UN HEUREUX ÉVÈNEMENT (Critique)

Par Cliffhanger @cliffhangertwit

SYNOPSIS : " Elle m'a poussée dans mes retranchements, m'a fait dépasser toutes mes limites, m'a confrontée à l'absolu : de l'amour, du sacrifice, de la tendresse, de l'abandon. Elle m'a disloquée, transformée. Un heureux événement ou la vision intime d'une maternité, sincère et sans tabous.

En 2005, la parution du roman Un Heureux évènement d' Éliette Abécassis suscite la controverse car il désacralise la maternité. Six ans plus tard, Rémi Bezançon va adapter ce livre polémique pour le porter sur grand écran avec justesse et sensibilité. C'est surtout toute la tendresse du cinéaste. Il ne va pas prendre parti mais juste montrer, déployer, déplier cette période unique où tous nos codes vont venir se fracasser entre l'universalité d'un ultime bonheur et nos terribles impréparations à cet ouragan psychologique et aussi très matériel. Tout va faire sens, tout va faire nerf dans une exacerbation délirante des émotions contradictoires. Le générique de début d' Un heureux événement se compose de bruitages bienheureux et que l'on vous souhaite familiers avec les voix de Louise Bourgoin et Pio Marmaï dans l'intimité d'une nuit de plaisir. 9 mois après, tout commence !!! Mais finalement, l'histoire d'un enfant, donc l'histoire de la vie commence avant. En particulier dans la scène géniale du vidéo-club qui est celle de la rencontre entre Barbara et Nicolas. Rémi Bezançon va se servir de ce qui est sûrement sa propre cinéphilie comme outil de drague ultime où le futur couple s'envoie sans un mot de sacrés messages dans les propositions de Nicolas, le vendeur de DVD et les réponses de Barbara sa cliente. Il lui propose Un homme et une femme (1966) ou Les lois de l'attraction (2002), elle choisira La grande illusion (1937). Il y retourne avec Coup de cœur (1981) ou Rendez-vous (1985). Elle répondra par Rêves (1990). Il s'entête avec Juste un baiser (2001) et Sur mes lèvres (2001), elle enchaîne avec Les hommes ne pensent qu'à ça (1954). Jusqu'à ce qu'elle loue... Attrape-moi si tu peux (2002) dans un large sourire. Alors c'est le début de l'histoire : premier rendez-vous, premier baiser, premier Je t'aime. Les insouciances balbutiantes, l'inconsciente liberté et les désirs que l'on ne réprime jamais. C'est le temps des passions et de l'aventure, des légèretés éphémères. On passe de la lecture des cultes BD Strange (déjà présent dans Ma vie en l'air en 2005) à celle des Parents pour les nuls et toute la littérature associée. Mais surtout, dans des dialogues acerbes et spontanés qui font du cinéma de Rémi Bezançon tout un poème si proche de nous. On se marre beaucoup, on s'attendrit tout le temps, de la comédie jubilatoire, une humanité hautement bienveillante. Ce cinéma-là, il fait juste du bien.


Barbara au-delà d'être une femme va devenir aux yeux des autres une femme enceinte. Un heureux événement est cette anthropologie psycho-affective de la grossesse dans ses ineffables joies et ses grands drames. Pour être parents d'un enfant, ne plus être enfant de ses parents. Au-delà d'un véritable plaisir cinéphile, il devient comme un indispensable traité puissant et utile pour tout futur parent. Rien n'est épargné ou enjolivé avec ces formidables histoires d'amour qui finissent les pieds dans les étriers. Jusqu'à la scène jubilatoire de l'accouchement, sorte de bouquet final de l'enfer dans le parcours de mère de Barbara. Elle aura préféré sécher les cours d'accouchement sans douleur pour aller jouer au flipper dans les bars, ne sachant donc pas comment utiliser la pompe à péridurale. Il y aura Nicolas, la plus grande des incarnations de l'impuissance et la faiblesse masculine. Le corps de Barbara n'est plus que spasmes et convulsions. Quand on parle de devenir mère, on ne dit pas ces choses-là aux petites filles, l'intensité unique de cette douleur. Sans oublier la dizaine d'étudiants en médecine qui viendra contempler avec admiration le sexe de Barbara et la cicatrisation sous forme de haute couture de l'épisiotomie.... Le courage porte toujours définitivement le nom de la mère. Une scène de l'accouchement tournée sur deux jours en studio. Avec sa prothèse au ventre, sa fausse perfusion, un tensiomètre, de puissants projecteurs et la chaleur, Louise Bourgoin s'est évanouie... Le réalisateur a décidé de laisser ce moment dans la version finale du film. Et pourtant après l'enfer des douleurs au bloc, c'est le huis clos des pleurs et cris incessants. Barbara essaie de travailler sa thèse où l'altérité doit être traité dans son aspect phénoménologique, entre des lectures de Sénèque et de " Pourquoi votre bébé pleure ", c'est comme si tout son travail intellectuel était réduit à néant, tant un seul bébé a ce pouvoir de créer un chantier de couches, de biberons et toutes les autres joyeusetés qui envahissent l'espace et détruisent les neurones. L'allaitement, le cododo, le portage, les belles-mères, c'est très vite tout un bordel innommable. Léa, son bébé va devenir ce dictateur que pourtant sa mère va aimer follement.


Un heureux événement, c'est ce fil permanent, le bouleversement absolu d'une nouvelle vie qui va venir supplanter la votre avec tout ce que ça comporte de vorace dévoration réciproque. C'est aussi le re-questionnement violent du couple où l'on passe du romantisme passionnel de tout début d'histoire d'amour, de la drague poétique au DVD club à " chéri tu pourras m'acheter la crème pour les seins, tu sais l'anti-crevasse et aussi mes suppos anti hémorroïdes... Merci... " . Tout le monde n'est pas toujours prêt à Roméo et Juliette 2. La prodigieuse et inconnue intensité des sentiments que l'on porte à son enfant est bouleversante dans Un heureux événement. Comme un thriller de l'amour. Plus Barbara va se rapprocher de Léa, plus elle va s'éloigner de Nicolas. Pas de spoiler pour un thriller. Au casting, Louise Bourgoin écrase tout. Elle est tremblante d'émotions. Son engagement est profondément touchant, peut-être l'humilité de celle qui était jusqu'alors simplement identifiée comme une miss météo sur Canal, très irrévérencieuse et avec déjà un éclatant potentiel. C'est tout son corps qui est disséqué, et c'est toute son âme qu'elle répand sur la caméra de son réalisateur. Elle est juste parfaite, iconique et tout simplement inoubliable. Pio Marmaï lui rend parfaitement la réplique et leur complémentarité crève l'écran. Son interprétation paraît ici très juste et spontanée, très fraîche et sans doute plus fluide que ses quelques dernières sorties. En tous les cas, chez lui aussi, dans Un heureux événement, l'incarnation est totale.


Ce que démontre magistralement Un heureux évènement, est que si on ne met pas de mots sur cette souffrance si singulière de l'accouchement, c'est car elle se substitue à la seconde même de l'entrée en scène de l'être miniature en l'inconditionnalité parfaite de l'amour absolu. C'est comme un effacement, plus rien ne sera comme avant, car en face, c'est juste la plus belle personne que l'on a jamais rencontré. A pleurer de bonheur tous les soirs de toute une vie. Car c'est justement une grande histoire de vie, de celle dont on ne se lasse jamais !

Titre Original: UN HEUREUX EVENEMENT

Réalisé par: Rémi Bezançon

Casting: Louise Bourgoin, Pio Marmaï, Josiane Balasko...

Genre: Comédie dramatique

Sortie le: 28 Septembre 2011

Distribué par: Gaumont distribution

EXCELLENT