LE MYSTÈRE HENRI PICK (Critique)

Par Cliffhanger @cliffhangertwit


SYNOPSIS : Dans une étrange bibliothèque au cœur de la Bretagne, une jeune éditrice découvre un manuscrit extraordinaire qu'elle décide aussitôt de publier. Le roman devient un best-seller. Mais son auteur, Henri Pick, un pizzaïolo breton décédé deux ans plus tôt, n'aurait selon sa veuve jamais écrit autre chose que ses listes de courses. Persuadé qu'il s'agit d'une imposture, un célèbre critique littéraire décide de mener l'enquête, avec l'aide inattendue de la fille de l'énigmatique Henri Pick.

Le Mystère Henri Pick est tiré du livre du même nom de David Foenkinos, publié en 2016. Véritable thriller littéraire, à la recherche de l'auteur perdu, le cinéaste pour son adaptation nous livre qu' " un livre est un objet autrement plus signifiant qu'un microfilm ou une valise de billets. Il nous a permis d'évoquer directement notre thème principal, l'inconstante frontière entre fiction et réalité" . Rémi Bezançon tranche avec ce qu'il nous avait jusqu'alors présenté, notamment dans Ma vie en l'air (2005), Le premier jour du reste de ta vie (2008), Un heureux événement (2011), où les dialogues hautement percutants rythment la narration. Ici, c'est la narration qui construit l'intensité filmique. La bibliothèque insolite, improbable et tellement romantique des livres refusés, c'est le roman du roman, c'est la confrontation entre le nombrilisme littéraire très parisianiste et condescendant qui ne peut admettre qu'un pizzaïolo breton rédige un manuscrit de cette ampleur, l'universellement nommé Les dernières heures d'une histoire d'amour. C'est la rencontre de deux mondes, avec un léger manichéisme sans doute entre la facile suffisance de la capitale et le charme de la pointe Bretonne, à Crozon, là où bien sûr tout commence. Après tout Bukowski était facteur, Kafka travaillait dans une compagnie d'assurance, Lamartine était garde du corps etc... Alors, dans cette feutrée bibliothèque du bout de monde, les refus de publication se cachent parfois dès le titre : " Les poupées gonflables n'ont pas de problème de ménopause " ou encore " Comment cuisiner sur le moteur de votre voiture ". Alors, ça va être le cynisme face à la fraicheur, dans un film des contraires certes déjà un peu vu, mais clairement le secret de l'imposture littéraire ou du génie créatif inattendu va nous permettre de ne rien lâcher dans un rythme soutenu mais sobre. Les enjeux vont devenir très existentiels.

La fille de Henri Pick pour défendre la mémoire paternelle et le critique littéraire très cathodique, Jean-Michel Rouche car ce sont là toutes ses croyances sur l'art d'écrire qui sont ainsi remises en cause mais surtout enfin, le blasé va s'animer. Il va soupçonner tout le monde sauf Henri Pick d'avoir écrit les dernières heures d'une histoire d'amour, la bibliothécaire, le créateur décédé du rayon des livres jamais publiés, sa femme russe, la jeune éditrice, la fille d' Henri Pick elle-même, bref tout tant que ce n'est pas Pick ! Jusqu'à la révélation finale que bien sûr nous tairons ici. Le refus n'est pas une valeur qualitative. Combien de grands auteurs ont connu des décennies avant d'arriver à la postérité. Ce qui ne donne pas pour autant de la valeur à tout ce qui ne perce pas. Qui plus est dans une époque où tout le monde écrit et personne ne lit.

La mise en scène nous ballade dans le petit microsome des salons bourgeois très parisiens et l'air frais et marin de Crozon avec des mélodies notamment de violons aux accents de petit suspense amusant et gracieux. On se promène volontiers en se laissant guider par un rythme pas échevelé mais qui nous tient tranquillement en haleine. Le casting est essentiellement rythmé par le duo Fabrice Luchini / Camille Cottin. Le personnage de Rouche a tout de suite été pensé par Rémi Bezançon pour Luchini. Et c'est ce dernier, qui, après avoir accepté a recommandé pour lui donner la réplique Camille Cottin, avec qui il avait apprécié la collaboration dans la géniale série Dix pour Cent (2015/2020).

Clairement Le duo fonctionne tout autant ici. Luchini sans forcer et c'est aussi très appréciable, donne à son personnage l'engagement nécessaire pour le rendre crédible et donc autant attachant qu'agaçant. Camille Cottin comme à chaque fois se manifeste par cette authenticité qui la rend aujourd'hui indispensable et pas uniquement au cinéma français. Au final, en jouant sur l'entremêlement de différents registres et plus particulièrement la comédie sentimentale et le thriller sympathique doux amer, si Rémi Bezançon livre ici une œuvre qui se regarde sans déplaisir et même nous berce tranquillement, Le mystère Henri pick est presque un peu trop sage. Ce cinéaste est un véritable conteur et c'est ici l'intrigue plus que les personnages qui prend le pas et peut ainsi laisser un peu sur notre faim. Pour autant, le thème de la littérature mis en exergue est toujours synonyme d'attrait, et si on ne sort pas bouleversés, le moment est largement agréable.

Titre Original: LE MYSTÈRE HENRI PICK

Réalisé par: Rémi Bezançon

Genre: Comédie, Drame

Sortie le: 6 mars 2019

TRÈS BIEN