De quoi ça parle ?
D’une femme de pouvoir, présidente d’une entreprise fabriquant des chaînes logistiques entièrement robotisées, qui voit sa vie ordonnée complètement chamboulée par l’arrivée d’un stagiaire séduisant.
Romy (Nicole Kidman) est habituée à tout contrôler. Elle prend des décisions complexes avec fermeté et autorité, donne ses ordres, prend soin de verrouiller sa communication comme elle prend soin de son image, à coups d’injections de botox et d’acide hyaluronique qui lui valent les sarcasmes de sa fille, une adolescente rebelle, mais lui permettent de rester séduisante malgré les années.
Cependant, elle ne s’épanouit pas du tout dans ce rôle. Elle aimerait parfois perdre le contrôle, s’abandonner, se mettre en danger. Samuel (Harris Dickinson), un nouveau stagiaire un peu hardi, a décelé cette faille. Il lui propose de nouer une relation extra-professionnelle basée sur un rapport dominant-dominée. D’abord rebutée par cette idée, Romy finit par se laisser séduire et accepte de se faire humilier par le jeune inconnu, qui la malmène, l’infantilise, mais lui fait connaître des plaisirs qu’elle n’a jamais connu avec son conjoint (Antonio Banderas). Mais cette liaison n’est pas sans mettre en péril sa position, son couple et sa famille.
Pourquoi on donne la fessée ?
Désolé, mais on ne croit pas un instant à cette liaison “sulfureuse” entre la femme d’affaires impitoyable et le stagiaire fadasse. Ni leurs jeux de domination assez puérils, ni leurs ébats, encore moins émoustillants que ceux du déjà mièvre Cinquante nuances de Grey, ne réussissent à nous faire adhérer à l’intrigue. On croit plus en la relation sado-masochiste que la cinéaste essaie de nous imposer à nous, spectateurs.
Pourquoi chercher à nous infliger cela? Et pourquoi infliger cela aux acteurs? La plupart des scènes sont assez gênantes, non pas pour leur côté obscène, mais pour le ridicule qu’elles dégagent. Imposer à Nicole Kidman de se présenter comme une femme frustrée ne prenant son pied qu’en se masturbant devant du porno puis, quinze minutes plus tard, comme une gamine attardée, est une idée assez curieuse. Tout comme la tentative d’inversion des rôles entre Harris Dickinson et Antonio Banderas, en faisant apparaître le premier comme un séducteur charismatique et le second comme un pleurnichard dévirilisé. Les dialogues sont d’une platitude totale, surtout quand ils sont déclamés avec autant d’expressivité sur les visages (Nicole Kidman a replongé, niveau botox, et Harris Dickinson est tout aussi atone que dans Sans filtre). Les situations, elles, sont finalement assez convenues et peu de scènes viennent nous surprendre, hormis celles avec la jeune assistante de Romy, qui a une conception originale de l’organisation de l’entreprise, et les interventions impertinentes de la fille du personnage principal, impitoyable avec sa génitrice.
On reconnaîtra à Nicole Kidman un certain courage de s’exposer ainsi devant la caméra. Elle n’hésite pas à se mettre à nu, dévoilant son corps de quinquagénaire, à se moquer de ses retouches de chirurgie esthétique ou de sa beauté déclinante. On comprend et respecte cette volonté de redonner aux femmes matures leur place dans le cinéma américain, qui a tendance à faire disparaître les actrices dès qu’elles atteignent la quarantaine, sauf exceptions. Mais pas sûr que ce personnage antipathique au possible aide à faire avancer cette cause.
L’avantage, c’est que le film est d’une durée acceptable, bien loin de la durée moyenne des films de la compétition vénitienne cette année. Au moins, le supplice a été de courte durée…
On se demande vraiment ce que ce long-métrage fait en compétition sur le Lido, si ce n’est pour bénéficier de la présence de Nicole Kidman sur le tapis rouge et assurer le quota de réalisatrices
Contrepoints critiques :
”The twosome’s on-screen chemistry gains even more spice from the enormous off-screen power gap you can’t put from your mind.”
(Robbie Collins – The Telegraph)
”Without Kidman in a fearless turn and Dickinson there to pivot her to the edge, “Babygirl” wouldn’t work as smashingly as it does. This is a sexy, darkly funny, and bold piece of work. Don’t sleep on it.”
(Ryan Lattanzio – Indiewire)
Crédits photos : Images fournies par le service presse de La Biennale Cinema – copyright Niko Tavernise