Enfants d'Hitler" (1943). Il s'agit d'une adaptation du roman "The Young Lions" (1948) de Irwin Shaw, lui-même scénariste entre autre pour "Ulysse" (1954) de Mario Camerini ou "Barrage contre le Pacifique" (1958) de René Clément mais qui n'adapte pas lui-même son roman laissant la place de scénariste à Edward Anhalt qui a déjà signé et signera plusieurs grands films dont "Panique dans la Rue" (1950)  de Elia Kazan, "L'Etrangleur de Boston" (1968) de Richard Fleischer ou "Jeremiah Johnson" (1972) de Sydney Pollack en retrouvant Dmytryk après leur collaboration sur "L'Homme à l'Affût" (1952). Le film est nommé à trois Oscars techniques en 1959 mais est surtout un grand succès commercial remboursant haut la main son budget de 3,5 millions de dollars rien que sur le sol américain où il rapporte près de 4,5 millions, en France le film totalise 4,7 millions de spectateurs se positionnant 6ème plus grand succès de l'année où le n°1 était alors "Les 10 Commandements" (1958) de Cecil B. De Mille avec ses 14 millions d'entrées France... 1938, l'allemand Christian Diestl rencontre Margaret une jolie américaine pendant des vacances au ski mais ses sympathies nazies brisent une idylle naissante. Aux Etats-Unis, Margaret retrouve son conjoint, Michael vedette de music-hall qui est appelé sous les drapeaux mais qui tentent de s'y soustraire. Michael rencontre alors Noah qui, au contraire, s'engage volontairement. La guerre éclate, pour Noah les débuts sont difficiles mais à force de courage arrive à se faire accepter par ses camarades et avec l'aide de Michael. Entre temps Christian est devenu officier de la Wermacht, nazi convaincu il va petit à petit évoluer en croisant entre autre une française puis l'épouse de son supérieur... 

L'allemand Christian est incarné par Marlon Brando star alors au sommet après "Un Tramway nommé Désir" (1951) et "Sur les Quais" (1954) tous deux Elia Kazan ou "L'Equipée Sauvage" (1953) de Laszlo Benedek. Noah est interprété par Montgomery Clift star de "La Rivière Rouge" (1948) de Howard Hawks ou "Une Place au Soleil" (1951) de George Stevens et retrouvant Dmytryk après "L'Arbre de Vie" (1957) après lequel l'acteur n'avait pu rien tourner après un très grave accident de voiture lui ayant laissé des séquelles visibles à l'écran. Michael est joué par Dean Martin qui est alors dans une sorte de seconde carrière après 17 films en duo avec Jerry Lewis entre "Ma Bonne Amie Irma" (1949) de George Marshall et "Un Vrai Cinglé de Cinéma" (1956) de Frank Tashlin et qui va devenir une star mondiale justement grâce à Michael et en transformant l'essai  aussitôt après avec "Comme un Torrent" (1958) de Vincente Minnelli et "Rio Bravo" (1959) de Howard Hawks. Les belles sont jouées par Hope Lange remarquée dans "Bus Stop" (1956) de Joshua Logan vue plus tard dans "Milliardaire d'un Jour" (1961) de Frank Capra, "Un Justicier dans la Ville" (1974) de Michael Winner ou "Blue Velvet" (1986) de David Lynch, Barbara Rush actrice fétiche de Douglas Sirk entre "La Première Légion" (1951) et "Capitaine Mystère" (1955), May Britt vue dans "La Fille du Corsaire Noir" (1952) de Mario Soldati ou "Guerre et Paix" (1956) de King Vidor, et retrouvera juste après Dmytryk pour "L'Ange Bleu" (1959) avant de quitter le cinéma après son mariage polémique avec Sammy Davis Jr., puis la frenchy Dora Doll vue dans "Entrée des Artistes" (1938) de Marc Allégret, "Quai des Orfèvres" (1947) de Henri-Georges Clouzot, "Touchez pas au Grisbi" (1954) de Jacques Becker ou "Elena et les Hommes" (1956) de Jean Renoir. Citons ensuite Maximilian Schell qui retrouvera Dmytryk sur "The Reluctant Saint" (1962) et sera surtout remarqué dans "Topkapi" (1964) de Jules Dassin, "Le Dossier Odessa" (1974) de Ronald Neame ou "Croix de Fer" (1977) de Sam Peckinpah, Lee Van Cleef second rôle marquant dans plusieurs westerns jusqu'à devenir icônique dans "Et pour Quelques Dollars de Plus" (1965) et "Le Bon, la Brute et le Truand" (1966) tous deux de Sergio Leone, Arthur Franz qui retrouve le réalisateur après "Eight Iron Men" (1952) et retrouve après "Iwo Jima" (1949) de Allan Dwan son partenaire Hal Baylor aperçu dans "Rivière sans Retour" (1954) de Otto Preminger ou "Brisants Humains" (1956) de Joseph Pevney... Notons que le tournage s'est déroulé en Californie (désert, studio et scène finale), évidemment à Paris et aussi au camp de concentration de Natzwiller-Struthof en Alsace où sur les 200 victimes figurants il y avait une vingtaine de rescapés réels des camps. Ensuite on constate surtout les similarités du film avec un chef d'oeuvre, et pas des moindres, "Tant qu'il y aura des Hommes" (1952) de Fred Zinnemann dans lequel était d'ailleurs Monty Clift dans un rôle tout aussi proche. Le film de Dmytryk souffre un peu de la comparaison, le fait qu'il soit le suivant, le personnage joué pat Monty Clift, et forcément l'effet Histoire Vraie de Pearl Harbor notamment. 

Les deux personnages américains montrent deux facettes de l'Amérique, Noah jeune juif frêle ans le sou qui s'engage sans doute plus par besoin matériel que par idéologie, et Michael showman flambeur et séducteur qui va finalement s'engager par amitié. Le plus intéressant reste de loin l'allemand Christian, plein d'empathie malgré ses sympathies nazies, qui semble aveugle aux horreurs commises au nom de son idéologie et qui se réveille très doucement comme après un mauvais sommeil. Les femmes finalement semblent les seules à être courageuses, sincères et surtout lucides. Mais le film pêche surtout par un manque de rythme qui est dû avant tout parce que le récit s'intéresse plus aux romances qu'au fond contextuel. On aurait aimé moins de romance et plus d'une guerre où les hommes changent et se métamorphosent. Surtout il faut voir le film en V.O. Brando en soldat aryen avec la V.F. est assez grotesque. Le charmes des acteurs opèrent sans soucis, le scénario est bien construit pour  un excellent film, ces destins croisés sont émouvants, le propos toujours universel mais on n'arrête finalement pas de se dire que ce film serait sans doute bien plus apprécié s'il n'y avait eu pas avant  "Tant qu'il y aura des Hommes" (1952). 

Note :  

17/20