Sons (2024) de Gustav Möller

Après un premier long métrage très remarqué avec l'excellent "The Guilty" (2018), d'ailleurs déjà remaké par Hollywood avec l'éponyme "The Guilty" (2021) de Antoine Fuqua, le réalisateur danois Gustav Möller retrouve son scénariste Emil Nygaard Albertsen pour un détour dans une prison. Un sous-genre en soi, le film carcéral reste pourtant très souvent vu sous l'angle des prisonniers alors que cette fois le point de vue est celui d'une gardienne. Il existe de nombreux films pénitentiaires, mais du point de vue du maton sont beaucoup plus rares ; on peut citer "La Ligne Verte" (1999) de Frank Darabont, "Carceral : dans l'Enfer de la Taule" (2012) de Reg Traviss, "The Guard" (2015) de Peter Sattler ou en France le tout récent "Borgo" (2024) de Stephane Demoustier. Le réalisateur et son scénariste se sont beaucoup documentés, s'entretenant avec des détenus, des gardiens mais aussi des aumôniers, des juristes ou des psychiatres. Durant leur recherche ils ont rencontré entre autre Martin Sorensen, ancien maton, qui a un petit rôle dans le film mais qui est surtout devenu consultant technique sur le tournage... Eva, gardienne de prison expérimentée et exemplaire se voit soudain troublée par l'arrivée d'un détenu dans son centre pénitentiaire. Ce jeune homme la renvoie à son passé, elle le connaît mais garde le secret. Mais le jeune homme est placé en unité spéciale pour les plus dangereux des prisonniers, elle demande alors sa mutation dans ce service... 

Eva la matonne est incarnée par Sidse Babett Knudsen vue entre autre dans "After the Wedding" (2006) de Susanne Bier, "The Duke of Burgundy" (2014) de Peter Strickland, "L'Hermine" (2015) de Christian Vincent ou "Club Zero" (2023) de Jessica Hausner. Le jeune détenu est joué par Sebastian Bull Sarning vu très jeune dans "Submarino" (2010) et "La Chasse" (2012) tous deux de Thomas Vinterberg ou "Invasion Day" (2017) de Roni Ezra. Citons ensuite Dar Salim remarqué dans "Hijacking" (2012) et "A War" (2015) tous deux de Tobias Lindholm ou "The Covenant" (2023) de Guy Ritchie, Marina Bouras remarquée dans "Les Idiots" (1998) de Lars Von Trier ou "This is Love" (2009) de Matthias Glasner, Olaf Johannessen vu dans "The Shamer" (2016) de Kenneth Kainz ou "Sons of Denmark" (2020) de Ulaa Salim, et n'oublions pas Jacob Lohmann qui retrouve le duo réalisateur-scénariste après "The Guilty" (2018), retrouve Sidse Babett Knudsen après "Kapgang" (2014) de Niels Arden Opley et "Les Traducteurs" (2019) de Régis Roinsard et vu plus récemment "Shorta" (2021) de Anders Olholm et Frederik Louis Hviid, "Riders of Justice" (2021) de Anders Thomas Jensen ou "Godland" (2022) de Hlynur Palmason... Le film débute aussitôt avec une austérité froide et clinique, au sein d'une prison qui l'est de façon logique avec une matonne qu'on devine expérimentée mais aussi brisée par un secret qu'on aura deviné avant même la séance, et qui explique qu'elle semble s'être réfugiée dans le travail. On reste un peu perplexe par son abnégation et le soin professionnel de cette femme alors même qu'on imagine que ça doit être quasi antinomique et paradoxal de vouloir aider ou du moins être humaine avec des individus qui lui renvoie évidemment le souvenir douloureux d'un drame intime, mais pourquoi pas, à chacun sa croix ?! Une croix, un fardeau qui se confirmera ensuite puisque l'instinct la transformera en tortionnaire vengeresse... ATTENTION SPOILERS !... rien n'est surligné mais c'est l'évidence même, ce nouveau prisonnier est le bourreau de son fils, mère brisée elle va se venger, mais son sens du devoir, son humanité va la faire chavirer, la faire douter... FIN SPOILERS !...

Le suspense s'installe malgré tout, on se demande comment elle va gérer, jusqu'où elle va aller, puis le détenu n'est pas un enfant de choeur, idem, comment il a évoluer jusqu'au twist attendu mais dont on ne peut savoir les conséquences. Prenant et sous tension l'immersion dans la prison est d'abord impressionnant avec une reconstitution dans une prison désaffectée de Vridsloselille, associée à des tunnels souterrains d'un hôpital, une chapelle ou une usine désaffectée le réalisateur voulant accentuer l'effet labyrinthique. C'est une réussite. Par contre, certains passages semblent en 2024 dans une démocratie européenne peu plausible comme une gardienne seule qui surveille un détenu entièrement dénudé (?!), ou pour une simple gardienne avoir des facilités aussi libres pour aller dans les scellés ou peser aussi facilement dans des décisions de justice. Dans les protocoles carcéraux le film est donc pas assez pointus, ce qui est dommage tant le reste fonctionne parfaitement, notamment le huis clos quasi de bout en bout, la gardienne semblant vivre que par pour et dans la prison. Choix judicieux d'ailleurs qui démontre que cette femme n'a plus de vie hors de son univers carcéral. Le face à face est tendu, Sidse Babett Knudsen est une matonne aussi déchirante que perdue, face à un Sebastian Bull Sarning en monolithe aussi dangereux que déshumanisé. Après "The Guilty"  Gustav Möller signe un nouveau film coup de poing, impressionnant de maîtrise surtout sur la dimension psychologique, juste un peu dommage que certaines scènes soient trop démonstratives et hors réalismes techniques.

Note :                 

Sons (2024) Gustav MöllerSons (2024) Gustav MöllerSons (2024) Gustav Möller

14/20