L'Exorciste (1973) de William Friedkin

Après l'énorme succès de "French Connection" (1971) le réalisateur William Friedkin se retrouve avec la confiance de Hollywood et obtient un pouvoir qui lui permet de servir une ambition et une audace plus forte. A l'instar de son film précédent le cinéaste choisit une histoire vraie (qui se serait déroulée en 1949), un livre pour ainsi adapter le roman éponyme (1971) de William Peter Blatty. L'auteur qui a déjà travaillé pour le cinéma notamment en signant les scénarios de "Quand l'Inspecteur s'emmêle ?" (1964) et "Qu'as-tu fait à la Guerre, Papa ?" (1966) tous deux de Blake Edwards, l'auteur assure lui-même le travail d'adaptation en tant que Producteur-scénariste, et s'investira encore dans la franchise puisqu'il réalise lui-même "L"Exorciste, la suite" (1990) et écrira le scénario du prequel "L'Exorciste : au Commencement" (2004) de Renny Harlin. Des suites parmi tant d'autres, avec "L'Exorciste : l'Hérétique" (1977) de John Boorman jusqu'au tout récent "L'Exorciste : Devotion" (2023) de David Gordon Green, permis grâce au succès mondial du film originel. Doté d'un budget de 12 millions de dollars, soit 9 fois supérieur à "French Connection", amassera près de 400 millions de dollars au box-office Monde (soit plus de 2 milliards de dollars selon l'inflation !) dont plus 6,7 millions d'entrées France. Un succès d'autant plus impressionnant que le film est interdit au moins de 18 ans à sa sortie en salles. En prime le film reçoit l'Oscar du meilleur scénario et du meilleur son. Précisons qu'ici nous parlons de la version Director's Cut de 2001 avec ses 11mn ajoutées dont une scène culte... L'actrice Chris McNeil est inquiète pour sa fille Regan. Après des sons et bruits étranges provenant de sa chambre, Regan a changé et a un comportement dément dont des vociférations et des insanités proférées. Quand ces événements coûte la vie à son ami réalisateur la maman se décide à faire appel à des exorcistes... 

La maman Chris McNeil est jouée par Ellen Burstyn vue dans "La Dernière Séance" (1971) de Peter Bogdanovich, qui aura une carrière assez discrète ensuite jusqu'à son retour marquant avec coup sur coup "The Yards" (2000) de James Gray et "Requiem for a Dream" (2000) de Darren Aronofsky, puis retrouvera justement dans "L'Exorciste : Devotion" (2023) sa fille Regan incarnée par Linda Blair qui débute alors à tout juste 14 ans, qui poursuivra sa carrière aussitôt avec entre autre "747 en Péril" (1974) de Jack Smight ou lpus tard "Scream" (1996) de Wes Craven et retrouvera aussi dans la suite "L'Exorciste : l'Hérétique" (1977) un de ses exorcistes, joué par Max Von Sydow acteur fétiche de Ingmar Bergman dans pas moins de 11 films entre "Le Septième Sceau" (1957) et "Le Lien" (1971), tandis que le second exorciste est joué par Jason Miller qui retrouvera William Peter Blatty dans "La Neuvième Configuration" (1980) et surtout "L'Exorciste, la Suite" (1990). Citons ensuite Lee J. Cobb vu auparavant dans "Sur les Quais" (1954) de Elia Kazan, "Douze Hommes en Colère" (1957) de Sidney Lumet ou "Les Frères Karamazov" (1958) de Richard Brooks, Jack MacGowran vu dans "Tom Jones" (1963) de Tony Richardson, "Le Docteur Jivago" (1965) de David Lean, "Cul-de-Sac" (1966) et "Le Bal des Vampires" (1967) tous deux de Roman Polanski, Kitty Winn vue dans "Panique à Needle Park" (1971) de Jerry Schatzberg qui retrouvera Linda Blair et Max Von Sydow dans "L'Exorciste : l'Hérétique" (1977), Barton Heyman qui retrouvera Friedkin dans "La Chasse" (1980) et retrouvera aussi Von Sydow dans "L'Eveil" (1990) de Penny Marshall, Peter Masterson vu dans "Dans la Chaleur de la Nuit" (1967) de Norman Jewison ou "La Symphonie des Héros" (1968) de Ralph Nelson, Rudolf Schündler vu dans "Le Testament du Docteur Mabuse" (1932) de Fritz Lang ou plus tard dans "L'Ami Américain" (1977) de Wim Wenders et "Suspiria" (1977) de Dario Argento, Titos Vandis vu dans "Les Hors-la-Loi" (1958) de Nikos Koundoros ou "Jamais le Dimanche" (1960) et "Topkapi" (1964) tous deux de Jules Dassin, puis enfin et surtout n'oublions pas le Mal incarnée vocalement par Mercedes McCambridge star des années 50 avec entre autre "Johnny Guitar" (1954) de Nicholas Ray, "Géant" (1956) de Georges Stevens, "La Soif du Mal" (1958) de et avec Orson Welles ou "Soudain l'Eté Dernier" (1959) de J.L. Mankiewicz... Considéré comme un des plus grands films d'horreur "L'Exorciste" l'était sans aucun doute en 1973, certains spectateurs-trices s'en souviennent puisque plusieurs cas de malaises à l'époque ont été constaté. Mais avec les années, si le film est devenu une référence il n'en demeure pas moins que les décennies ont transformé le film en monument du Septième Art mais aussi et surtout il a dévié dans les sous-genres. En effet, le film est désormais plus un thriller horrifique plutôt qu'un pur film d'épouvante. Les sursauts inhérents à la peur se feront rares auprès d'un public qui en a vu d'autres depuis un demi-siècle. Pourtant le film reste d'une qualité indéniable et d'une puissance émotionnelle et visuelle rare. Rappelons que le film fut accusé par des fanatiques religieux de faire "l'éloge de Satan", le danger fut pris au sérieux tel que la jeune actrice Linda Blair a dû être protégée par des gardes du corps pendant plusieurs mois. La première partie du film prend sans doute un peu trop son temps, un peu long mais la mise en scène de Friedkin permet malgré tout de rester focus, des recherches archéologiques en Egypte aux failles psychologiques du père Karras/Miller en passant évidemment par une mère en plein désarroi devant la souffrance de sa fille de 13 ans.

Outre les autres personnages, c'est bien cette jeune ado, Regan alias Linda Blair qui vampirise l'écran. L'actrice est impressionnante et montre une maturité et une audace folle pour incarner de cette façon aussi viscérale un démon aussi répugnant - pour l'anecdote, précisons que sa propre mère jour l'infirmière qui entre dans le bureau après l'artériographie. La dégénéréscence de Regan est progressive et visuellement parfaitement hideux et repoussant, le maquillage est pour l'époque tout à fait épatant. Si on connaît le nom du démon (Pazuzu pour ceux qui ont lu le roman) le film évite soigneusement (ou plutôt le démon !) de se dévoiler affirmant qu'il est tout simplement le Diable. Le récit devient particulièrement prenant voir même hypnotisant quand Regan semble condamnée à la damnation avec une séquence culte de la descente d'escalier, de l'auto-coït violent avec un crucifix mais aussi des failles du père Karras dévoilées durant l'exorcisme ou la scène du vomi dont le dégoût de l'acteur est non feint ; en effet, le vomi était à la base prévu sur le torse et non pas au visage. Les effets sonores ne sont pas pour rien dans les réactions de dégoûts et d'effroi, plusieurs sons du Pazuzu sont de savants mélanges de divers son dont le porc qu'on égorge entre autre. Le récit est à son paroxysme avec la partie de l'exorcisme, évidemment, mais on est encore surpris par l'issue et les conséquences. La plus grosse déception reste sans doute la très faible présence de la musique de Mike Oldfield, "Tubular Bells" pourtant si cultissime et entrée à la postérité elle n'est malheureusement que très peu présente dans le film (max 1 ou 2mn). Friedkin signe un monument du genre, usant d'image en filigrane et de plans subliminaux, osant le malaise en faisant dire et faire à sa jeune actrice des choses révoltantes si elle était effectivement une jeune fille et non pas le démon Pazuzu. Le film reste un grand film, un chef d'oeuvre du genre qui va marqué l'Histoire et inspiré la plupart des films d'horreurs qui suivront. A voir et à conseiller.

Note :  

L'Exorciste (1973) William FriedkinL'Exorciste (1973) William FriedkinL'Exorciste (1973) William FriedkinL'Exorciste (1973) William Friedkin

18/20