La science-fiction est une machine littéraire qui parcourt les et si... sanslimites de notre imaginaire. Les rêves de la science d'hier ont permis les accomplissements les plus fous d'aujourd'hui. Et ceux d'aujourd'hui permettront les réalisations encore spéculatives de demain. Voyager dans le temps, vivre sur une autre planète, la science-fiction nous permet déjà de l'entrevoir. Rien ne lui est impossible et tout est plausible. Car elle est un miroir qu'on tend à notre société et dans lequel elle se réfléchit et qui fait que nous nous interrogeons aussi sur qui nous sommes vraiment ; et peut-être bien aussi sur nos destinées.
La science-fiction est un terme général. Elle se manifeste en sous-genres : space opera, cyberpunk, hard science-fiction, post-apocalyptique, biopunk... chacun de ces genres avec ses propres conventions offre une perspective sur notre destinée ou bien nous propose des solutions alternatives comme remèdes à nos maux.
Originellement, la science-fiction qui ne portait pas encore ce nom se logeait dans les utopies et les voyages fantastiques. Verne et Wells au dix-neuvième siècle ont ouvert une voie et lui ont donné une voix. Depuis, elle intègre des préoccupations selon son contexte d'écriture : écologie, intelligence artificielle, réalité virtuelle...
Une atmosphère singulière
Vous avez eu l'idée d'un univers. Qu'est-ce qui le distingue ? Dans Hunger Games, nous avons une extrapolation du panem et circenses de l'empire romain (distribution de pains lors des divertissements du cirque) comme contrôle social. Suzanne Collins critique aussi notre fascination pour le spectacle médiatique surtout lorsqu'il est cruel et c'est ce qu'il est déjà mais sous des atours glamour (encore une forme de contrôle).
En choisissant votre univers, faites en sorte que celui-ci vous ouvre des possibilités narratives. C'est-à-dire que dans votre univers, il y aura des événements. Un système oppressif par exemple engendre un mouvement de résistance. Dans cet univers, les personnages peuvent s'y développer et interagir les uns avec les autres. Et même avec le dernier homme sur terre, il a toujours un animal pour lui tenir compagnie ou il se l'invente.
Toute fiction a besoin de conflits à résoudre. S'il n'y en a pas, vous n'aurez rien à raconter qui puisse convaincre votre lecteur/spectateur. Pour finir, votre univers doit avoir un début, un milieu et une fin, c'est-à-dire une structure qui lui permet de se raconter.
Le monde sur le fil (1973) de Rainer Werner Fassbinder. Ce que j'ai appelé le moment de la création de l'univers : nous avons une réalité simulée par un supercalculateur (à l'époque de la sortie du film, c'était un terme très à la mode) ; les créateurs peuvent interagir avec cette réalité ; l'ignorance des êtres simulés concernant leur mode d'existence. Ce sont les lois immuables de cet univers.
Alors nous avons des règles et c'est sur celles-ci que l'intrigue peut s'appuyer : les deux mondes (réel et simulé) ne sont pas aussi étanches qu'ils le paraissent ; il en est de même de la conscience des entités simulées qu'on croyait limité ; pour finir, l'autorité des opérateurs sur la simulation n'est pas totale.
Moon (2009) de Duncan Jones traite d'exploitation minière de la lune et de clones humains. Ce sont des idées tout à fait exploitables selon nos connaissances actuelles. Et Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004) de Michel Gondry aborde une technologie d'effacement de la mémoire que nos connaissances en neurologie et en cartographie cérébrale nous autorise à penser.
L'art d'éviter les clichés
En tant que scénariste, vous devez éviter les éléments narratifs trop communs. Vous vous inspirerez certainement de ce qui a déjà été écrit par d'autres qui se sont probablement eux-mêmes inspirés d'auteurs et d'autrices qui les ont précédés. Que signifie trop communs ? Une intelligence artificielle qui se retourne contre l'humanité ? C'est tellement prévisible que cela ne passionne plus. Le voyage dans le temps pour réparer ce qui fut autrefois cassé est un moyen lorsqu'on est dans une impasse narrative, une espèce de deux ex machina car on ne sait plus comment sortir de l'ornière dans laquelle on est soi-même tombé.
De même des extraterrestres qui nous ressemblent presque trait pour trait ne sont plus acceptés par le lecteur/spectateur. Attribuez plutôt des émotions humaines ou même des intentions comme nous avons au quotidien à des entités abstraites incarnés dans une forme extraordinaire telle la mère dans Alien qui connaît tout comme Ripley le besoin de protéger sa progéniture.
Et si vous décidez de vous lancer dans une Terre post-apocalyptique, faites-le sous une nouvelle perspective. Certes, La guerre du feu n'est pas de la science-fiction mais ce monde partage de nombreux points communs avec une idée post-apocalyptique.
L'élu non plus ne fait plus recette. A moins qu'il ne soit pas destiné à sauver le monde. Quant aux hologrammes, faites les venir à l'existence. Offrez leur la possibilité d'éprouver les émotions et les pensées des âmes humaines qui sont à leur portée. Dit autrement, singularisez-les. Dans Prometheus (2012) de Ridley Scott, les Ingénieurs sont des hologrammes, seuls témoins de l'Histoire très ancienne de l'humanité.
Donc, assurez-vous que votre idée ne succombe pas à la facilité.
Comme dans de nombreux genres, la science-fiction n'échappe pas à ses conventions. C'est elles qui donne chair aux attentes du lecteur/spectateur que vous devriez tenter de subvertir. Et il appréciera. Ce sont par exemple un monde futuriste. Comment trompez l'attente du lecteur/spectateur ? Par exemple, plutôt que de montrer un monde qui a progressé, décrivez un cadre régressif parce que le monde est sous la coupe d'une élite autoritaire. Le progrès technologique est en effet une attente dans la science-fiction mais vous n'êtes nullement obligé d'y céder.
Donnez aussi à vos personnage une vraie personnalité. Quel qu'il soit, fouillez ses tréfonds.
Écrire la science-fiction
L'armée des 12 singes (1995) de Terry Gilliam, il est offert à James une rédemption pour son comportement asocial mais ses transferts dans différentes époques du passé proposent au lecteur/spectateur un puzzle narratif qui le maintient dans la récit (afin d'y garder le fil précisément). D'ailleurs, les scénaristes de L'armée des 12 singes, Janet et David Peoples se sont inspirés de La Jetée (1962) de Chris Marker. Au-delà du réel (1980) de Ken Russel utilise l'idée d'un caisson d'isolation sensorielle pour tenter de remonter jusqu'à l'origine de notre univers.
La perception du temps et de la réalité sont souvent altérées dans la science-fiction. En effet, l'auteur et l'autrice de science-fiction cherchent à repousser les limites de notre compréhension du monde. En mettant en doute notre perception actuelle, il s'interroge sur la possible illusion de nos perceptions. Et effectivement, on peut s'interroger : la réalité est-elle vraiment objective ? Ou n'est-elle que le fruit de notre imagination ? Nos sens n'ont-ils pas tendance à nous tromper ?
La science-fiction possède aussi un avantage pour l'autrice et l'auteur : ils peuvent traiter de philosophie sans être ennuyeux. Conscience, libre-arbitre, déterminisme... autant de sujets mis à notre disposition de manière claire par la fiction.