L'Oubli que Nous serons (2021) de Fernando Trueba

Nouveau film du réalisateur espagnol Fernando Trueba après "L'Artiste et son Modèle" (2013) et "La Reine d'Espagne" (2016), et pour ce projet il retrouve son frère, David Trueba, réalisateur entre autres de "La Buena Vida" (1996) et de "Soldados de Salamina" (2003), mais surtout tous deux se retrouvent après que le second ait déjà signé deux scénarios pour son frères avec "Trop, c'est Trop" (1995) et surtout "La Fille de tes Rêves" (1998). Pour ce film les deux frères adaptent le roman biographique éponyme (2006) de Hector Abad Faciolince, journaliste romancier qui retrace le destin du professeur en médecine Hector Abad Gomez (Tout savoir ICI !) qui n'est autre que son père qui fut assassiné en 1987 et qui poussa ensuite son fils à l'exil. Le réalisateur précise : "Ce livre autobiographique est d'abord l'éloge, tout en délicatesse et respect, du fils à son père, médecin humaniste, militant des droits de l'Homme. C'est également la chronique d'une famille soudée autour de ce père de famille adoré de ses six enfants. Enfin, c'est une immersion dans la ville de Medellin, gangrénée par la violence des politiques et des narco-trafiquants dans les années 1970-1980." Le film, production colombienne, a connu un accueil très favorable avec en prime le Goya du meilleur film étranger en langue espagnole 2021...

Début des années 80 en Colombie, le docteur Hector Abad Gomez aide comme il peut les habitants de Medellin à s'en sortir. Malgré les menaces qu'il subit il refuse d'être réduit au silence. Fondateur de l'Ecole Nationale de Santé Publique, professeur d'université, chef médical des Assurances sociale, écrit des rubriques dans des journaux, il est omniprésent pour faire avancé les droits à la santé pour tous, il est aussi député mais à force de dénoncer il devient une cible autant des adversaires politiques que des cartels... Le docteur est incarné par l'acteur espagnol Javier Camara, vu notamment dans "Parle avec Elle" (2002) de Pedro Almodovar, "Truman" (2015) de Cesc Gay, "Everybody Knows" (2018) de Asghar Farhadi mais il retrouve aussi les frères cinéastes après "Vivre est facile avec les Yeux Fermés" (2013) de David Trueba et "La Reine d'Espagne" (2016) de Fernando Trueba. Quasi tout le reste du casting est colombien, la plupart quasi inconnu hors de leurs frontières et surtout vus dans des séries TV. Citons Aida Morales vue dans le film "Armero" (2017) de Christian Mantille-Vargas, Patricia Tamayo et Juan Pablo Urrego qui se retrouvent après le film "Amigo de Nadie" (2019) de Luis Alberto Restrepo, Maria Tereza Barreto et Laura Londono qui sont à l'affiche de la série TV "Café con Aroma de Mujer" (2021), Laura Londono est aperçue aussi dans le film "Paradise Lost" (2014) de Andrea di Stefano. Outre les colombiens citons tout de même un acteur dans sa première apparition devant la caméra, un certain Whit Stillman plus connu comme réalisateur de "Damsels in Distress" (2011) et du magnifique "Love and Friendship" (2016)... Si le rôle principal est joué par une star espagnole, le reste du casting est essentiellement colombien, et surtout le tournage a eu lieu à Medellin même, sur des lieux encore existants aujourd'hui et avec certains acteurs qui ont connu Hector Abad Gomez comme l'explique le réalisateur : "J'ai par exemple découvert que le comédien qui incarne le rôle du voisin juif avait connu le docteur Abad. Il est venu sur le plateau avec les vêtements qu'il portait à l'époque, lors de leur rencontre. Le grand-père d'Elizabeth Minotta, qui joue une des filles du docteur,  a été assassiné. Sur le tournage tout le monde était, de près ou de loin, concerné par cette histoire. Un jour, la famille Abad a invité toute l'équipe du film. J'ai alors contemplé cette scène incroyable : chaque membre de la famille aux côté de l'acteur l'incarnant !". Le récit du film est perçu d'abord par le fils, seul garçon au milieu de plusieurs soeurs, et accessoirement auteur du livre autobiographique à la source de l'histoire. C'est à la fois un angle de vue pertinent mais aussi un point de vue autocentré sur la famille plutôt que sur le père pourtant sujet central qui intéresse avant tout.

La photographie du film est en cela malin puisqu'il joue sur la couleur chatoyante des années 70 d'un côté, et sur le Noir et Blanc plus ancré dans les années 80 d'un fils qui a grandi. On suit donc surtout un fils qui idolâtre un père qui semble avoir toute les qualités possibles : médecin humaniste qui se bat pour les plus démunis, mais aussi chef de famille bourgeoise qui protège sa famille, un idéaliste athée qui doit se battre contre la corruption et la puissance de l'Eglise Catholique dans un pays où les groupes paramilitaires se font une guerre sans merci. Malheureusement  on a la sensation d'être un peu dans "Les Quatre Filles du Docteur March" en Colombie, papa est un héros façon monsieur tout le monde, mais on n'est pas forcément focalisé sur lui mais sur une famille entière qui tente de vivre heureux quoi qu'il en soit. Ainsi le film omet un peu trop les combats et les luttes menés par le docteur Abad, d'abord on nous parle du réseau sanitaire, puis apparemment il part à l'étranger et disparaît même de l'écran, puis il revient on comprend qu'il est toujours battant un peu sur tous les sujets puis se lance en politique. Mais rien n'est approfondi, tout est survolé. Le film nous vend un biopic qu'il n'est donc pas, il s'agit d'un fils qui raconte son enfance auprès d'un père vertueux et aimant au sein d'une famille soudée et touchante. On est donc un peu déçu d'être privé d'un vrai combat dans un contexte géo-politique qui reste seulement en filigrane, mais la chronique familiale est très bien racontée et reste émouvante avec une famille au diapason merveilleusement interprétée. Un joli moment à défaut d'être au centre de son sujet.

Note :  

L'Oubli Nous serons (2021) Fernando TruebaL'Oubli Nous serons (2021) Fernando Trueba

14/20