Jarhead - la Fin de l'Innocence (2005) de Sam Mendes

Après un coup de maître avec son chef d'oeuvre "American Beauty" (1999) et un essai transformé avec "Les Sentiers de la Perdition" (2002) le réalisateur Sam Mendes choisit comme troisième projet un film de guerre, mais pas un film d'action ou ni un film historique mais une sorte de biopic psychologique en choisissant d'adapter le livre éponyme (2003) de Anthony Swofford qui raconte son expérience lors de la Guerre du Golfe et plus précisément durant l'opération Bouclier du Désert (tout savoir ICI). Le cinéaste explique pourquoi ce choix : "A ma première lecture du livre d'Anthony Swofford, j'ai surtout été sensible à son approche subjective de la guerre, vue à travers les yeux d'un homme à la recherche de lui-même. J'ai été passionné par le mélange de machisme, d'humour, de situations surréalistes, et d'observations politiques très pointues. Ce récit de guerre, qui ne ressemblait à aucun autre, nous parle d'une guerre qui ne ressembla à aucune autre. Pouvait-il donner naissance à un film de guerre qui ne ressemblait à aucun autre ?" Précisons que le terme "Jarhead" signifie littéralement "tête de jarre" et renvoie à la coupe de cheveux des Marines et qui devient ainsi leur surnom au sein des troupes. Le scénario est signé de William Broyles Jr. connu pour avoir signé les scénarios des films "Apollo 13" (1995) de Ron Howard, "Seul au Monde" (2000) de Robert Zemeckis ou "La Planète des Singes" (2001) de Tim Burton. Le réalisateur retrouve et retrouvera plusieurs membres de son équipe technique et pas des moindres avec notamment le chef décorateur Dennis Gassner et le Directeur Photo Roger Deakins qui ont aussi collaborer sur plusieurs films des frères Coen, puis le compositeur Thomas Newman tandis que, pour l'anecdote, on remarque que le monteur n'est autre que Walter Murch qui était déjà à l'oeuvre sur un chef d'oeuvre du genre avec "Apocalypse Now" (1979) de Francis Ford Coppola, film présent dans "Jarhead" comme références aux côtés des clins d'oeil sur "Voyage au Bout de l'Enfer" (1978) de Michael Cimino et dans une moindre mesure "Full Metal Jacket" (1987) de Stanley Kubrick. Malgré un bel accueil critique le film rentrera à peine dans ses frais engrangeant moins de 97 millions de dollars pour un budget à 72 millions... Eté 1990, à peine vient-il de fêter des vingt ans, Anthony Swofford suit les pas de son père et son grand-père militaires et part au Moyen-Orient. Engagé dans la Guerre du Golfe son bataillon est déployer dans le désert saoudien. Mais très vite toute une génération de jeunes soldats vont apprendre que la guerre est parfois une illusion où la peur ou la soif existent autant que l'ennui et la frustration... 

Le personnage principal et futur auteur est incarné par Jake Gyllenhaal alors en pleine ascension après "Donnie Darko" (2001) de Richard Kelly et "Le Secret de Brokeback Mountain" (2005) de Ang Lee, et retrouvera plus tard dans "Detention Secrète" (2008) de Gavin Hood et "The Guilty" (2021) de Antoine Fuqua son partenaire Peter Sarsgaard remarqué dans "Another Day in Paradise" (1998) de Larry Clark et "Boy's Don't Cry" (1999) de Kimbery Peirce et pus récemment dans "The Batman" (2022) de Matt Reeves et "Memory" (2023) de Michel Franco. Gyllenhaal retrouvera aussi dans "Demolition" (2015) de Jean-Marc Vallée l'acteur Chris Cooper qui était dans "American Beauty" (1999) et qui retrouvera dans un autre film de guerre "Le Royaume" (2007) de Peter Berg son partenaire Jamie Foxx devenu une star après coup sur coup "Collateral" (2004) de Michael Mann et "Ray" (2005) de Taylor Hackford. Citons ensuite Lucas Black aperçu dans "La Tête dans le Carton à Chapeaux" (1999) de Antonio Banderas ou "Retour à Cold Mountain" (2003) de Anthony Minghella et surtout remarqué dans la saga "Fast and Furious" (2006-2021), Brian Geraghty vu encore au Moyen-Orient dans "Démineurs" (2009) de Kathryn Bigelow et qui retrouvera juste après dans "Bobby" (2006) de Emilio Estevez son camarade Jacob Vargas aperçu dans "Traffic" (2000) de Steven Soderbergh et remarqué dans le très bon "Sleep Dealer" (2008) de Alex Rivera, Evan Jones qui retourne en enfer dans "Rescue Dawn" (2006) de Werner Herzog puis croise d'autres groupes violents dans "Gangster Squad" (2013) de Ruben Fleischer et "Criminal Squad" (2018) de Christian Gudegast, Laz Alonso aperçu dans "Constantine" (2005) de Francis Lawrence et "Steppin'" (2007) Sylvain White, puis retrouvera dans "Detroit" (2017) de Kathry Bigelow l'acteur John Krasinski qui se réellement révélé dans "Away We Go" (2009) de Sam Mendes avant de passer derrière la caméra avec les succès des films d'horreur "Sans un Bruit" (2018-2020), et enfin Dennis Haysbert remarqué dans le très beau "Loin du paradis" (2002) de Todd Haynes et ensuite dans "Goodbey Bafana" (2007) de Bille August... Le film débute de façon clin d'oeil à "Full Metal Jacket" (1987) dont la référence fait loi mais qui reste parfaitement cohérent puisqu'on reste dans la logique d'incorporation des Gi's et autres Marines. On s'attend ensuite logiquement à un film de guerre plus ou moins classique, à savoir des jeunes qui vont tomber de haut en étant confronter à l'horreur de la guerre. Mais Sam Mendes va plutôt choisir un autre angle de vue, car si la guerre est dégueulasse il n'en est pas moins vrai que la grande partie du temps les soldats loin de chez, loin de tout, à attendre et à s'ennuyer, à revenir à des choses primaires où ces jeunes hommes redeviennent parfois de grands enfants qui, seulement de temps à autres, se retrouvent confronter à la réalité du terrain et aux enjeux géopolitiques qui les dépassent. En cela, le réalisateur retranscrit parfaitement le flou artistique d'une guerre "moderne" : "Nos souvenirs de la Guerre du Golfe ce sont ces minuscules images télévisées, parfaitement propres, des frappes "chirurgicales" sur des villes en modèle réduit, dont on ne pouvait même pas concevoir qu'elles fussent habitées. Sur le terrain, les militaires n'avaient aucune idée de la situation. Nous non plus d'ailleurs, puisque nous n'y avions pas accès. C'est pour cela que j'ai eu envie de découvrir ce conflit à travers les yeux d'un fantassin. Les expériences de Tony dans le désert révèlent la face cachée de la Guerre du Golfe, elles sont à l'exact opposé de ce que nous croyons être "normal" dans le déroulement de toute guerre..." 

On se retrouve ainsi immergé dans une guerre de position et d'attente, entrecoupée de quelques missions qui ne semblent pas spécialement nécessaires ou même utiles. C'est sur ce point que la mise en scène de Sam Mendes est aussi judicieuse que maline, ainsi il ne filme jamais des plans ou des scènes en plan large et aérien, il filme à hauteur d'homme pour que la caméra ne filme que ce que peuvent voir les soldats, en l'occurrence essentiellement Anthony Swofford/ Gyllenhaal, témoin et acteur des événements. Si le film de guerre n'est pas un pur film d'action, le cinéaste a tout de même souhaité une authenticité "physique", et a demandé aux acteurs principaux de suivre un stages sous la direction du sergent-major James Dever un des plus fameux conseiller technique à Hollywood depuis "Le Maître de Guerre" (1986) de et avec Clint Eastwood. L'atmosphère est pesant, voir anxiogène quand on perçoit un danger insidieux, puis alterne avec une sorte d'innocence en camp de scouts jusqu'à ce qu'on nous rappelle dans uen fin émouvante que la guerre n'est définitivement pas un jeu. Le réalisateur signe un film d'une rare intelligence, montrant la guerre de façon singulière, où être en dilettante n'est qu'une courte illusion. Un superbe film à conseiller.

Note :                 

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16/20