Déjà réalisateur de quelques films comme "Symphonie pour un Massacre" (1963) ou "Avec la Peau des Autres" (1966), Jacques Deray se lance dans un projet ambitieux, un thriller psychologique dont le scénario est écrit par Alain Page alias le romancier Jean-Emmanuel Conil qui écrira plus tard "Tchao Pantin" (1983) de Claude Berri, puis Jean-Claude Carrière scénariste réputé qui travaillera à nouveau avec le réalisateur sur "Borsalino" (1970), "Un Peu de Soleil dans l'Eau Froide" (1971), "Un Homme est Mort" (1972) et "Le Gang" (1977). Le rôle principal est assuré par la star Alain Delon qui est particulièrement investi en tant que producteur via sa société Adel Productions qu'il vient de fonder. Alors que pour le rôle féminin il est envisagé l'actrice américaine Angie Dickinson, Delon impose son ex-grand amour qui l'avait lancé, Romy Schneider ce à quoi le co-producteur Gérard Beytout aurait répondu "imaginer mal Sissi en bikini". Mais Delon insiste au risque de quitter le projet. Deray retrouvera bien Angie Dickinson plus tard pour son film "Un Homme est Mort" (1972). Le film est un succès porté par les très médiatiques retrouvailles du couple Schneider-Delon, avec plus de 2,3 millions d'entrées France. Ce film est alors le premier succès commercial du réalisateur et signe le grand retour de Romy Schneider après un petit creux dans sa carrière après la naissance de son fils. Le film va inspirer plusieurs futur réalisateurs, citons entre autre "Swimming Pool" (2003) de François Ozon, et surtout le remake hollywoodien "A Bigger Splash" (2015) de Luca Guadagnino... Jean-Paul et Marianne forment un couple amoureux et heureux. Ils passent des vacances à deux dans une villa aux alentours de Saint-Tropez jusqu'à l'arrivée surprise de Harry, un vieil ami de Jean-Paul mais aussi un ex-amant de Marianne qui arrive avec sa fille de 18 ans, Pénélope. Très vite, le trouble et les tensions vont parasiter les vacances...
Le couple est aussi glamour qu'icônique avec logiquement Alain Delon qui retrouve sa belle Romy Schneider après "Christine" (1958) de Pierre Gaspard-Huit, "Plein Soleil" (1960) de René Clément, "L'Amour à la Mer" (1962) de Guy Gilles sans compter "Paris Brûle-t-il ?" (1966) de René Clément où l'actrice a été coupé au montage, et se retrouveront une ultime fois dans "L'Assassinat de Trotsky" (1972) de Joseph Losey. Si Romy ne tournera plus avec Deray Delon lui retrouvera son réalisateur encore à huit reprises jusqu'à "L'Ours en Peluche" (1994). L'ami est joué par Maurice Ronet qui retrouve le couple après "Plein Soleil" (1960) et qui retrouve et retrouvera encore Delon entre "Les Centurions" (1966) de Mark Robson et "Mort d'un Pourri" (1977) de Georges Lautner, tandis que sa fille est interprétée par Jane Birkin remarquée auparavant dans "Blow-Up" (1966) de Michelangelo Antonioni et qui vient de tourner en France "Slogan" (1968) de Pierre Grimblat avec un certain Serge Gainsbourg (qui avait peur que sa belle le quitte pour un de ses partenaires, ayant déclaré "S'il y en a un qui touche à Jane, je le bute !"), elle retrouvera Romy Schneider dans "Le Mouton Enragé" (1974) de Michel Deville. Le policier est incarné par Paul Crauchet qui tournera pas moins sept films avec Delon entre "Paris Brûle-t-il ?" (1966) et "Flic Story" (1975) de Deray, retrouvant aussi Thierry Chabert qui jouera dans plusieurs autres films de Deray dont deux avec Delon dans "Flic Story" (1975) et "Le Gang" (1976), Steve Eckart qui retrouve aussitôt après Delon dans "Le Clan des Siciliens" (1969) de Henri Verneuil, Maddly Bamy une des claudettes du chanteur Claude François qui a été maîtresse de Alain Delon et qui sera dernière compagne de Jacques Brel, mais surtout qui sera plus tard dans les films "L'Amour Fou" (1969) de Jacques Rivette ou "L'Aventure c'est l'Aventure" (1972) de Claude Lelouch... Le film débute comme une carte postale avec une villa de rêve, puis enfin du glamour avec un couple icônique qui fait rêver et quelques minutes d'une sensualité folle dont on n'avait pas l'habitude, encore moins avec Alain Delon et Romy Schneider. L'été, la piscine, la beauté et l'amour qui favorise judicieusement la sensualité à l'érotisme. Quelques minutes de bonheur dont la magie opère aussi parce qu'on savoure les retrouvailles des deux acteurs dont la complicité est encore et toujours évidente.
Mais l'intrigue prend vite forme avec l'arrivée de leur ami et de sa fille. Aussitôt le malaise est palpable, la jalousie est évidente et si il y a secret il y a surtout les non-dits et une jalousie omniprésente sans qu'on sache vraiment si elle est justifiée. Malgré tout les uns et les autres jouent avec le feu, on attise les désirs comme des promesses intenables, on provoque des situations plus ou moins gênantes, et plus le temps passe plus les répliques font mouches jusqu'à devenir blessantes. Le personnage de Pénélope/Birkin est sans doute un peu trop en retrait, mais le trio Ronet-Delon-Schneider fonctionne à merveille et dont le charme forme une filiation étonnante avec "Plein Soleil" (1960). La tension monte subrepticement jusqu'à ce dîner fatidique où les masques tombent. L'arrivée du policier redonne pourtant de l'intérêt avec un Paul Crauchet épatant en flic trop malin qui avance à coup de réflexions insidieuses. A noter que la version française est un peu plus longue (122mn) que la version anglaise (114mn) et pourtant la fin anglophone est différente pour une version où le sens moral doit avoir la primauté. On privilégiera évidemment la version française. Jacques Deray signe un thriller psychologique et sensuel (plutôt qu'érotique) d'une élégance qui ne gâche nullement les failles humaines entre jalousie et désir. Un grand film à voir et à conseiller.
Note :