Le premier jour du reste de ta vie est le deuxième long métrage réalisé par Rémi Bezançon, après Ma vie en l'air en 2005. Comme l'annonce le pitch, Le premier jour du reste de ta vie est une sacrée affaire de temporalité. 5 personnages avec 5 journées qui vont changer des destins. Une véritable originalité qui va par ailleurs renforcer le sens de l'ellipse, car ces 5 jours étant à des moments très différents de la vie de tous, c'est notre intelligence autant que notre imaginaire qui sont ainsi convoqués. Un procédé finalement assez haletant. Déjà qu'avec ces dialogues tellement percutants et incisifs, l'originalité de cette mise en scène font du Premier jour du reste de ta vie une pépite qu'il est impossible de décrocher. " La vie familiale, c'est à la fois ce qui nous modèle et ce dont on s'affranchit. C'est le lieu de toutes les transmissions et de toutes les impasses" , nous dit très justement le cinéaste. C'est tout le rôle de nos familles dans nos trajectoires personnelles, références ou contre-modèles, on y revient toujours avec son cortège d'amour inconditionnel et de rancœurs inoubliables. Quelles que soient nos places et rangs dans nos cercles familiaux, la force empathique de ce film est totale. On va toutes et tous être émus par des passages très différents. Au-delà des époques, une seule constante évidemment, la valse des sentiments. Et notamment ce concours de guitar héro avec Baby stardust et son : " T'es peut-être même du style à tomber amoureux d'une fille à qui t'oserais jamais parler " et la réplique dorée de Raphaël, " Magic Finger " : " Ben je te parle là" . Un numéro de téléphone laissé sur un bout de papier... Celui-ci s'envole et se perd à jamais. 6 ou 7 ans après, Raphaël se rappelle du numéro et appelle !!! Et... en voilà une bonne raison pour découvrir le film !!
Et c'est bien toute la petite mélodie du bonheur de ce cinéma-là, comment les petits riens, ces micro détails d'une enfance deviennent nos mantras dans nos supposées vies d'adultes. Une mise en scène ciblée sur les grands enfants et les parents avec notamment les moments de tables familiales, où les pures vannes autant que les pires crapuleries fusent à la vitesse de balles réelles. Pour jouer sur le temps qui terriblement passe et nous surprend dans l'évolution de chaque protagoniste, c'est toute une musicalité qui s'exprime, avec Sinclair à la manette, là aussi comme dans Ma vie en l'air, qui mêle subtilement une authenticité de l'émotion et des euphories spontanées. La mort du grand père le jour du mariage d' Albert, la cérémonie doit-elle continuer. Cynique, rien que d'imaginer que la question puisse se poser, Robert, le fils du défunt, père du marié lâchera : " On aura qu'à pleurer demain" . C'est aussi la lecture interdite du journal intime de Fleur par sa mère Marie-Jeanne, comme un viol, un braquage de l'intime. Une lecture bouleversante tant Fleur passe des questionnements enfantins de ce qui est plus petit entre un microbe et une puce, à dans quel sens tourner la langue quand on embrasse un garçon pour la première fois, à cette histoire d'amour qui invariablement finira mal, ou bien faire l'amour avec un inconnu qui serait la solution pour ne pas souffrir, jusqu'à l'avortement caché à ses parents... Où est passé celle qui restera toujours pourtant le petit bébé de Marie-Jeanne ?
La famille ne serait alors qu'une machine à broyer les sentiments ? C'est tout aussi l'art des contes modernes façon Rémi Bezançon, l'amour de la famille dans cette unique tendresse mais aussi la lucidité acide. On en revient toujours avec ce cinéaste à cet art de la vérité dans les interactions, dans le lien aux autres, alternativement enfer et paradis.
A propos de Jacques Gamblin, Rémi Bezançon utilise les mots suivants très justes : " Son instinct et son perfectionnisme, son charme et son élégance forment un mélange détonnant. Il est terrien et lunaire à la fois. C'est un paradoxe très inspirant " . Oui Jacques Gamblin est cet acteur et cet homme tendre, mélancolique, un puissant transmetteur d'émotions. Zabou Breitman lui rend parfaitement la réplique, dans des questionnements imparables de femme, des doutes légitimes de mère. Elle pose avec une profonde nostalgie une sacrée universalité.
Autour du couple parental, c'est tout une touchante chorale, avec Pio Marmaï sec et dur comme rarement, Déborah François troublante de rébellion, Marc-André Grondin si touchant dans la constance de ses doutes. Ces deux derniers emporteront chacun-e- la statuette des meilleurs espoirs aux Césars en 2009, venant comme consacrer au-delà de leurs évidents talents, l'ensemble de la famille. A noter qu'on croisera Giles Lellouche en ridicule rasta blanc, gros fumeur de joints, mais tellement éclatant. Décidément son réalisateur aime le voir la cigarette qui fait rire à la bouche, tant il les enchaînait déjà dans Ma vie en l'air. Le premier jour du reste de ta vie, c'est la grande odyssée de la vie, avec la famille comme un catalyseur absolu. Une usine à exacerbation de toute la palette possible des émotions. Malgré l'accumulation d'apocalyptiques chaos autant que de fous bonheurs irrationnels, pour des parents, voir grandir ses enfants est le plus beau spectacle au monde. Un film qui fait du bien, un film lucide mais pourtant spectaculairement humain. Et car tout peut changer aujourd'hui, c'est cette urgence qui est ainsi très poétiquement dévoilé dans cette énergie si communicative d'un film où oui chaque jour est bien le premier du reste de notre vie.
Titre Original: LE PREMIER JOUR DU RESTE DE TA VIE
Réalisé par: Rémi Bezançon
Casting: Jacques Gamblin, Zabou Breitman, Déborah François ...
Genre: Drame
Sortie le: 23 Juillet 2008
Distribué par: StudioCanal