[Hors Compétition, film d’Ouverture]
De quoi ça parle ?
Il s’agit de la suite de Beetlejuice, du même Tim Burton, sorti en 1988.
Depuis les évènements du premier film, trente-cinq ans ont passé.
Lydia Deetz (Winona Ryder), l’adolescente gothique que l’infâme Beetlejuice souhaitait épouser pour revenir pour de bon d’entre les morts, est aujourd’hui adulte et mère de famille.
Elle a vécu une brève histoire d’amour avec un bel aventurier qui lui a donné une fille avant d’être porté disparu lors d’une expédition en Amazonie. Ses relations avec l’enfant, Astrid (Jenna Ortega), aujourd’hui adolescente, sont souvent aussi heurtées que celles qu’elle entretenait, plus jeune, avec sa belle-mère, Delia (Catherine O’Hara). Astrid, qui ne partage pas vraiment la passion de sa mère pour l’au-delà, reproche à cette dernière de passer plus de temps à s’occuper des morts que des vivants. Il est vrai que Lydia est totalement investie dans le show télévisé produit par son nouveau fiancé, Rory (Justin Theroux), une émission dédiée au paranormal, où elle met son don au service de personnes hantées par des fantômes.
La maison hantée du premier opus existe toujours et appartient encore au père de Lydia et à sa belle-mère, mais n’est plus guère fréquentée. Le chef de famille est le plus souvent en voyage pour photographier les oiseaux, tandis que Delia continue de développer son art en organisant des expositions avant-gardistes. Mais un évènement tragique va obliger la famille à se réunir à nouveau dans l’ancienne maison des Maitland (les sympathiques fantômes du film original) et cela va évidemment réveiller les obsessions de Beetlejuice envers sa bien-aimée.
Une série d’évènements, impliquant une ancienne dulcinée de Beetlejuice (Monica Bellucci), un flic de l’au-delà (Willem Dafoe) et une Astrid en quête d’émancipation, va obliger Lydia à pénétrer à nouveau dans le monde de l’Après-Vie, peuplé de de fantômes et de vers des sables effrayants.
Pourquoi on est prêts à convoquer une troisième fois le facétieux démon ?
Le premier opus avait réellement lancé la carrière de Tim Burton, après des courts-métrages remarqués (Vincent, Frankenweenie, …) et un premier long-métrage où le cinéaste avait dû composer avec l’univers singulier de Paul Reubens/Pee-Wee Herman (Pee-Wee Big adventure). Avec Beetlejuice, le cinéaste américain avait pu donner libre cours à sa créativité et proposer un univers visuel séduisant dont il a repris les motifs de nombreuses fois par la suite. Les spectateurs de l’époque se remémorent l’incroyable richesse du monde de l’Après-vie, avec sa salle d’attente pleine de défunts étranges (l‘explorateur dont la tête a été réduite par les Jivaros, la femme coupée en deux, le fumeur impénitent aux poumons ravagés…), les féroces vers des sables zébrés et les illusions générées par Beetlejuice pour flanquer la frousse aux vivants.
On retrouve tous ces ingrédients dans ce nouvel épisode de la saga et force est de constater que cela fonctionne toujours même si, évidemment, l’effet de surprise ne joue plus.
Beetlejuice Beetlejuice est une comédie fantastique assez déjantée, qui surclasse bien des blockbusters actuels grâce à sa vision artistique unique et le talent de metteur en scène de Burton. On replonge avec bonheur dans cet univers fascinant, à la fois drôle et effrayant, portés par le thème musical de Danny Elfman et on s’amuse des références à d’autres oeuvres de l’auteur ou à des films majeurs du cinéma fantastique. Les performances des acteurs aident beaucoup également, à commencer par le duo Lydia/Astrid dont les relations compliquées sont au coeur du récit. Héroïne burtonienne par excellence, Winona Ryder s’amuse beaucoup à reprendre son personnage et l’enrichir avec son vécu et son expérience d’actrice. Elle est très convaincante dans le rôle de cette femme désormais d’âge mûr (le coup de vieux pour le spectateur quinquagénaire qui l’a vue grandir au cinéma…), qui n’a jamais vraiment laissé derrière elle l’adolescente gothique aux dons paranormaux, mais est devenue à son tour une mère responsable et attentionnée. Face à elle, Jenna Ortega s’intègre sans problème à l’univers de Tim Burton, grâce à sa petite expérience de “scream queen” et surtout son rôle de Mercredi Addams dans la série Mercredi (dont Burton a signé quelques épisodes), qui l’a illico imposée en icône de la comédie fantastique noire.
Le hic, car il y en a un, hélas, c’est que la plupart des personnages ne sont pas aussi bien développés que ceux-là. Beaucoup disparaissent en cours de route, à l’instar de l’infortuné assistant de Delia, que l’on suit un moment, par à coups, mais finit par disparaître totalement du récit, sans explications. Le flic joué par Willem Dafoe n’a lui aussi que très peu de scènes et ne sert finalement pas à grand chose dans le déroulé du récit. Enfin, l’idée de faire de Delores (Monica Bellucci), l’ex-compagne de Beetlejuice, une créature dangereuse, entre le monstre de Frankenstein et une bimbo ensorcelante, était séduisante sur le papier et donne quelques jolies scènes à l’écran, mais on s’attendait là encore à ce que le personnage occupe un peu plus de place dans l’intrigue principale. Mais tout semble expédié assez vite, dans un final un peu décevant au regard du potentiel des sous-intrigues tissées durant plus d’une heure par le cinéaste.
Comme ces intrigues secondaires étaient nombreuses, on s’attendait à une dernière demi-heure grandiloquente, burlesque et échevelée, faisant se croiser l’ensemble des personnages, mais en mettant davantage en lumière le truculent Beetlejuice, (incarné avec talent par Michael Keaton, qui semble n’avoir pris aucune ride, même si son maquillage outrancier aide probablement à masquer son âge réel…) et ses inspirations loufoques. Ce n’est finalement pas le cas et on ne peut s’empêcher de trouver décevants les choix scénaristiques opérés.
Certaines scènes n’en demeurent pas moins réussies. Citons l’irruption d’un baby-tlejuice persécutant le malheureux Rory, les employés un peu “spéciaux” d’un Beetlejuice tyrannique ou encore le Soul train emmenant les âmes des défunts vers l’au-delà dans une ambiance festive (avec de la musique… soul). Et citons aussi la partie où Tim Burton recourt à l’animation pour faire apparaître à l’écran le personnage de Charles Deetz dans ce nouvel épisode, un choix malin puisque l’acteur Jeffrey Jones, qui incarnait le personnage dans le premier opus, a dû mettre fin à sa carrière suite à un scandale et qu’il n’était pas question de faire jouer directement dans le film. L’animation permet de contourner l’écueil et de faire apparaître le personnage tout en se passant des services de l’interprète original.
Enfin, il y a la toute dernière séquence onirique, surprenante et plus conforme à ce que l’on attendait de ce nouveau film. Elle laisse à espérer un troisième opus (Beetlejuice, Beetlejuice, Beetlejuice) en laissant les options ouvertes pour une suite. On en accepte l’augure, car il est évident que Tim Burton peut encore tirer profit de ce personnage haut en couleurs et aller plus loin dans le délire burlesque.
Contrepoints critiques :
”The movie is just a lightweight riff on “Beetlejuice” — a piece of fan service, really. It doesn’t give you the full monster-kitsch jolt that the original film had.”
(Owen Gleiberman – Variety)
”Une belle réussite qui devrait faire les beaux jours des salles en cette rentrée.”
(Olivier Bachelard – Abus de Ciné)
Crédits photos : images fournies par le service presse de La Biennale –
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