Après sa première incursion en France avec "Code Inconnu" (2000) et avoir prolongé l'expérience avec des acteurs français dans "La Pianiste" (2001) le réalisateur-scénariste autrichien Michael Haneke poursuit sa francophonie avec un nouveau drame, un film d'anticipation post-apocalyptique inspiré de la trilogie théâtrale "Pièces de Guerre" (1983-1985) de Edward Bond. Le cinéaste précise l'idée autour de questions fondamentales : "Quelle est l'épaisseur de notre vernis de civilisation ? Jusqu'où nos "valeurs éternelles" tiendraient-elles le coup ? Comment nous comporterions-nous les uns avec les autres en pareil cas ?... Voilà ce que j'ai essayé d'aborder dans le film, je voulais faire un film débarrassé des aspects spectaculaires du genre "film catastrophe"." Le titre est tiré du Codex Regius, recueil de poèmes de la mythologie nordique, plus précisément de La Prédiction de la Voyante qui décrit ce qui précède le Ragnarök. Le film est un échec de par une réception critique plus décevante que pour les précédents film du réalisateur, et par un box-office également plus confidentiel... Une famille arrive dans leur maison de campagne pour fuir la ville mais à leur arrivée il y a des intrus et un drame survient. On comprend que le pays a connu une catastrophe et que les gens fuient et tentent de survivre. La maman et ses deux enfants rejoignent une sorte de petite communauté où chacun tente de trouver sa place...
Anne, la maman est incarnée par Isabelle Huppert qui retrouve Haneke après "La Pianiste" (2001), son époux est joué par Daniel Duval vu entre autre dans son propre film "L'Amour trop Fort" (1981), ou "Love, Etc" (1996) de Marion Vernoux et "Le Vent de la Nuit" (1999) de Philippe Garrel, tandis que leur fille est jouée par la toute jeune Anaïs Demoustier aperçue auparavant dans "Le Monde de Marty" (2000) de Denis Bardiau et qui va devenir une de nos grandes actrices avec plus tard "Elles" (2012) de Malgorzata Szumowska ou "Les Amours d'Anaïs" (2021) de Charline Bourgeois-Tacquet, et retrouvera d'ailleurs dans "Belle Epine" (2010) de Rebecca Zlotowski l'acteur Michael Abitboul vu dans "les Blessures Assassines" (2000) de Jean-Pierre Denis ou plus récemment dans "BAC Nord" (2020) de Cédric Jimenez. Citons ensuite Maurice Bénichou qui retrouve son réalisateur entre "Code Inconnu" (2000) et "Caché" (2004), Maryline Even apparue dans "Tess" (1979) de Roman Polanski ou "Le Choix des Armes" (1981) de Alain Corneau et qui retrouve après "Peau d'Ange" (2002) de Vincent Perez son partenaire Olivier Gourmet acteur fétiche des frères Dardenne qui retrouve et retrouvera de son côté entre "Laissez-Passer" (2002) de Bertrand Tavernier et "Les Brigades du Tigre" (2006) de Jérôme Cornuau son partenaire Pierre Berriau, citons encore Patrice Chéreau d'abord réalisateur entre autre de "La Reine Margot" (1994), "Intimité" (2000) ou ensuite "Gabrielle" (2005) où il fera tourner sa partenaire Isabelle Huppert, et acteur rare notamment dans "Danton" (1983) de Andrzej Wajda et "Le Dernier des Mohicans" (1992) de Michael Mann, Béatrice Dalle vue dans "37°2 le Matin" (1986) de Jean-Jacques Beinex, "La Belle Histoire" (1992) de Claude Lelouch ou "Trouble Every Day" (2001) de Claire Denis après lequel elle retrouve l'actrice Florence Loiret-Caille qui était aussi dans "Code Inconnu" (2000), Rona Hartner remarquée dans "Gadjo Dilo" (1997) et "Je suis né d'une Cigogne" (1998) tous deux de Tony Gatlif, Manu Layotte aperçu dans "Le Battement d'Ailes du Paillon" (1998) de Laurent Firode et "L'Auberge Espagnole" (2001) de Cédric Klapisch, Brigitte Roüan vu dans "Mon Oncle d'Amérique" (1980) de Alain Resnais, "Marie Baie des Anges" (1997) de Manuel Pradal ou "Vénus Beauté (Institut)" (1998) de Tonie Marshall, Luminita Gheorghiu qui retrouve Haneke après "Code Inconnu" (2000) puis enfin Serge Riaboukine vu notamment dans "Les Grandes Bouches" (1999) de Bernie Monvoisin ou "Les Lundis au Soleil" (2002) de Fernando Leon de Aranoa et retrouve aussi ses camarades Olivier Gourmet et Pierre Berriau après "Laissez-Passer" (2002)... La première scène est du pur Haneke, un drame sanglant, froid, soudain et tragique avec des personnages qui semblent comme hors sol, hors de leur réalité. Haneke choque en quelques dizaines de secondes mais on remarque surtout que sa direction d'acteur revient plus à celle de son époque autrichienne (sa trilogie) plutôt qu'avec l'évolution constatée dans "la Pianiste" (2001), les acteurs surjouent une sorte de détachement qui est un choix évident et assumé du réalisateur et qui est sans doute son pire défaut car retire toute ouverture à l'émotion sensitive, Haneke nous réserve que des émotions visuelles via des images ou plans plus ou moins malaisants.
Ainsi on notera par exemple le vomi, le viol ou l'exécution du cheval (que certaine source affirme qu'il s'agit d'une exécution réelle pour les besoins du film). Haneke choque gratuitement, sans qu'il y ait un lien tangible avec le récit a contrario de "Funny Games" (1997) ou de "La Pianiste" (2001) par exemple, et on ne peut que constater que le réalisateur montre à l'écran une complaisance vis à vis de la violence alors même qu'il dit dénoncer celle de Hollywood. On aime ses plans-séquences, sa minutie formelle et surtout le climax post-apocalyptique naturaliste sans avoir recours à des effets spéciaux ou à du spectaculaire, on reste ancré dans la lie de l'humanité, où quand l'homme devient un loup pour l'homme et surtout pour la femme. On aime moins (encore !) ses séquences inutilement longues (oui on comprend qu'il mange !), mais cette fois on est surpris de la plus mauvaise manière du rendu visuel. En effet la photographie est laborieuse, le travail sur la lumière est une catastrophe, trop sombre et sans nuance on a bien du mal parfois à percevoir quoi que ce soit. D'ailleurs Haneke l'avouera et assumera cette responsabilité confirmant par là même que ce film est bel et bien le plus mauvais film de sa filmographie.
Note :
09/20