La Mélancolie (2024) de Takuya Kato

Après des années au théâtre, et quelques projets pour la télévision le réalisateur-scénariste Takuya Kato revient avec un second long métrage après son premier film "Grown-Ups" (2022) et rien de plus normal pour lui d'adapter une de ses propres pièces de théâtre. Pourtant le cinéaste explore son histoire avec quelques nuances, en effet dans la pièce Watako se sent coupable de la mort de son amant et on peut même penser qu'elle l'a tué. On retrouve cette nuance dans les titres en V.O., celui de la pièce signifie "se défaire" ou "se démêler" alors que celui du film signifie "s'emmêler", le cinéaste précise : "A l'origine de ce projet, je me suis interrogé sur l'étymologie du mot s'emmêler. J'ai visualisé cet espace dans lequel il y a deux trajectoires qui convergent et s'entrecroisent jusqu'à ne plus pouvoir se démêler. La question était de savoir comment faire pour que cette situation emmêlée puisse être démêlée. Or, pour démêler les choses il faudrait pouvoir rétrograder mais en suivant la trajectoire exacte que l'on a suivie jusqu'alors. On ne peut pas dévier d'un pas sous peine de s'emmêler à nouveau à un autre endroit."... 

Après la mort soudaine de son amant, Watako retourne discrètement à sa vie conjugale, sans pouvoir parler de cet accident à quiconque. Cachant son secret un temps, des sentiments qu'elle croyait désormais enfouis refont surface et vont la pousser à se confronter à ses problèmes... Watako est incarnée par Mugi Kadowaki vue entre autre dans "La Fille-Loup et le Prince Noir" (2016) de Ryuichi Hiroki, "Close-Knit" (2017) de Naoko Ogigami ou "Aristocrats" (2022) de Yukiko Sode. Citons ensuite Kentaro Tamura révélé dans "La Ballade de l'Impossible" (2011) de Tran Anh Hung mais qui travaillera ensuite essentiellement à la télévision, Shôta Sometani vu notamment dans "Real" (2013) de Kiyoshi Kurosawa, "Tokyo Tribe" (2014) de Sion Sono, "Legend of the Demon Cat" (2017) de Chen Kaige ou "First Love, le Dernier Yakuza" (2019) de Takashi Miike, Haru Kuroki vue dans "La Maison au Toit Rouge" (2014) de Yoji Yamada, "Dans un Jardin qu'on dirait Eternel" (2018) de Tatsushi Omori ou "La Famille Asada" (2023) de Ryota Nakano, puis Kanji Furutachi vu dans "La Comédie Humaine" (2008), "Au Revoir l'Eté" (2014) et "Harmonium" (2017) tous trois de Kôji Fukada ou plus récemment dans le magnifique et tragique "Annette" (2021) de Leos Carax... Il faut se laisser aller à plonger dans l'intimité de la société japonaise pour savourer à minima ce récit que beaucoup trouveront simplement ennuyeux et ennuyant, car trop calme et trop sage autant dans le fond que dans la forme. Il est d'abord question d'adultère, ce qui impose un minimum de désir et d'attirance. Il est ensuite question de remise en question, de culpabilité aussi, d'état d'âme ce qui implique introspection et de l'émotion.

Le film repose pourtant sur un paramètre qui est à la fois logique puisqu'il naît du contexte social nippon, puis qui est à la fois un mur qui peut bloquer les émotions, à savoir la pudeur, une pudeur très forte et très présente qui n'est pas forcément aisé d'assimiler pour ceux issu de l'Occident. Le pire est que le réalisateur fait un choix de mise en scène qui accentue la distance et donc cette barrière invisible qui nous éloigne des personnages. Ainsi il filme jamais en gros plan, jamais on ne perçoit réellement les visages exception faite de quelques plans sur le personnage principal féminin. Il explique : "J'ai justement fait en sorte de maintenir une certaine distance afin que le spectateur ait la place de se poser des questions, de se demander ce que le personnage peut bien penser." Mais comment croit-il que des centaines d'autres films sur des sujets similaires sont dénués de réflexion en étant plus proches de leurs personnages ?! Grosse pensée au cinéma de ses compatriotes de Ozu à Mizoguchi en passant par par Kore-Eda ou Yamada. Malheureusement c'est ce qui manque au film, la pudeur nippone est douce, salvatrice même parfois, mais si on nous éloigne du peu que nous pouvons espérer les émotions s'envolent. On ne perçoit jamais de passion entre les amants, aucun désir ou étincelle pour croire une quelconque folie érotique, tout nous ramène à une histoire platonique. Tout semble un peu endormi, à l'image de la routine et la monotonie au sein du couple qui se meurt. On comprend la symbolique mais un peu plus de chair aurait donné de la "texture" et un peu de grain (de folie) à une histoire touchante et délicate mais aussi un peu trop lancinante et maussade. 

Note :                 

Mélancolie (2024) Takuya KatoMélancolie (2024) Takuya Kato

13/20