[Venise 2024] “Trois amies” d’Emmanuel Mouret

Trois amies affpro[Compétition]

De quoi ça parle ?

Des affres de l’amour et du hasard, à travers les histoires de coeur de trois amies.

Joan (India Hair) confie à Alice (Camille Cottin) qu’elle n’est plus amoureuse de son compagnon, Victor (Vincent Macaigne). Elle apprécie encore leur complicité, les souvenirs communs qu’ils se sont forgés, mais elle culpabilise de ne plus éprouver des sentiments aussi forts que ceux de Victor, qui finissent par l’étouffer. Elle reste avec lui à cause de cette culpabilité et du bien-être de leur fille de huit ans.
Alice lui conseille d’être patiente. Pour elle, il est normal que dans un couple, il y ait un des deux plus amoureux que l’autre. Elle lui révèle même ne pas du tout être amoureuse de son homme, Eric (Grégoire Ludig), et que ce sont ses sentiments à lui, inaltérables, qui font tenir leur passion.
Elle ignore que son conjoint entretient une liaison avec une autre de leurs amies, Rebecca (Sara Forestier), mais qu’il n’a pas encore eu le courage de l’abandonner.
Rebecca, elle, attend de savoir si Eric va finir par se lancer ou se lasser. Cette relation cachée et frustrante limite ses horizons, même si elle commence à regarder ailleurs, notamment sur des applications de rencontres.

Pourquoi on est amoureux du nouveau Mouret ?

Emmanuel Mouret est passé maître dans l’art de ces comédies dramatiques entre marivaudage et mélodrame. Il en fait une fois de plus la démonstration avec ce film-choral tout en finesse et en élégance, reposant sur un scénario brillamment construit.

Comme souvent chez Mouret, le début du film est assez bavard, entre la voix off qui explicite le contexte – le drame vécu par Joan en point de départ – et les discussions quasi théâtrales entre les trois amies, qui permettent également de présenter les personnages et leurs conceptions différentes des rapports amoureux et du couple. Ce dispositif permet par la suite de confronter ces stéréotypes initiaux à différentes situations, souvent cruelles, qui permettent aux personnages d’évoluer et de s’étoffer, pour in fine émouvoir le spectateur.
Si l’amour, dans les premiers films du cinéaste, était un sentiment pur et idyllique, souvent de l’ordre du coup de foudre, et donnait de jolies comédies romantiques, il se fait autrement plus complexe aujourd’hui. Plus grave, plus douloureux. Dans Trois amies, l’amour est le plus souvent volatil, versatile et n’est que rarement partagé par l’autre, ce qui est parfois une source de souffrances et de désespoir pour la personne amoureuse. Les trois personnages principaux, mais aussi les personnages secondaires, vont tous connaître des hauts et des bas, des emballements et des déceptions. Rien n’est gagné d’avance, rien n’est facile. Ils doivent faire des concessions, s’adapter, et même renoncer.
Mais attention, ce n’est pas une oeuvre sombre et déprimante. Les personnages peuvent être blessés, douter, mais sont prêts à s’enflammer à nouveau. Il y a constamment l’espoir de trouver le ou la partenaire idéale, et si ce n’est pas le cas, cela peut aussi se transformer en de belles histoires d’amitié ou juste des rencontres enrichissantes, qui peuvent changer des vies.

Trois amies offre son lot de moments magiques, souvent drôles, parfois poignants, qui permettent à chaque actrice, chaque acteur, de briller. C’est assez rare pour être souligné, mais c’est un film choral équilibré, qui réussit parfaitement à traiter son sujet sans que l’on n’aperçoive trop les ficelles du récit, sans tomber dans le mélodrame facile ni la comédie mièvre. En bref, c’est une réussite, dans la lignée de Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait.
On l’espère au palmarès, même si beaucoup de festivaliers étrangers semblent l’avoir jugé “trop français”. Vraiment? Le film fait pourtant penser, par bien des aspects, à certains films de Woody Allen, autre spécialiste des comédies dramatiques sur le couple et les tourments du coeur. Mais peu importe la nationalité du film tant que ses qualités artistiques nous emportent. Celui-ci, assurément, atteint sa cible. En plein coeur.

Contrepoints critiques :

”A Loosely Knotted French Braid of Not-So-Illicit Affairs”
(Guy Lodge – Variety)

”[Emmanuel Mouret] parvient dans Trois amies à développer ses thèmes de prédilections en les poussant encore plus loin, dans une orfèvrerie de situations qui confine au génie tellement tout fonctionne à la perfection.”
(Florent Boutet – Le Bleu du miroir)

Crédits photos : Images fournies par le service presse de La Biennale Cinema