De quoi ça parle ?
De la vie de Riccardo Schicchi (Pietro Castellitto), fondateur de Diva Fortuna, un studio de production de films pornographiques et de photos de charme dans les années 1990, et la destinée hors normes de certaines de ses collaboratrices, dont son épouse Eva Henger (Tesa Litvan), son assistante Debora (Barbara Ronchi) et ses actrices les plus célèbres, Ilona Staller alias “La “Cicciolina” (Lidija Kordic) et Moana Pozzi (Denise Capezza).
Pourquoi une critique demi-molle ?
A vrai dire, on ne savait pas grand chose de ce studio et de son fondateur, dont l’aura sulfureuse n’a pas vraiment débordé au-delà des frontières italiennes. En revanche, on avait déjà entendu parler de la Cicciolina, bimbo provocante se déplaçant toujours la poitrine à l’air et l’ours en peluche à la main. Cette dernière avait surpris en réussissant à se faire élire députée en 1987, puis en continuant sa carrière politique sous la bannière d’un parti cofondé avec Moana Pozzi, autre actrice de films érotique qu’elle a rencontrée chez Diva Futura, mais elle ne donnait pas vraiment l’impression de briller par son intelligence.
Le premier intérêt de Diva Futura est de présenter la bimbo, et ses collègues, sous un tout autre jour. Avec son comportement provocateur, Staller tentait de bousculer une société italienne trop conservatrice. Mais elle militait aussi pour une meilleure éducation sexuelle, la légalisation des maisons closes et d’autres mesures censées améliorer la condition féminine, sans parler de ses engagements auprès des écologistes et des radicaux. Elle est ensuite partie aux Etats-Unis, où elle a vécu une brève liaison avec l’artiste Jeff Koons, dont elle a eu un enfant. Cet enfant, et la longue bataille juridique pour sa garde, entre Italie et Etats-Unis, l’ont ensuite incité à se mettre en retrait de la vie politique et médiatique.
Son amie Moana Pozzi, telle que décrite dans le film, semblait avoir encore plus de potentiel en politique. Après avoir fondé avec elle le “Parti de l’Amour”, elle aurait probablement pu, dans d’autres circonstances, obtenir à son tour un siège de députée. Moins exubérante, moins sulfureuse, elle brillait par sa finesse, son intelligence, ses qualités de communicante et présentait surtout un programme électoral cohérent, des idées de mesures précises. Cependant, elle n’a jamais réussi à enlever cette étiquette de “star du X” qui lui collait à la peau et à convaincre suffisamment d’électeurs. Elle est décédée à seulement 33 ans, sans avoir pu déployer son plein potentiel en tant qu’actrice classique et que femme politique.
Riccardo Schicchi a aussi connu un destin singulier et un décès précoce, mais il a réussi à sérieusement bousculer les codes de l’érotisme en Italie. Enfant inhabituellement mature, s’intéressant aux revues érotiques avant l’âge, devenu un adulte totalement immature, constamment hors sol et embarqué dans des projets farfelus, Schicchi a quand même réussi à se forger un empire totalement basé sur l’érotisme et la pornographie. Il aurait probablement pu continuer à mener son navire un peu plus loin sans ses ennuis judiciaires et son refus des nouveaux codes de la pornographie, à la fin des années 1990, qui ont vu la concurrence d’internet et des productions de films hard plus violents, obligeant les actrices à des actes sexuels dégradants. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, il était féministe et respectait les femmes, même s’il a ouvertement basé sa carrière sur l’exploitation des femmes.
Le film de Giulia Louise Steigerwalt raconte leurs histoires, ainsi que celles d’Eva Henger, la compagne de Riccardo Schicchi, et de Debora, l’assistante dévouée, seule femme non-érotisée (même si son interprète, Barbara Ronchi, est belle à se damner) de cet univers singulier, en usant d’une narration non-chronologique assez bordélique, à l’image, finalement, de cette société de production abritant des studios de tournage, des clubs de striptease, stockant des costumes et des accessoires improbables et faisant se côtoyer, dans les mêmes bureaux, trucs en plumes, hommes à poil, livreurs de colis et investisseurs en costard…
La cinéaste cherchait probablement à s’inspirer de Quentin Tarantino, pour cette narration morcelée, éparpillée façon Pulp fiction, et Paul Thomas Anderson, pour la volonté de montrer les deux versants du monde de la pornographie, comme dans Boogie nights. Hélas, elle ne possède le talent ni de l’un, ni de l’autre et sa mise en scène s’avère trop médiocre pour réussir à tirer parti d’un dispositif aussi ambitieux. Fort heureusement, elle peut compter sur un scénario réussissant à bien équilibrer moments de comédie et de drame et sur une troupe de comédiens attachants, donnant envie de mieux connaître les personnages.
Au final, Diva Futura n’est pas le grand film souhaité par sa cinéaste, mais le résultat est loin d’être honteux. Avec un tel sujet, on pouvait craindre le pire de la part de nos voisins transalpins, parfois guère inspirés quand on touche au mélodrame et à des sujets scandaleux. Mais c’est un long-métrage honnête, mené tambour battant et faisant découvrir un milieu finalement peu abordé dans le cinéma classique.
Contrepoints critiques :
“Diva Futura è quindi un’opera seconda davvero sorprendente, piena di una carica sfrontata, divertente, creativa, sgangherata, pungente e dai tempi comici perfetti che sembrerebbe quasi abbracciare l’umorismo tipico del cinema del suo protagonista Pietro Castellitto.”
(“Diva Futura est donc un deuxième long métrage vraiment surprenant, une charge effrontée, drôle, créative, déséquilibrée, mordante et parfaitement rythmée, qui semble presque embrasser l’humour typique du cinéma de son protagoniste Pietro Castellitto.”)
(Alessandro Ritrovato – Screenworld)
”So frantically edited, the zany back-and-forth period changes from 1992 to Schicci’s death in 2012 seem determined to cause whiplash and it’s difficult to ascertain Steigerwalt’s intentions. Initially a light comedy, neither the screenplay nor its key players seem to know when frivolity is supposed to shift gears when personal tragedies, legal backlashes, and a shifting market desiring misogyny becomes apparent.”
(Nicholas Bell – ioncinema)
Crédits photos : Images fournies par le service presse de La Biennale Cinema – copyright Lucia Iuorio