French Connection (1971) de William Friedkin

Après trois films au succès plus ou moins d'estime avec "L'Anniversaire" (1968), "Strip-Tease chez Minsky" (1968) et le remarqué "Les Garçons de la Bande" (1970) sur le sujet alors tendancieux de l'homosexualité, William Friedkin revient avec un film qui a tout changer pour lui, qui n'est pas encore celui qui va signer "L'Exorciste" (1973), "Le Convoi de la Peur" (1977), "Police Fédérale, Los Angeles" (1985), "Jade" (1995) ou "Killer Joe" (2011). Son choix est d'adapter le roman éponyme (1969) de Robin Moore qui retrace l'histoire vraie de la French Connection (Tout savoir ICI !) où plutôt d'une partie d'une affaire résolue par les policiers Eddie Egan et Sonny Grosso. Dès le départ le cinéaste désire une véritable authenticité, ainsi les deux policiers deviennent consultants techniques sur le tournage, vont former les deux acteurs principaux et vont eux-mêmes joués deux supérieurs devant la caméra. Le réalisateur-scénariste co-signe le scénario avec Ernest Tidyman qui venait d'écrire "Les Nuits Rouges de Harlem" (1971) de Gordon Parks et qui signera dans la foulée la suite "Les Nouveaux Exploits de Shaft" (1972) et "L'Homme des Hautes Plaines" (1973) de et avec Clint Eastwood. Le film est doté de seulement 1,8 millions de dollars ce qui est très en-deça des grands films du genre contemporain, obligeant le cinéaste a tourné sans autorisation, à l'arrache, ou selon le système D comme utliser un fauteuil roulant pour les travellings. Le cinéaste avoue deux inspirations, "La Vie, l'Amour, la Mort" (1969) de Claude Lelouch et "Z" (1969) de Costa-Gravas dont il emprunte aussi le preneur de son Jean-Louis Ducarme et l'acteur Marcel Bozzuffi. Le film impressionne et est un succès surprise public et critique et en prime devient le premier film interdit au moins de 17 ans lauréat de l'Oscar du meilleur Film, suivi des Oscars du meilleur acteur pour Gene Hackman, meilleur Réalisateur, meilleur Montage et meilleur Scénario adapté... Buddy Russo et Jimmy Doyle dit Popeye, deux flics des Stups, se retrouvent sur la piste d'une grosse livraison d'héroïne en provenance de Marseille. Les planques et les filatures vont s'accentuer dans les méandres de New-York en passant par quelques arrestations jusqu'à la dernière opération où ils vont tenter de mettre le coup de grâce à l'organisation... 

Jimmy Doyle (alter ego de Eddie Egan) est incarné par Gene Hackman remarqué surtout dans "Bonnie and Clyde" (1967) de Arthur Penn et qui va devenir une star grâce au film lançant une décennie royale pour l'acteur avec "L'Aventure du Poséïdon" (1972) de Ronald Neame, "L'Epouvantail" (1973) de Jerry Schatzberg ou "Conversation Secrète" (1974) de Francis Ford Coppola, à l'instar de son partenaire alias Buddy Russo (alter ego de Sonny Grosso) joué par Roy Scheider qui débute ainsi une décennie fabuleuse et son apogée avec "Klute" (1971) de Alan J. Pakula, "Les Dents de la Mer" (1975) de Steven Spielberg ou "Marathon Man" (1976) de John Schlesinger et retrouvera Friedkin pour "Le Convoi de la Peur" (1977), puis Hackman retrouvera dans la suite du film "French Connection 2" (1975) de John Frankenheimer le méchant du film, présumé chef de la French Connection incarné par Fernando Rey acteur fétiche de Luis Bunuel dans "Viridiana" (1961), "Tristana" (1970) puis "Le Charme Discret de la Bourgeoisie" (1972) et "Cet Obscur Objet du Désir" (1977), tandis que Roy Scheider retrouvera dans "Police Puissance 7" (1973) de Philip d'Antoni l'acteur Tony Lo Bianco vu plus tard dans "Serpico" (1973) de Sidney Lumet, "FIST" (1978) de Norman Jewison ou "Nixon" (1995) de Oliver Stone. Citons ensuite Marcel Bozzuffi vu notamment dans "Razzia sur la Chnouf" (1955) de Henri Decoin, "Compartiment Tueurs" (1965) de Costa-Gravas ou "Le Deuxième Souffle" (1966) de Jean-Pierre Melville et retrouvera dans "Le Fils" (1973) de Pierre Granier-Deferre son partenaire Frédéric de Pasquale aperçu dans "Le Viol" (1967) de Jacques Doniol-Valcroze ou "Jeff" (1969) de Jean Herman, et retrouve après "Fleur d'Oseille" (1967) et "Le Pacha" (1967) tous deux de Georges Lautner son compatriote Jean Luisi acteur fétiche justement de Lautner dans pas moins de 17 films entre "L'Oeil du Monocle" (1961) à "Le Vie Dissolue de Gérard Floque" (1987). Puis enfin n'oublions pas les deux policiers Eddie Egan dans son unique expérience de cinéma, puis son collègue Sonny Grosso qui deviendra producteur et acteur notamment encore flic dans "Le Parrain" (1972) de Francis Ford Coppola et "La Chasse" (1980) de William Friedkin... Aussitôt on remarque une chose assez rare pour une production américaine, en effet les premières minutes du film se déroule en France et le tournage a bel et bien eu lieu dans le sud de la France, à Marseille et à Cassis. L'absence de studios et le tournage dans les décors naturels de ces deux ville apporte une authenticité aussi palpable que salutaire et ce, alors que ce n'est que pour quelques courtes minutes. Le réalisateur impose alors un style très naturaliste, quasi docu-fiction avec un petit grain de pellicule qui donne de l'épaisseur. La traversée Atlantique confirme le style avec une réalisateur qui choisit souvent l'option caméra à l'épaule mais avec la judicieuse idée d'éviter l'effet épileptique et/ou un tremblement excessif. L'immersion dans les bas fonds new-yorkais est parfaite.

A New-York, le cinéaste suit la même logique avec une plongée dans les rues de New-York, avec une grande importance à l'image des décors extérieurs, le réalisateur effectuant même certaines séquences sans autorisation de tournage pour accentuer au maximum le réalisme. Le plus bel exemple est évidemment la fameuse scène de course poursuite à travers la ville, une des plus connues du Septième Art peu de temps après l'autre célèbre scène de "Bullitt" (1968) de Peter Yates. Mais cette dernière était aussi une leçon de story-board et d'une précision d'horlogerie, alors que Friedkin mise sur l'improvisation totale jusqu'à l'accident de Popeye/Hackman qui est bien réel ! D'ailleurs l'acteur n'appréciait pas les prises de risque du réalisateur d'où une certaine tension entre les deux artistes. La course-poursuite est d'anthologie parce qu'elle n'est pas une courese poursuite purement automobile il y a aussi la course pédestre qui impose la nervosité et le souffle, puis le métro qui amène à des rapports humains imprévus. Le rythme est aussi effréné que tendu, une tension permanente qui vient autant de la pègre que des actions-réactions des policiers. Si on peut chercher un petit bémol on peut noter un Russo/Scheider qui est moins exploité que Popeye/Hackman, on aurait aimé un duo plus équilibré. Par contre le côté pègre est impeccable, les personnages sont aussi inquiétants que discrets parfaitement incarnés par Bozzuffi et surtout Fernando Rey en maître du jeu insaisissable. William Friedkin signe un polar nerveux et prenant de bout en bout avec un final fataliste voir pessimiste particulièrement judicieux et cohérent notamment avec les faits réels. Un grand moment cinéma.

Note :  

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18/20