Only the River Flows (2024) de Shujun Wei

Nouveau long métrage du chinois Shujun Wei après une chronique sur la jeunesse chinoise avec "Courir au Gré du Vent" (2020) et une comédie à l'humour noir avec "Ripples of Life" (2021). Le désir de changer une fois encore de registre le pousse vers le thriller en adaptant le roman "Mistake by the River" ou en V.F. "Le Septième Jour" (2023) de Yu Hua, auteur connu et déjà adapté avec le magnifique "Vivre !" (1994) de Zhang Yimou. Le réalisateur explique son choix : "L'adaptation de la nouvelle de Yu Hua comporte en elle-même plusieurs données : d'abord le récit d'une série de meurtres, écrit par Yu Hua dans le style littéraire des années 80-90, et porteur de thèmes alors très présents : d'une part le poids excessif de l'esprit collectif qui pèse sur l'individu, et d'autre part la solitude de l'individu face à un monde absurde. La nouvelle comporte aussi une forme de subversion du récit policier traditionnel : non seulement la résolution de l'énigme n'est pas son unique enjeu, mais l'oeuvre est également plus secrète, plus inattendue, plus obscure que les récits policiers classiques, ce qui a contribué, à l'époque, à faire considérer la nouvelle comme une oeuvre d'avant-garde." Néanmoins, le cinéaste a opté pour une version plus réaliste du roman : "Il fallait dépouiller l'intrigue des relations farfelues ou abstraites qui risquaient de la rendre artificielle. Le film se concentre sur le personnage de Me Zha, qui est d'emblée bien plus que le simple "oeil" qui, dans la première partie de la nouvelle, se contentait d'observer les événements." Notons que le réalisateur-scénariste travaille à nouveau avec Kang Chunlei co-scénariste sur "Ripples of Life" (2021). Précisons que le titre du film signifie "Seule la Rivière coule"... 

Années 90 en Chine, trois meurtres sont commis dans la petite ville de Banpo. Ma Zhe, chef de la police criminelle, est chargée de l'enquête. Malgré un sac à main trouvé au bord de la rivière et plusieurs témoignages l'enquête piétine, Ma Zhe est confronté à la noirceur de l'âme humaine, à d'étranges éléments qui enfonce le policier dans le doute... L'enquêteur Ma Zhe est incarné par Yilong Zhu remarqué dans les films "Sauvetage au Sommet" (2021) de Jun Lee ou "Lightning up the Stars" (2023) de Jiang Liu. Citons ensuite Zeng Meihuizi connue en occident sous le pseudo de Chloé Maayan vue dans "Les Fleurs Amères" (2017) de Olivier Meys, "Un Grand Voyage vers la Nuit" (2018) de Bi Gan ou "Le Lac aux Oies Sauvages" (2019) de Yinan Diao, Tianlai Hou vu entre autre dans "Zhan Huo Zhong de Ba Lei" (2015) de Yachun Dong et Ming Jin, "Guo Jiu" (2016) de Jiangbo Song, "Li Bao Guo" (2018) de Qi Zhao ou "Sou Jiu" (2022) de Chi-Leung Law, Tong Lin Kai qui retrouve son réalisateur après Tong Lin Kai "Courir au Gré du Vent" (2020), à l'instar de Miyi Huang après "Ripples of Life" (2021) et vue auparavant dans "La Brigade des 800" (2020) de Hu Guan, puis enfin Han Chen vu dans "L'Adieu" (2019) de Lulu Wang et "Changfeng Town" (2019) de Jing Wang... Film Noir, crime sordide, fin fond de la campagne, la pluie et la grisaille, les âmes sombres de l'humanité, tout un cahier des charges qui renvoient au thriller asiatique et surtout coréen de ces dernières années comme "Memories of Muder" (2004) de Bong Joohn-Ho, "J'ai rencontré le Diable" (2011) de Kim Jee-Woon ou "The Strangers" (2016) de Na Hong-Jin. Le film s'ouvre sur des gosses qui jouent aux policiers et aux voleurs dont l'issue de la scène sonne comme un symbole évident (le vide...) ; d'ailleurs les symboles vont émaillés le récit de façon plus ou moins probantes comme la salle de cinéma ou le parallèle avec la grossesse à risque. 

Rappelons que l'histoire se déroule en 1995, dans une Chine encore très communiste, la modernité capitaliste n'a pas encore atteint les campagnes, le système de la méritocratie bat son plein avec un système pyramidal stricte où on y va à coup de "camarade", mais il y a aussi les raccourcis faciles inhérents au dictature, comme le coupable idéal parce qu'il est "fou", qu'il faut montrer l'efficacité du système en pliant l'enquête en peu de temps. L'atmosphère est idéalement glauque et malsain, mais on constate vite qu'on va avoir droit à un suspect par quart d'heure jusqu'au twist final certe plutôt bien amené au départ mais qui termine l'histoire dans une conclusion un peu confuse, tout n'est pas très compréhensif du point de vue polar même si on comprend la critique en filigrane de l'aliénation individuelle au sein d'une société très administrative et communiste. Saluons en prime la musique presque onirique qui souligne aussi la photographie qui met en valeur les décors particulièrement soignés. Shujun Wei signe un film qui pêche un peu par la dimension politique en filigrane timide, une symbolique superflue ou au contraire pas assez exploitée, et surtout une intrigue dont l'issue n'est pas très claire mais surnage largement dans le genre du thriller socio-psychologique prenant, visuellement parfait et au climax idéal. Note généreuse.

Note :                 

Only River Flows (2024) ShujunOnly River Flows (2024) Shujun

14/20